Le préfet de Martinique, Stanislas Cazelles, et le président du Conseil exécutif de la Collectivité Territoriale de Martinique, Alfred Marie-Jeanne, ont décidé de réunir le « Haut Conseil à la Commande Publique » (HCCP) ; ce qui fut effectivement décliné lors d’une récente réunion à l’Hôtel de la CTM. Eléments d’information.

Une réunion qui fut notamment ponctuée par la présentation d’un représentant des services de l’Etat, qui énuméra les projets de commande publique sur lesquels il (l’Etat) était engagé en tant que « donneur d’ordre ». Et de mentionner par exemple le futur Hôtel de Police situé à Fort-de-France (« 35 millions d’euros de dépenses publiques »), le Restaurant Universitaire de Schoelcher (« 7 millions ») ou encore, dans le cadre du confortement parasismique, « 15 bâtiments stratégiques de l’Etat qui ont été identifiés (…) pour une enveloppe de l’ordre de 16 millions d’euros », le projet global pour le CHUM* du cyclotron (« 45 millions d’euros »), les extensions Est et Ouest de l’Aéroport Aimé Césaire (« 82 millions sur 2021-2022 »), etc.

Le préfet Stanislas Cazelles et Alfred Marie-Jeanne (DR)

Lors de son intervention liminaire, Alfred Marie-Jeanne évoqua quant à lui le ‘Plan de refondation’ porté par ladite Collectivité (un Plan « qui se caractérise par l’immédiateté des actions proposées », souligna le dirigeant) et plus précisément des « travaux dont la faisabilité technique et financière est avérée (…) travaux territoriaux d’infrastructures routière, portuaire, hydraulique, numérique, pour un montant de plus de 100 millions d’euros (…) et des projets communaux (…) qui concernent près de 45 millions d’euros (…). » Puis, le mèt piès de la CTM de conclure son propos en ces termes choisis : « Toutes ces actions de commande publique, d’infrastructure, d’ingénierie, de formation, sont autant d’opportunités d’injecter des fonds dans l’économie du pays. Elles ont été consignées dans le ‘Budget Supplémentaire’ voté en juillet dernier et représentent près de 170 millions d’euros, soit 68% des 230 millions d’euros de crédits supplémentaires votés en juillet. Les crédits sont disponibles. Ils peuvent être immédiatement mobilisés. A vous de vous retrousser les manches ! ». Que penseront les acteurs (mobilisés depuis des semaines) du secteur BTP, de ces vertigineux montants financiers et autres annonces ? Eléments de réponses avec l’interlocuteur suivant. (MI)


   Hervé Etilé : « C’est une volonté politique et aussi une lourdeur administrative… » 

Hervé Etilé (MI)

Hervé Etilé est le président de la ‘Fédération Française du Bâtiment’ de Martinique, rassemblant une trentaine d’entreprises du secteur. Il faisait partie de l’auditoire de cette réunion. Réactions (critiques) à chaud.

Antilla : Vous avez fait une ou deux interventions critiques durant cette réunion : selon vous que manque-t-il à nos décideurs politiques quand il est question de la « santé » du BTP en Martinique ?

Hervé Etilé : Surtout de l’audace. Et de la simplicité. Dans le BTP on sait qu’après avoir travaillé on est payés. Et qu’il y a des règles pour ça. Donc c’est juste respecter les règles du Code des marchés publics, respecter les règles mises en place par le législateur pour faciliter et fluidifier les choses. Et puis je suis assez étonné parce que dans cette réunion le président de la Collectivité (Hervé Etilé parle d’Alfred Marie-Jeanne, ndr) nous a dit qu’il veut bien mettre en place une organisation supplémentaire, pour pouvoir pointer du doigt là où il y a des problèmes… . Bon, on est à 6 mois de la fin de son mandat, donc je trouve que c’est un peu tôt (sourire) ; vous comprenez bien que c’est de l’humour, mais c’est assez inquiétant de savoir qu’à 6 mois de la fin d’un mandat on puisse dire ‘je commence à voir qu’il y a des blocages et je voudrais mettre en place une commission pour voir où ça bloque.’ Mais nous pouvons lister pour le président tout ce qui bloque. Il faut aussi plus d’organisation : des marchés réalisés et qui ne sont pas payés, même pas dans les 45 jours, ce n’est pas possible, etc. Il faut avoir une seule chose en tête : les marchés publics existent avec des règles, donc utilisons ces règles, faisons en sorte que les entreprises travaillent ; et une fois qu’elles ont travaillé, payez les entreprises. C’est si simple, et pourtant si compliqué.

Précisément, pour le profane que je suis en cette matière qu’est-ce qui explique qu’une telle « simplicité » ne soit pas déclinée concrètement ?

Premièrement peut-être que c’est une volonté politique.

Ce serait très grave, non ?

Aujourd’hui des personnes ont un comportement ‘bloquant’. Le législateur dit qu’on peut faire des marchés de ‘gré à gré’ jusqu’à 100.000 euros ; on me dit qu’on ne peut pas ‘’saucissonner’’ mais je connais bon nombre de marchés qui sont en-dessous de 100.000 euros, qui pourraient satisfaire bon nombre d’entreprises, relancer l’économie et faire que les entreprises travaillent. Donc c’est une volonté politique et aussi une lourdeur administrative, un pilotage de l’administratif qu’il faut organiser.

Comment le secteur peut-il s’en sortir face aux « pesanteurs » que vous mentionnez ?

Il faut que les gens prennent conscience qu’il y a des familles, des personnes qui vivent de leur travail, qui ont appris un métier, qui peuvent aménager le territoire et créer de la richesse. Il faut se rapprocher des gens, les comprendre. Et non penser qu’on peut arranger et faire fonctionner les choses à ‘coups’ de réunions, mais sans entrer dans des règles qui existent et qui sont simples. Et vous savez, nous sommes pour le ‘BTP viable’.

C’est-à-dire plus précisément ?

Ce ‘BTP viable’ prend en compte toutes les problématiques de l’île, toutes les données et possibilités que nous avons en outils : et c’est à partir de là seulement qu’on pourra sortir de l’ornière. C’est prendre en compte toutes nos spécificités et créer ce ‘BTP viable’, qui est aussi un tourisme viable, une industrie viable, etc. Car tout ça est lié.

Donc « viable » dans le sens de ‘’durable’’, ‘’pérenne’’ ?

Oui. Et dans le sens de ne pas faire des ‘coups’… . Ce secteur du BTP est moteur, donc automatiquement quand on dit ‘BTP viable’ on parle d’un schéma économique viable pour la Martinique.

Propos recueillis par Mike Irasque

*CHUM : Centre Hospitalier Universitaire de Martinique.

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