Ce soir du 17 mars, à la Résidence Préfectorale en Martinique, le ministre des Outre-mer a pris la parole après avoir été introduit par le préfet Étienne Desplanques.
Durant cette allocution, le ministre a exposé les défis majeurs auxquels la Martinique est confrontée, notamment la vie chère, la sécurité et le développement économique.
Il a également insisté sur la nécessité d’une mobilisation collective pour surmonter ces difficultés et garantir un avenir meilleur à la Martinque.
DERNIÈRE MINUTE : Selon les réseaux sociaux et certains de nos confrères, cette visite a été marquée par une réunion imprévue avec le RPPRAC, malgré l’absence de cette rencontre dans son agenda officiel. Organisée à la demande des députés martiniquais, elle s’est tenue ce lundi soir à l’Étang Z’Abricot en présence du préfet Étienne Desplanques, de plusieurs parlementaires et élus locaux. Les échanges, jugés cordiaux, ont permis aux membres du RPPRAC d’exprimer leurs préoccupations sur la vie chère et leur opposition au protocole d’objectifs signé en octobre 2024.
Voici ce que nous avons pu retranscrire de son discours :
Manuel Valls, Ministre des Outre-mer
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs, pardon de vous avoir fait attendre un tout petit peu.
Les journées sont chargées, mais je suis très heureux de pouvoir être avec vous ce soir. Cette rencontre ne sera pas totalement complète ni concluante, mais elle me permettra de mieux appréhender la situation en Martinique. Je vais évidemment consacrer ces trois journées à parcourir le territoire.
Je ne doute pas que ce déplacement, comme on dit dans la langue de bois, s’annonce riche en rencontres et en échanges. Mais plus sérieusement, je suis convaincu que je continuerai à apprendre beaucoup de ces rencontres et de mes déplacements sur le terrain.
Cela fait quelques jours que je suis dans les Antilles, après Saint-Martin, Saint-Barthélemy et la Guadeloupe, et me voici désormais en Martinique.
Depuis mon arrivée au ministère des Outre-mer, j’ai placé mon action sous le signe de l’urgence. J’ai le sentiment que le temps passe vite, mais qu’il est aussi long lorsqu’il s’agit d’agir efficacement.
Certains espèrent que je parte vite, d’autres souhaitent que je reste un peu plus longtemps, au nom de l’intérêt général. Être le huitième ministre des Outre-mer depuis 2017 et le sixième depuis 2022 ne donne pas une très belle image de la continuité de l’État et de l’action gouvernementale.
Heureusement, la continuité de l’État est assurée et assumée sur le terrain par les préfets, qui, eux, ne changent pas au même rythme que les ministres. Sinon, ils n’auraient même pas le temps de s’habituer à leur résidence préfectorale ! Je suis heureux de retrouver ce territoire et d’échanger avec vous.
J’ai placé mon action sous le signe de l’urgence, notamment en raison des ravages provoqués par le cyclone Chidot à Mayotte, aggravés par une tempête tropicale quelques semaines après. J’ai dû me rendre à La Réunion il y a quelques jours, car le cyclone Garance a frappé une partie de ce territoire – le deuxième en moins d’un an. C’est lourd.
L’urgence est aussi en Nouvelle-Calédonie, mise à terre par des émeutes et des violences inacceptables. Il y a eu un moindre élan, mais la nécessité de retrouver le dialogue et le chemin de la paix est évidente. Ce dialogue, je l’inscris non pas dans la tradition de Michel Rocard et Lionel Jospin, mais dans ma propre conception de l’échange : je pense que le dialogue nécessite du courage, surtout dans un monde marqué par les rapports de force, la violence et le fracas. La raison, la recherche du compromis et le respect de l’autre ne sont pas toujours à la mode, mais dans une société démocratique, il n’y a pas d’autre voie possible.
Dès le début de mon mandat, j’ai affirmé que les questions de vie chère, ainsi que les problématiques économiques et sociales, étaient transversales à tous les territoires ultramarins. Il faut agir avec beaucoup de détermination. C’est ce que je vais faire, en m’appuyant sur le travail des parlementaires, des élus et des acteurs économiques et sociaux. J’ai d’ailleurs annoncé que le gouvernement allait déposer un texte de loi contre la vie chère.
Ce projet s’inspirera du travail réalisé par madame Bellay, monsieur Lurel et madame Belim, mais aussi des attentes de la population martiniquaise. Ces sujets ne sont pas simples. Il faudra avancer. Nous en avons parlé aujourd’hui et nous continuerons d’en parler après-demain à la CCI. Il est également indispensable d’accompagner les transformations économiques.
