Elu maire du Diamant au second tour des municipales 2020, Hugues Toussay est également une figure de la communauté d’agglomération de l’Espace Sud (où il exerce des responsabilités depuis plus de dix ans) et membre du Rassemblement Démocratique pour la Martinique (RDM), depuis sa création.  Autant de bonnes raisons de l’avoir sollicité. Entretien.

Antilla : Dans une récente interview, vous indiquiez que vos priorités pour cette mandature au Diamant seraient l’éducation et le développement social : pouvez-vous nous en dire plus ?

Hugues Toussay : Sur ce premier mandat on a mis effectivement les priorités sur l’éducation et le social. Sur l’éducation, il s’agit de poursuivre un projet que j’avais commencé en 2010 – la reconstruction des écoles – et de se rapprocher le plus possible d’une école gratuite, dans le sens de trouver l’articulation budgétaire pour que les parents n’aient pas à débourser pour le matériel scolaire. Egalement une offre sur le plan culturel avec les associations, tout ce qui est relatif à la valorisation du patrimoine, etc. L’idée c’est de mettre ces associations en relation avec les écoles, et à titre gracieux pour les parents. Sur le volet social, c’est avoir une plateforme sociale et non simplement un CCAS (Centre Communal d’Action Sociale) qui donne des aides ; donc un véritable accompagnement de la population, à travers des dispositifs qui existent ailleurs. Ce seraient les deux grosses priorités de la mandature, parce qu’on sait très bien que le temps administratif est long et que les projets n’aboutiront pas du jour au lendemain. En tout cas on aimerait que ces deux volets soient bouclés à l’issue de cette mandature.

Et hormis ces deux volets décrits comme majeurs ?

Il y a la question de l’aménagement, notamment celui du bourg et du sous-bois. Nous lancerons des études, et on sait que les études prennent du temps. En fait, ce serait réaménager tout le bourg. Il y a des soucis de places de parking, la ‘Place des Fêtes’ est à réaménager, donc c’est un gros chantier, qui à mon avis s’étalerait sur 2 mandats. Mais il faut d’abord travailler à l’amélioration du quotidien des habitants. Donc ça passe par le nettoyage des quartiers ; ce qui a d’ailleurs été notre premier ‘chantier’ : solliciter les équipes techniques et mettre le matériel qu’il faut pour faire ce travail-là. Et une fois que les diamantinois seront bien chez eux, à ce moment-là travailler sur l’extérieur. Sur le développement touristique par exemple, dans le PLU (Plan Local d’Urbanisme) la pointe de La Cherry a une destination purement touristique. Donc si je devais résumer en une phrase : c’est d’abord être bien chez soi, pour pouvoir accueillir les autres.

« Je me suis rendu compte que le pouvoir ne se donne pas : il se prend » 

Hugues Toussay (MI)

A ma connaissance il y a trois écoles et un collège au Diamant : tous ces établissements sont concernés par la reconstruction dont vous parliez ?

Une première étude a été menée en 2007, dans le cadre du ‘Plan Séisme’ de l’Etat, et sur les 3 écoles l’une d’elles était vouée à la démolition. On a donc construit l’école de Carrière, pour pouvoir accueillir les élèves de Dizac. Et depuis c’est le stand by. Donc la prochaine étape c’est la construction d’une nouvelle école, pour notamment décongestionner le bourg, et peut-être le confortement ou la reconstruction de l’école maternelle de O’Mullane. A ce sujet on a l’avantage aujourd’hui d’avoir beaucoup plus de subventions : pratiquement un financement à 100 %. Donc on se lance. Et on veut profiter du ‘plan de relance’ du gouvernement, qui pour la Martinique correspond à une ‘enveloppe’ de 350 millions d’euros. On a donc déjà déposé des dossiers, puisque kon yo ka di ‘bèf douvan bwè dlo klè’ (sourire).

Vous avez mentionné l’aménagement du « sous-bois » : c’est-à-dire ?

Le sous-bois c’est la partie ONF (Office National des Forêts, ndr), c’est la plage. L’idée c’est d’améliorer le sentier littoral, et peut-être de repenser les petits parkings par un parking sécurisé le long de la route départementale, pour que les véhicules ne puissent pas accéder aux sous-bois.

Vous avez dit que certains projets seraient déclinés sur deux mandatures : le maire « WW » que vous êtes s’est déjà fixé un horizon à ce niveau-là ?

