Melinda Boulai

Le Dr Jérôme Viguier, directeur général de l’ARS

Le docteur Jérôme Viguier, directeur général de l’ARS, fait le point sur l’épidémie de Covid-19 et la couverture vaccinale. Il revient point par point sur l’extension de la vaccination à toute personne majeure et avance les risques à ne pas se faire vacciner.

Épidémie de Covid-19 

La troisième vague et l’inflexion récente des nouveaux cas de Covid-19

Il y a clairement une inflexion, mais il faut rester prudent, et ce virus nous a appris à l’être. Certains territoires, et notamment la Guadeloupe, ont connu des rebonds après une diminution et un plateau. L’épidémie de Covid-19 en Martinique, après une croissance très rapide sur un mois, est effectivement depuis deux semaines en régression. Comme vous le savez, nous étions un territoire relativement épargné avec un taux d’incidence hebdomadaire qui était parmi les plus bas (15 pour 100 000 habitants), puis nous avons atteint près de 250 nouveaux cas pour 100 000 habitants, soit 873 nouvelles personnes testées positives en une semaine. Aujourd’hui, ce taux est en diminution de 26% par rapport au pic, à 180 pour 100 000, mais la circulation du virus est cependant toujours active sur le territoire.

Les particularités de la vague actuelle

La vague actuelle se fait très majoritairement avec des contaminations par le variant anglais qui représente 96% des infections. Il a trois particularités. Il est environ 50 à 60% plus contagieux, ce qui explique la brutalité de la vague actuelle, mais aussi plus agressif avec plus d’hospitalisations chez les patients infectés (+70% si on compare à la seconde vague), plus de passages en réanimation (+60%) et plus de décès. Enfin, il atteint plus souvent les jeunes, même s’il reste plus grave chez les personnes âgées ou porteuses de comorbidités.

L’origine de cette 3e vague

C’est le résultat d’une conjonction de plusieurs facteurs. Tout d’abord, il s’agit d’une pandémie qui n’épargne aucun pays. Ensuite, l’arrivée de variants sur l’île, notamment le variant anglais, plus contagieux et plus virulent que la forme classique du virus. Et, bien sûr, toutes les situations qui favorisent la contamination à travers les rassemblements sans masque et sans distanciation ou la diminution de la vigilance et du respect des gestes barrières, dans la sphère privée ou publique.  

 

La prévalence du variant anglais alors que les déplacements entre la Métropole et la Martinique sont encadrés par les motifs impérieux et par l’obligation de tests

L’arrivée du variant anglais est certes liée à une notion de voyage, il a été détecté initialement en Martinique à la fin du mois de janvier, en l’occurrence chez un résidant martiniquais à son retour.  

Toutefois, aujourd’hui, sa circulation est autochtone, dans la population martiniquaise et principalement chez les 15-44 ans.  Il est très important de préciser que l’ennemi a changé. Il faut se retirer de l’esprit que la vague actuelle ressemble aux précédentes, que l’épidémie est peu active en Martinique et qu’elle ne concernera que nos aînés. Elle s’est avérée beaucoup plus massive, plus sévère, avec une transmission plus facile, atteignant plus souvent les jeunes et les conduisant en hospitalisation et en réanimation, où certains y laisseront la vie ou auront des séquelles. 

 

La vaccination

L’extension de la vaccination à toute personne majeure en Martinique

C’était une demande de l’ARS et nous avons été entendus. Il est clair qu’il fallait accélérer et simplifier l’accès à la vaccination, et que toute personne le souhaitant puisse rapidement se faire vacciner en Martinique. Ce sera maintenant le cas. Vacciner toutes les tranches d’âge sera un moyen de lutter contre la propagation du virus et notre dotation en vaccins nous permet de l’envisager.  

Il faut rappeler qu’en l’absence de réel traitement, la vaccination est le seul rempart disponible pour limiter le développement de formes graves de ce virus et sa transmission et espérer pouvoir revenir aux conditions de vie d’avant l’épidémie. Nous disposons d’une marge de progression importante et devons augmenter notre taux de vaccination. J’incite l’ensemble de la population majeure à prendre rendez-vous dans les centres dédiés ou chez un médecin ou un pharmacien pour se faire vacciner.

