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Article rédigé par

Justine Claux – franceinfo
France Télévisions

Invité de Jean-Paul Chapel dans “:L’éco”, Christian Chavagneux est éditorialiste au mensuel Alternatives Economiques. Il est venu présenter le numéro d’octobre 2019, au programme : les retraites et les régimes spéciaux, les déchets plastiques, les conséquences d’un hard Brexit et un grand entretien avec l’économiste Thomas Piketty.

Christian Chavagneux est économiste et éditorialiste au mensuel Alternatives Economiques.

À la une du numéro d’octobre 2019, un grand entretien avec l’économiste Thomas Piketty, à l’occasion de la sortie de son livre “Capital et idéologie”, parue le 12 septembre dernier aux éditions du Seuil.

“Un mot sur son livre, il est aussi bon que son précédent (“Le Capital au XXIe siècle”, publié en 2013, NDLR), qui a eu un grand succès planétaire ?”, demande Jean-Paul Chapel.

“Je crois même qu’il est meilleur que le précédent”, répond Christian Chavagneux. “Parce qu’il reprend exactement les explications pédagogiques, historiques, statistiques qu’il nous avait données dans le premier livre, et, en plus, il nous offre une analyse politique : pourquoi est-ce qu’il y a des sociétés qui acceptent des niveaux d’inégalités très élevés pendant longtemps ? Et là, c’est toute cette analyse politique que Thomas Piketty creuse. La réponse, c’est : on donne la priorité à la propriété privée, et donc lui, ses propositions de fin d’ouvrage, qui sont originales par rapport au livre précédent, c’est de dire ‘Il faut agir pour que la propriété soit moins concentrée dans les mains de quelques personnes’. Pour lui, on a trop de patrimoines et trop d’argent, quand on a plus de deux milliards de patrimoines, deux milliards, ça fait quand même déjà pas mal, donc lui, il propose de taxer beaucoup au-dessus des deux milliards”.

“Mais c’est peu de gens qui ont plus de deux milliards. Et ça suffit à réduire les inégalités ? “, souligne Jean-Paul Chapel.

“D’après Thomas Piketty, oui. Alors, il propose une taxation tout à fait progressive. Il dit que le patrimoine moyen en France est de 200.000€, donc plus vous allez être au-dessus de 200.000€, plus vous allez être taxé. Ceux qui seront vraiment lourdement taxés, c’est-à-dire jusqu’à 90%, c’est au-dessus de 10.000 fois le patrimoine moyen, ça nous met à deux milliards, donc ça va”, affirme l’éditorialiste Christian Chavagneux. “Et puis, son autre grande proposition, c’est ‘Il faut donner plus de pouvoir aux salariés dans l’entreprise’, il ne faut pas que l’entreprise soit considérée comme la propriété des actionnaires, ce qu’elle n’est pas d’ailleurs, quand vous êtes propriétaire d’une action, vous n’êtes pas propriétaire de l’entreprise, il faut partager le pouvoir. Et donc voilà, il avance beaucoup de propositions”

“J’ai passé 1h40 avec lui (Thomas Piketty, NDLR), je me suis aperçu qu’évidemment, on est un mensuel, on arrive après tout le monde, mais, je me suis aperçu que peu de mes confrères ont passé autant de temps, et donc, nous, on arrive avec, vraiment, je crois, plusieurs pages qui permettent de bien savoir ce qu’il y a dans le livre, avec un traitement original, ce dessin par exemple (dessin en Une du numéro, NDLR), dessin qu’on retrouve aussi à l’intérieur du dossier.”, poursuit l’économiste.

“Alors, à la Une de votre magazine, un dossier sur les retraites, les régimes spéciaux, sur le Brexit : attention aux secousses !, sur le plastique, comment s’en débarrasser ?, mais aussi, c’est l’actualité du jour, sur l’immigration, et vous avez des chiffres qui vont nous surprendre et qui vont à rebours des idées reçues”, détaille Jean-Paul Chapel.

“Par exemple, je pense qu’on n’a pas en tête l’idée que les immigrés qui sont en France sont généralement plus qualifiés que les Français, ils ont un niveau d’éducation supérieur. Vous prenez les Roumains par exemple, vous prenez les Sénégalais, ils ont un niveau d’éducation supérieur, bien plus élevé que le niveau français, ce qui fait que lorsqu’on accepte des immigrés de manière générale, on monte le niveau de compétence de la force de travail en France”, avance Christian Chavagneux.