(sourire) Vu l’ambition que nous avons pour le Diamant, il faut au minimum 2 mandats par rapport à ce que j’ai énoncé. Un troisième mandat reste un point d’interrogation ; je ne suis pas pour la durée très longue dans un même mandat : à un moment on s’essouffle. Je l’ai dit récemment : le problème en Martinique c’est que les anciens n’ont pas travaillé sur la transmission. Aujourd’hui on voit 2 ou 3 figures politiques emblématiques en Martinique, et si ces figures ne sont pas là on se dit ‘mais qui alors ?’. C’est parce que cette transmission, cette préparation-là n’a pas été faite. Vous savez, c’est ma première élection en tant que maire mais je suis élu depuis 2008. J’ai été 1er adjoint (de 2008 à 2017, ndr) et par rapport à ce problème de transmission, finalement je me suis rendu compte que le pouvoir ne se donne pas : il se prend (sourire). Si on veut faire bouger les choses il faut prendre le pouvoir ; il ne faut pas attendre qu’on le donne.

« Quand de tels propos sortent, on n’a pas à regarder quels risques politiques on prend… »

Echanges de terrain (DR)

En juillet dernier vous avez rapidement et fermement réagi aux inadmissibles propos à caractère raciste et appels à la violence proférés sur Facebook par deux résidents du Diamant, dont le procès a d’ailleurs été reporté à novembre prochain : à votre connaissance des faits de cette nature étaient-ils une première au Diamant ?

Ces propos ont été diffusés sur les réseaux sociaux, donc ils ont fait ‘boule de neige’, mais au Diamant comme partout ailleurs il existe de tels individus. Mais dès lors que ces individus se manifestent de façon publique, tout un chacun devrait réagir fermement. Alors certaines personnes m’ont demandé si je ne prenais pas un risque électoral par rapport à une partie de la population du Diamant (les deux individus en question sont blancs, ndr). Non, il était de ma responsabilité de le faire (Hugues Toussay a porté plainte, ndr). Quand de tels propos sortent, on n’a pas à regarder quels risques politiques on prend.

Il y a des administré.e.s du Diamant qui vous ont reproché votre réaction suite à ces propos inadmissibles ?  

Non, disons pas directement (sourire). Egalement par rapport au pourcentage, notamment pour les élections présidentielles, de personnes qui au Diamant votent pour Le Pen. Mais je pense que c’est dans l’action quotidienne sur les 6 ans, qu’on verra si on a apporté un mieux à la ville ou pas. Et n’oublions pas que cette dame avait appelé à démolir la statue du ‘Nèg mawon’ qui est à l’entrée du bourg. C’est aussi pour ça que j’ai porté plainte. D’ailleurs le Diamant est l’une des rares communes où il y a autant de symboles retraçant notre Histoire : le Nèg mawon, le Mémorial du Cap 110, le Gaoulé, etc. Le Diamant est fortement imprégné de notre Histoire. Donc quand cette dame sort de tels propos, c’est une insulte à notre travail de mémoire.

Pour rester dans le « sujet » de la destruction de monuments, en venant à notre entretien j’ai vu un buste de Victor Schoelcher juste devant la mairie : vous n’avez pas peur pour ‘’lui’’ depuis ces derniers mois ?

(rires) On me l’a déjà dit. Lors des manifestations liées à ces propos racistes, des gens du ‘mouvement rouge-vert-noir’ m’ont dit ‘’Mr le maire, n’oubliez pas que vous avez ce buste devant la mairie’’ (sourire). Mais bon, si on doit mettre tout ça dans la ‘’balance’’, entre tous nos monuments qui rappellent notre travail de mémoire, je pense qu’on voit à peine ce buste de Victor Schoelcher (sourire).

Mais si jamais ce buste était, un jour, endommagé voire détruit, quelle serait l’orientation de l’exécutif municipal ? Reconstruction ? Déplacement ? Sortie de l’espace public ?

C’est une question qu’on s’est posée. Juste en face de ce buste il y a une stèle érigée par Laurent Valère, qui rappelle l’épisode sanglant des élections municipales de 1925. Donc l’idée serait peut-être d’associer, de part et d’autre de l’escalier de l’hôtel de ville, un symbole de Victor Schoelcher et un autre symbole, pour ‘équilibrer’ les choses, pour trouver un consensus.

« Un MIM arrivé en tête au 1er tour, et tout est possible comme alliances derrière… »

Vous êtes membre du RDM depuis sa création : qu’est-ce qui vous a séduit dans cette formation-là ?

