Fabrice Belliard, président de l’association Murmure d’un Art Caribéen, est à l’origine du projet de la Résidence Pierre Aliker et de l’inauguration du buste en pierre blanche du médecin, militant et homme politique martiniquais. Dans cet entretien, il revient sur la genèse du projet, les rencontres humaines qui l’ont façonné, et le sens profond de cet hommage rendu le 3 mai 2025.
Vous avez été à l’initiative de ce projet. Comment est-il né concrètement ?
Ce projet est né presque par hasard, mais je dirais que c’est un hasard guidé. En 2020, je croise Stéphane Piéjos, une connaissance, sur un parking. Il me parle d’un foncier que personne ne veut. Je lui dis : “Propose-le-moi.” C’était ce terrain-là, devant la MFME, à proximité immédiate du CHUM. Rapidement, l’idée de créer une résidence dédiée aux étudiants, professionnels de santé et patients a pris forme. Puis le nom du docteur Pierre Aliker m’est apparu comme une évidence. Il incarnait à lui seul les valeurs que je voulais transmettre : rigueur, engagement, excellence, solidarité. C’est à partir de là que tout s’est enclenché.
Comment avez-vous obtenu l’accord de la famille pour donner son nom à la résidence ?
Je ne voulais pas faire les choses dans l’ombre. Je suis donc passé par Serge Letchimy, qui m’a mis en contact avec Pierrette Jabour, elle-même en lien avec Thierry Aliker. Je rencontre Thierry, je l’emmène sur le terrain, à l’époque encore vierge de toute construction. Je lui explique le projet, et surtout, je lui dis que rien ne se fera sans son accord. Le 8 mai 2023, Thierry me donne officiellement son feu vert pour nommer la résidence au nom de son père. C’était un moment fort, chargé d’émotion.
Pourquoi avoir voulu aller jusqu’à créer un buste ?
Parce que je voulais graver cet hommage dans la pierre, au sens propre. Le docteur Aliker, c’est plus qu’un nom sur une plaque. C’est une vie entière de dévouement, de travail, de combat pour les siens. Et ce n’est pas moi qui l’ai connu personnellement, mais tous ceux que j’ai rencontrés m’ont transmis un peu de sa mémoire, de son exigence. Alors l’idée du buste s’est imposée. J’en parle à Ricardo Ozier-Lafontaine, qui me met en lien avec Hervé Beuze. Cet artiste incroyable m’a tout de suite dit :
“Ce sera une pierre blanche. Parce que le docteur Aliker s’habillait en blanc.”
C’était juste. C’était beau.
“Ce n’est pas un hasard, c’est une œuvre collective”
Vous parlez de “13 rencontres”. Qu’entendez-vous par là ?
Ce projet n’est pas juste un enchaînement de décisions techniques. Il s’est construit à travers des rencontres humaines. Avec des élus comme Didier Laguerre, qui a tout de suite adhéré au projet. Avec Antoine Roffiaen directeur d’Ozanam, qui a accepté de signer le commodat pour que le buste soit installé sur un terrain déjà vendu. Avec mon notaire, mon architecte, les artistes, les sociologues, les bénévoles. Treize rencontres qui ont, chacune à leur manière, rendu ce projet possible. Ce n’est pas un hasard, c’est une œuvre collective.
Quel message espérez-vous transmettre à travers cette résidence et ce buste ?
- Que la mémoire est un outil de construction.
- Que les jeunes Martiniquais ont besoin de figures tutélaires solides.
- Que l’on peut être rigoureux sans être froid, exigeant sans être élitiste.
Le docteur Aliker croyait dans la jeunesse, dans l’éducation, dans la justice. À 106 ans, il s’inquiétait encore de ce que mangeaient les enfants dans les cantines. Cela en dit long sur sa stature morale. Ce buste n’est pas une fin en soi. J’espère qu’il rappellera chaque jour, à ceux qui le croiseront, qu’il faut viser plus haut, plus juste.