Médiatiquement présentée en octobre dernier, la « Charte en faveur de la production martiniquaise » a franchi une nouvelle étape, ce 06 juillet, via de nouvelles signatures engageant les parties prenantes de ladite charte à rendre concret le premier de leurs six axes et objectifs principaux, à savoir une « amélioration de la visibilité des produits locaux ». Déclinée au sein de l’Hôtel de la CTM à Plateau Roy, cette communication globale a notamment présenté Cœur Martinique, une « marque-ombrelle » ou générique, dédiée à la production péyi. Un « cœur » qui interroge… . Eléments d’explications.

Pour rappel, les signataires et parties prenantes de cette Charte sont au nombre de cinq et sont les suivantes : l’Association Martiniquaise pour la Promotion de l’Industrie (AMPI), nos trois établissements consulaires à savoir la Chambre d’Agriculture, la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCIM), la Chambre des Métiers et de l’Artisanat (CMA) et, last but not least (surtout sous les auspices affichés pour un tel objectif), le Syndicat des Distributeurs et Grossistes Alimentaires (SDGA). Quant aux autres objectifs principaux des signataires, ils sont les suivants : « développement de l’entrepreneuriat ; participation à la structuration des filières et soutien à l’innovation ; encourager les démarches environnementales ; soutenir les efforts de différenciation et de labellisation ; engagement en faveur de la formation professionnelle. » Des objectifs principaux qui sont déclinés en une véritable foultitude de volontés et ambitions affichées ; des volontés et ambitions tantôt communes aux cinq signataires, ou relevant spécifiquement de leurs champs respectifs d’activités et de compétences.

« Par Amour du Péyi… » 

Lors de sa première présentation médiatique, ainsi que le 06 juillet dernier, cette Charte a été présentée par ses parties prenantes comme étant « inédite », notamment par l’initiative ainsi prise et un caractère « unitaire » en termes d’acteurs-partenaires. Si tel est possiblement le cas, les ‘’éléments de langage’’ ayant nourri la présentation des dits objectifs ne sont, de notre point de vue, absolument pas inédits, tant ils étaient familiers à nos oreilles, et ce depuis – au moins – une dizaine d’années. Une caractéristique de ‘’déjà entendu‘’ que nous associons également au slogan associé à cette marque-générique Cœur Martinique, à savoir « Par Amour du Péyi ». On retrouve ici exprimé, en effet, ce concept de « patriotisme économique », décliné par les responsables de l’industrie de Martinique il y a une dizaine d’années, quant à l’achat par les martiniquais.es de produits fabriqués et réalisés isiya. Dans le droit fil de cette affirmation d’ordre affectif, il est indiqué ce qui suit, dans le dossier de presse inhérent à cette signature partenariale : « Cœur Martinique est une marque régionale qui s’adresse aux consommateurs qui souhaitent faire de leur acte d’achat un acte utile et porteur de sens. C’est une marque qui parle à tous ceux (…) qui ont aussi conscience que sans l’implication de chacun d’entre nous, le développement économique de notre île, le rêve d’une autonomie alimentaire ou encore de produits locaux plus accessibles restera utopique. » Alors on va y aller par ‘’étapes’’, tant le choix de ces mots appelle interrogations et commentaires.

« Plus les martiniquais achèteront de la production locale, plus cette production pourra baisser ses prix… » 

Cœur Martinique ne s’adresserait donc pas aux personnes qui, non pas ne souhaitent pas mais ne peuvent pas, ou pas régulièrement, acheter des produits péyi ? Ces personnes n’aimeraient pas, ou pas assez, la Martinique ? Comme l’impression d’une stigmatisation voilée… . Et l’on en vient rapidement – et inévitablement – à une réalité, certes non exclusive*, qui écarte nombre de martiniquais.es de l’achat des dits produits : leur cherté comparativement à nombre d’offres concurrentielles. Et importées. Dans une communication médiatique relative à cette récente présentation, Josiane Capron, la présidente de l’AMPI, a indiqué ceci : « Plus les martiniquais achèteront de la production locale, plus cette production pourra baisser les prix, car cela permettra de réaliser des économies d’échelles. » C’est probablement ce que les parties prenantes de cette Charte entendent par le caractère « utile et porteur de sens » de ces achats ‘’patriotiques’’. Une objection cependant : c’est faire, de notre point de vue, peser un poids particulièrement lourd – notamment un poids d’ordre éthique – sur les épaules des martiniquais.es, que de manifestement conditionner notre « développement  économique » et une meilleure « accessibilité » (financière ?) de nos produits péyi à leurs seuls portes-monnaies. Quant au conditionnement de notre « autonomie alimentaire » à ces achats péyi, nombreux sont celles et ceux qui savent que ladite « autonomie » est historiquement conditionnée à d’autres décisions, choix et actions… .

Au moment de la rédaction de ces lignes, les acteurs de la distribution sous nos cieux ont médiatiquement indiqué ne pas savoir si les produits relevant de la marque Cœur Martinique feront l’objet de rayons dédiés ou de sections dans les différentes surfaces commerciales. En tout cas et toujours selon les propos de ces acteurs, il devrait y avoir une « mise en avant spécifique de ces produits dans les rayons habituels », avec le logo et slogan de ladite marque. Autre réalité – et non des moindres – au moment de la rédaction de ces lignes, l’absence d’engagements chiffrés en termes de quantité de produits « locaux » proposés à l’achat des client.es. Une donnée pourtant cruciale au regard des objectifs, volontés et ambitions affichées. Pour l’heure, les « engagements » des responsables de la distribution concerneraient, outre les mises en avant évoquées, des « animations commerciales » et autres « temps forts dédiés à la production locale » (une production qui représenterait, selon les propos médiatiques du président du SDGA, « près de 25% du chiffre d’affaire des magasins »). Cette possible « meilleure identification » des produits péyi, facilitera-t-elle leur achat ? A suivre, forcément.

Mike Irasque

* Des facteurs générationnels et socioculturels nous semblent également expliquer cet absence, quasi absence ou faible fréquence, d’achats de produits péyi. *Un site internet (« encore en construction ») existe : www.coeur-martinique.com

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