“Des immigrés qui sont plus nombreux aujourd’hui qu’autrefois”, note Jean-Paul Chapel.

“Oui, ça, c’est vrai. Depuis le début des années 2000, il y a plus d’immigrés en France. Aujourd’hui, c’est un peu moins de 10 % de la population française, mais quand on regarde dans le détail les statistiques, on s’aperçoit que cette montée tient surtout au fait qu’il y a plus d’étudiants qui veulent venir en France, + 30 % de visas qu’on offre à des étudiants étrangers. Le fameux regroupement familial, vous savez, il y a le papa qui arrive et qui fait venir toute sa famille, ça, c’est en baisse de 25 % au cours des dernières années. Donc, l’immigration, oui, progresse en France, mais c’est parce que, bonne nouvelle, des étudiants veulent venir chez nous”, développe l’éditorialiste au mensuel Alternatives Economiques.

“Vous dites que la France n’est pas tellement plus accueillante que ses pays voisins”, lance Jean-Paul Chapel.

“Ah, ça, c’est vraiment un mythe, le côté ‘La France est très attractive et tous les pays vont venir chez nous, notamment tous les Africains qui ont du mal à trouver du travail’. La France accueille de cinq à sept fois moins de migrants que l’Allemagne par exemple. Si vous prenez les demandeurs d’asile, la France n’est pas du tout le pays de destination privilégiée de la part des migrants. Si vous élargissez la focale et que vous prenez le niveau monde, en fait, ce sont les pays asiatiques qui reçoivent le plus de migrants et nous, l’Europe, on en reçoit moins, et au sein de l’Europe, la France en reçoit moins que les autres”, assure Christian Chavagneux.

Comment se débarrasser des plastiques ? “D’abord, un constat, c’est qu’on en consomme beaucoup, et quand je dis consomme, c’est presque au sens propre”, rappelle Jean-Paul Chapel.

“On a eu une étude du WWF qui nous montre qu’on jette les plastiques dans la mer, les poissons en prennent, les bestiaux en prennent, et à la fin, nous, on est au bout de la chaîne alimentaire, et on ingère l’équivalent d’une carte de crédit par semaine, donc c’est vraiment énorme”, insiste l’économiste.

Mais comment y remédier ? “Déjà, il faut en produire moins, ce que les ingénieurs appellent l’éco-conception : est-ce qu’on peut essayer d’imaginer les produits sans le plastique qui va autour ? Ça, c’est déjà une petite partie. C’est difficile nous dit l’article, la solution, c’est vraiment le recyclage, et là, on s’aperçoit que le recyclage n’est pas toujours facile, il y a des nouvelles techniques de recyclage chimique qui se mettent en place, mais bon, c’est assez difficile, mais c’est par là qu’il faut progresser. Il faut trier et recycler, on le fait relativement dans les pays développés, notamment en France, on le fait beaucoup moins dans les pays en développement, et la grosse production de plastique, c’est dans les pays en développement. Donc, là, c’est aussi un problème mondial qu’il faut qu’on gère au niveau international.”, développe Christian Chavagneux.

“Alors, au niveau international, une des craintes du moment, c’est le Brexit, fin du mois d’octobre, un Brexit qui peut être dur…”, poursuit Jean-Paul Chapel.

“L’agriculture anglaise va être très pénalisée en cas de Brexit parce que les Britanniques importent beaucoup, notamment de chez nous, le secteur industriel aussi, la City !”, s’exclame l’éditorialiste au mensuel Alternatives Economiques, avant d’ajouter : “Peut-être qu’avec un Brexit dur, les règles qu’il y aura pour réguler la finance britannique et les règles qu’il y aura pour réguler la finance européenne ne seront plus les mêmes, du coup les passages vont être difficiles, peut-être qu’avec un Brexit dur, peut-être même qu’avec un Brexit tout court, la première place financière mondiale va perdre son leadership, au profit de beaucoup de pays, un peu l’Irlande, un peu Francfort, un peu la France.”

L’interview s’est conclue sur “Money Song” des Monty Python.

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