Les complications éventuelles suite aux injections en Martinique

Depuis le début de la vaccination en Martinique, près de 36 000 personnes ont été vaccinées. Comme pour tout traitement ou médicament, la vaccination peut être à l’origine d’effets indésirables. 

Dans le cadre de la surveillance renforcée des vaccins utilisés contre le Covid-19, un suivi est réalisé par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), en temps réel, à partir des déclarations réalisées par les professionnels de santé, les personnes vaccinées ou leur entourage. En Martinique, nous avons un suivi par le dispositif de pharmacovigilance. 

A ce jour, 58 déclarations de pharmacovigilance ont été enregistrées en Martinique, correspondant le plus souvent à des effets indésirables transitoires, dont 13 plus graves. Jamais le pronostic vital n’a été engagé.  

Toutes les données concernant les vaccins sont consultables sur le site de l’ANSM. Le recul est maintenant extrêmement important avec plusieurs centaines de millions de personnes vaccinées. 

Une population toujours réticente face aux vaccins ?   

D’abord la vaccination n’a jusque-là pas été proposée à l’ensemble de la population, mais à sa cible prioritaire, les personnes les plus fragiles et le taux de couverture de la cible est plutôt de 20%. La situation en Martinique, avec jusque-là une circulation virale moins active, et la réticence liée aux nouveaux vaccins peuvent expliquer ce manque d’enthousiasme de la population au début de la campagne. Certains messages, notamment sur les réseaux sociaux, ont pu aussi brouiller l’image de la vaccination. Et les doutes ayant pesé sur le vaccin AstraZeneca, pour lesquels les autorités de santé ont statué sur une nette supériorité du bénéfice par rapport au risque, ont probablement alimenté les craintes. Toutefois, nous avons depuis assisté à une nette augmentation des demandes. Il y a une prise de conscience et le scepticisme recule. C’est une très bonne nouvelle. 

Qu’en est-il de la vaccination chez les professionnels de santé ? 

Dans le contexte sanitaire actuel, la vaccination des soignants constitue un enjeu majeur qui est loin d’être atteint. Elle a prouvé son efficacité en termes de protection individuelle et collective. C’est aussi une façon de ne pas transmettre le Covid aux personnes dont on prend soin. Il est donc primordial pour les soignants de se faire vacciner et d’inciter les patients à risque à faire de même.  

Les soignants au sens large restent des cibles prioritaires, mais également tous les professionnels travaillant en contact avec des personnes à risque de développer des formes graves de la maladie. 

Tout comme en population générale, il faut clairement augmenter le taux de vaccination chez les professionnels de santé, qui est globalement de près de 40% et est en augmentation, et l’ARS incite chacun à poursuivre les efforts déjà engagés face au coronavirus et ses variants. 

Pourquoi incitez-vous autant la population à se faire vacciner ?  

La Martinique ayant été relativement peu touchée lors des deux premières vagues, peu de personnes se sont immunisées en contractant le virus. De plus, l’immunité qui suit une contamination est moins protectrice qu’après une vaccination. Enfin, l’arrivée et la multiplication de variants, qui sont de plus en plus agressifs et de plus en plus contagieux, donnent tout son enjeu à la vaccination, ce d’autant que le poids des comorbidités qui exposent aux formes graves d’infections au Covid-19, comme le diabète, l’obésité, l’hypertension artérielle, est important en Martinique.  

Quels risques à ne pas se faire vacciner ?  