J’ai effectivement intégré le RDM à sa création, en 2006, tout simplement parce que j’ai suivi celui qui était conseiller général à l’époque et qui allait devenir maire : Gilbert Eustache. Comme un certain nombre de conseillers généraux à l’époque, il avait suivi cette mouvance RDM. Et quand il l’a quittée, moi j’y suis resté (sourire). D’ailleurs c’est la raison pour laquelle j’ai pris une position claire en 2015 : celle de suivre le Gran Sanblé puisque j’étais partisan du RDM. Et que lui, Gilbert Eustache, a sauté d’un pas et s’est retrouvé dans Ensemble Pour une Martinique Nouvelle avec Serge Letchimy. C’est comme ça que la séparation avec Eustache a commencé, un peu avant décembre 2015.

Eu égard à tout ce qu’il s’est passé – et dit – depuis ces dernières années entre Claude Lise et Alfred Marie-Jeanne, une alliance entre le RDM et le MIM « canal Marie-Jeanne », relève-t-elle, a priori, de l’impossible et l’inimaginable ?

(sourire) Avec l’expérience de la mandature débutée en décembre 2015, les alliances d’hier ne pourront pas être celles d’aujourd’hui. Mais dans la majorité de la CTM des partis se sont dessinés, notamment Péyi-A. Et là, c’est une autre réflexion à poser.

Les dirigeants du RDM et de Péyi-A ont clairement des atomes crochus : ça se voit très régulièrement et depuis déjà un moment, non ?

Oui. Je pense que le socle, la base même de l’alliance se fera à partir de ces 2 groupes. Et on y travaille très clairement. Effectivement on a une vision commune pour le développement et l’avenir de la Martinique, des convergences de programmes et de personnes, d’hommes et de femmes, donc il serait bon que le socle soit basé sur une alliance RDM-Péyi-A. Et puis on sait que personne ne pourra aller seul(e) à ces élections-là.

Une liste commune RDM-Péyi-A est donc tout à fait possible, que ces élections aient lieu comme prévu en mars prochain, ou qu’elles soient éventuellement repoussées – c’est la « rumeur » persistante – de quelques mois ?

Tout à fait.

Hormis Alfred Marie-Jeanne et ses soutiens, avec quelles autres formations le RDM n’envisage-t-il pas du tout d’alliance(s) ?

Il n’y a pas de fermeture totale aux autres groupes. Après je fais le distinguo entre les partis et les individus ; l’image d’une personne n’est pas l’image du parti. Partant de là, tout est possible.

Pourtant une partie de l’électorat martiniquais serait peut-être « surprise », entre autres termes et pour diverses raisons, par une alliance entre cette future liste RDM-Péyi-A et, par exemple, le PPM de Serge Letchimy, non ?

C’est vrai. Après, en fonction des résultats du premier tour… .

Au risque de sembler naïf, les résultats du premier tour seront déterminants à ce point-là ?

Déjà personne ne passera au 1er tour. Et ce qui sera déterminant, c’est le rang. Un MIM arrivé en tête au 1er tour, et tout est possible comme alliances derrière… .

« Je préfère me recentrer sur ma commune et sur le territoire Sud »

Vous n’avez pas envie d’assumer également des responsabilités territoriales à l’échelle de la Martinique ? Concrètement, serez-vous sur cette future liste RDM ?

Les responsabilités ça dépend de la personnalité de chacun. Je travaille pour une commune, j’ai une expérience du territoire Sud par rapport à ma vice-présidence de l’Espace Sud depuis plus de 10 ans, et si les autres reconnaissent mes capacités et compétences, je serai toujours au service de la population. Vous savez, pour ces élections de la CTM je préfère me recentrer sur ma commune et sur le territoire Sud. Maintenant je ne décide pas seul ; il y a un groupe, Lyannaj pour le Diamant, il y a un parti, le RDM, et si ces 2 entités me donnent des arguments et motivations pour y aller, je dis pourquoi pas ?

Ce n’est pas déjà fait ça ? Le RDM n’a pas déjà commencé son ‘’travail’’ de persuasion ?

(sourire) Ah oui, j’ai déjà eu des appels du pied mais je suis dans une période de réflexion. Réflexion qui se fera avec mon groupe du Diamant mais aussi avec ma famille. Parce que ce type de décision ne s’improvise pas. Et que je n’ai pas l’engouement du pouvoir absolu. C’est quelque chose que je prends avec mesure. Et chaque chose en son temps.

                                                           Propos recueillis par Mike Irasque

Partager.

Laissez votre commentaireAnnuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Exit mobile version