Une étude scientifique montre que la circulation du grand courant océanique atlantique ralentit. S’il se poursuit, ce phénomène causé par le changement climatique aura des conséquences néfastes.

Le Gulf Stream qui s’arrête : c’est le scénario du film Le jour d’après, sorti en 2004. Dans cette superproduction, l’arrêt des courants océaniques de l’Atlantique Nord est à l’origine d’une série de catastrophes. Si ce scénario est très exagéré, la crainte d’un ralentissement important des courants océaniques dans l’Atlantique lié au réchauffement climatique est un sujet de préoccupation pour les scientifiques depuis plusieurs décennies. Une étude parue le 25 février dans Nature Geoscience indique que ces courants seraient déjà en train de ralentir, ayant atteint leur plus bas niveau depuis au moins un millénaire.

Le circuit du grand courant atlantique, dit Atlantic meridional overturning circulation (Amoc).

Les océans ne sont pas des masses d’eau inertes. Ils sont brassés en permanence par des courants marins, qui lient les océans entre eux. Ce mouvement continu de grande échelle, appelée circulation thermohaline ou MOC (meridional overturning circulation), joue un rôle très important dans la régulation du système climatique. « L’océan transfère d’énormes quantités d’eau, de carbone et de chaleur de la surface vers les profondeurs, grâce à la circulation thermohaline. Elle joue donc vraiment le rôle de thermostat au niveau du climat mondial », explique à ReporterreJean-Baptiste Sallée, chercheur au laboratoire LOCEAN de l’université Paris Sorbonne.

La stabilité de ce thermostat est donc un bon indicateur quand on cherche à comprendre les évolutions passées du climat, pour tenter d’anticiper ceux à venir. « Ce que nous montre l’étude, qui se fonde sur l’observation de plusieurs facteurs indirects, c’est que la circulation thermohaline atlantique[Amoc] est très stable depuis environ un millénaire. Mais au cours du dernier siècle, il s’est produit une réduction marquée de ces courants atlantiques », dit Jean-Baptiste Sallée. Le thermostat du climat de la planète serait donc en train de bouger, probablement sous l’effet du réchauffement climatique.

La fonte des glaciers contribue au ralentissement de l’Amoc.

La différence de densité entre les eaux de surface et les eaux profondes est le moteur de la circulation thermohaline. Plus les eaux de surface sont denses, plus elles peuvent plonger et alimenter la circulation thermohaline. Les eaux profondes ont une masse volumique d’environ 1.050 kg/m3 contre 1.029 pour les eaux de surface près des pôles et 1.020 pour les eaux tropicales. Or, le réchauffement global va provoquer la diminution de la densité des eaux de surface des océans. D’une part, les eaux de surface plus chaudes à cause du réchauffement seront aussi moins denses du fait de leur dilatation thermique. De surcroît, la fonte des glaciers et des banquises et la modification du régime des précipitations aux hautes latitudes injecteront de grandes quantités d’eau douce dans les eaux de surface des océans. Cette addition d’eau douce rendra l’eau moins salée, et donc moins dense.

Quelles conséquences aurait l’accentuation du ralentissement de l’Amoc ? En apportant la douceur et l’humidité de l’océan, l’Amoc gouverne en profondeur la météo des continents. Un ralentissement important aurait des conséquences très néfastes à l’échelle du globe. « Dans la région du Sahel, une diminution de l’Amoc entraînerait une baisse importante des précipitations, avec des répercussions humaines importantes dans cette région très peuplée », dit à Reporterre Didier Swingedouw, chercheur CNRS à l’université de Bordeaux.

« En Europe du Nord, une diminution de l’Amoc a comme conséquence une augmentation de la fréquence des tempêtes et une augmentation du niveau des mers en Amérique du Nord et en Europe. Elle produira aussi une baisse importante de la production biologique marine », dit de son côté Jean-Baptiste Sallée. « Il est aussi possible qu’en Europe, le contraste entre les saisons soit plus marqué, avec des hivers plus rigoureux et des étés très chauds », ajoute Didier Swingedouw.

Mais ce ralentissement est-il certain ? Pour Didier Swingedouw, la question est plutôt de savoir dans quelle proportion l’Amoc va diminuer : « On sait qu’une diminution de l’Amoc est très probable. La question est plutôt de quantifier l’amplitude de cette baisse et son horizon temporel. »

Partager.

Laissez votre commentaireAnnuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Exit mobile version