Le principal risque est de voir se succéder les vagues de Covid-19 avec une multiplication des périodes de confinements, fermetures de commerces, restrictions de liberté, et donc de voir s’éloigner les perspectives de retour à la vie d’avant l’épidémie. Une faible immunité collective aura forcément un impact sur le risque de rester plus longtemps ou de revenir régulièrement dans un régime de crise sanitaire avec son lot de restriction de libertés. De nombreux pays travaillent sur un « passeport vaccinal » qui, selon les pays, risque de devenir indispensable pour voyager en avion, participer à des regroupements comme des concerts, entrer dans les restaurants, ne plus porter de masque en extérieur…

L’application « Tous anti-Covid » devrait prochainement intégrer les informations du dernier test, puis de la vaccination sous forme d’un code-barres, et les Antilles et la Guyane seront, après la Corse, le second terrain de déploiement de cette fonctionnalité pour les contrôles avant les déplacements par avion. Il est clair que le statut de « vacciné » sera à terme un sésame qui ouvrira des portes.  

Les autotests 

Les autotests sont arrivés. A quel public sont-ils destinés ?   

Ce sont des tests antigéniques simples d’utilisation par prélèvement dans la narine à réaliser soi-même, et indolores. Ils sont réalisés avec un écouvillon moins long que la tige d’un test PCR. Le résultat est rapide : 15 à 20 minutes. Ils sont destinés aux personnes susceptibles de faire régulièrement des tests, comme certains soignants, notamment dans les Ehpad, les enseignants et les élèves (après consentement de leurs responsables légaux).

L’ARS et l’Education nationale ont reçu un stock pour les dépistages dans leur secteur. Les tests seront gratuits (maximum 10/mois), pour les professionnels des services d’aide et d’accompagnement ou de soins infirmiers à domicile, ou intervenant auprès des personnes âgées ou handicapées. Parallèlement, la vente se fait en pharmacie à un prix plafonné à 6 €.  

Vont-ils dispenser du test PCR ?  

Ils servent à dépister les personnes qui n’ont pas de symptôme et qui ne sont pas cas contacts.

Ils permettent de savoir si on est porteur ou non du Covid-19, mais n’ont d’intérêt que s’ils sont répétés régulièrement pour augmenter les chances de détecter le virus au début de la maladie. Si le résultat est positif, il faut immédiatement s’isoler et faire un test PCR. 

REPÈRES

7 janvier 2021  

Début de la vaccination en Martinique qui a d’abord concerné les personnes âgées vivant en Ehpad et les professionnels de santé et du médico-social âgés de plus de 50 ans

Mercredi 28 avril 2021  

Jusque-là autorisée seulement aux personnes de plus de 55 ans, la vaccination est ouverte à toutes les personnes majeures 

Pfizer ou AstraZeneca ?  

En Martinique,  la vaccination par le vaccin AstraZeneca se fait uniquement par les médecins de ville et en pharmacies.

Les centres de vaccination proposent uniquement des doses de Pfizer. 

48 181 injections de vaccins Pfizer ou AstraZeneca en Martinique

Selon les dernières données de vaccination de l’ARS de Martinique, au 30 avril, 35 844 personnes ont reçu au moins une dose de vaccin contre le Covid-19 (10 % del’ensemble des Martiniquais) et 12 337 personnes ont reçu deux doses.  

En Guadeloupe, 46 878 injections de vaccins ont été réalisées au total.

 Augmentation de la capacité vaccinale  

« Face à la reprise de l’épidémie, à l’arrivée de variants, de plus en plus de Martiniquais souhaitent se faire vacciner. Pour répondre à cette demande, nous augmentons la capacité vaccinale qui atteint maintenant 7 500 personnes par semaine », indiquele docteur Jérôme Viguier.  

Où se faire vacciner ?  

Dans les centres de vaccination fixes (CHU de Martinique, centre de vaccination de la ville de Fort-de-France, centres du Marin et de Trinité, centre du Lamentin avec les sapeurs-pompiers, Aerovac à l’aéroport et le centre hospitalier du Carbet). 

Des centres éphémères en partenariat avec les communes (Case-Pilote, Morne-Rouge, Saint-Pierre, et bientôt le Lorrain) voient aussi le jour. 

Ou encore auprès des professionnels de santé (médecins généralistes, pharmaciens, médecins du travail, infirmiers,…).

Pas plus de 6 euros  

C’est le prix plafonné des autotests qui seront en vente dans les pharmacies. Ce prix baissera à 5,20 € au 15 mai. 

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