Il faut sortir de l’économie de rente et tenir compte de l’histoire de cette terre, marquée par l’esclavage, tout en l’intégrant pleinement dans l’espace régional de la Caraïbe. Surtout, il faut alléger toute une série de contraintes qui pèsent sur l’économie martiniquaise : les normes, la fiscalité, l’absence de réformes depuis trop longtemps.
Vaste tâche. Pourquoi m’attaquer à ces dossiers ? Parce que j’en ai la mission. Le Premier ministre a décidé que les Outre-mer étaient une priorité, placée très haut dans la hiérarchie gouvernementale. Être ministre d’État et ancien chef du gouvernement ne me donne aucun droit, mais cela m’impose des obligations.
Cette mission est passionnante, car nous sommes à un moment clé. Le lien entre les territoires ultramarins et l’Hexagone s’est distendu pour mille raisons. La géopolitique y joue un rôle, la Covid a laissé des traces, l’État est aujourd’hui moins fort, moins riche, et les mouvements sociaux sont bien présents.
Quand on accumule les problématiques liées à la vie chère et aux inégalités sociales, les fractures se creusent. Mais la tâche est exaltante.
J’aime mon pays, j’aime son histoire, avec ses pages sombres et lumineuses. Ce qui me frappe aujourd’hui, c’est que la Martinique ne va pas bien.
Elle va même très mal dans certains domaines.
Le trafic de drogue est un poison qui menace de plonger la Martinique et la Guadeloupe dans un véritable enfer. Ce poison gangrène la société, corrompt les esprits, les administrations, les politiques. Nous avons vu ailleurs dans la Caraïbe et en Amérique les ravages qu’il peut causer.
L’État doit prendre la pleine mesure de ce défi. Mais les élus et l’ensemble de la société doivent aussi se mobiliser.
Il faut agir avec détermination dans tous les domaines : police, gendarmerie, renseignement, justice. Il faut des moyens, et c’est la mission du préfet de ce territoire. Mais il faut également intervenir dans d’autres domaines : l’école, la lutte contre le déterminisme social, la pauvreté, la réussite scolaire.
L’autre grand défi de la Martinique est la chute démographique. Comment faire revenir les jeunes Martiniquais ? Comment les inciter à rester ? Certains d’entre eux sont présents ce soir. C’est un travail de remobilisation et de transformation de l’économie que nous devons mener ensemble.
Si Paris, l’État, le gouvernement – appelez-le comme vous voulez – considère que la Martinique et les Antilles sont des atouts pour la France et qu’ils doivent rayonner dans leur espace régional, alors il faut agir.
Sinon, nous perdrons ces territoires. Pas d’un point de vue institutionnel ou géographique, mais parce que quelque chose va se briser, se déliter.
Nous sommes à un moment historique, un tournant pour la Martinique comme pour la Guadeloupe.
C’est pourquoi je prends ma mission au sérieux. Comment pourrais-je faire autrement ? Et c’est pourquoi il faut agir vite et fort. Ces territoires ont des atouts. Comment la Martinique peut-elle affronter le changement climatique ? Comment donner un espoir à sa jeunesse ? Comment utiliser la culture comme un formidable outil d’émancipation ? Comment mettre en valeur les ressources naturelles du territoire ?
Je n’ignore rien des autres défis : les séquelles de l’histoire, la pauvreté, le logement, l’agriculture. Mais il y a aussi ici un tissu associatif et sportif dynamique. Quoi de plus beau que le sport pour fédérer autour de valeurs communes ?
Oui, la Martinique va bien. Oui, elle va mal. Oui, elle est confrontée à des défis considérables. Mais le message que je veux faire passer ce soir, et que nous allons approfondir ensemble, c’est que l’État est là. Nous n’abandonnons pas. L’État est incarné par le préfet et par tous ses services.
Je sais que la société martiniquaise rejette la violence et condamne fermement les événements récents, les menaces contre les représentants de l’État et les élus, ainsi que les atteintes aux biens et aux personnes.
Je dialogue avec tout le monde. Mais je le fais avec des principes : respect de l’État de droit et des règles démocratiques.
Quand ces principes sont respectés, nous pouvons avancer ensemble.
Mon message est clair : le gouvernement, l’État, la République sont là pour aider la Martinique. Et je sais que la Martinique peut aussi aider la France. En s’appuyant sur ses forces vives, sur les ressources humaines présentes ici ce soir.
Je reste optimiste et volontariste. Je suis convaincu qu’ensemble, en élaborant un projet pour la Martinique, nous pouvons avancer.
…Je suis heureux de vous rencontrer et de poursuivre cette discussion…
Vive la Martinique, vive la République !