C’est avec émotion et solennité qu’a eu lieu hier, 4 avril à Madiana, l’avant-première très attendue du film Fanon. Une œuvre cinématographique portée par dix années de travail acharné, qui rend hommage à l’un des plus grands penseurs du XXe siècle, Franz Fanon. Public, réalisateurs, comédiens et producteurs ont partagé un moment fort, presque sacré, autour de la mémoire, de la lutte et de l’héritage.
Une salle, un souffle, un film attendu
« Nous avons été nombreux à rêver de ce film… certains ne sont même plus là aujourd’hui »,
a lancé avec gravité le maître de cérémonie, ouvrant une soirée chargée d’émotion. L’Histoire allait enfin prendre corps sur l’écran : le film inspiré de la vie de Franz Fanon allait “naître sous les yeux du public”.
Le public, qualifié de “passeur” au même titre que les exploitants, distributeurs et producteurs, était invité à accompagner cette œuvre « comme on accompagne une naissance, un baptême », selon les mots du maître de cérémonie. Le ton était donné : Fanon n’est pas une simple projection. C’est un acte de mémoire collective, une invitation à ressentir, à comprendre, à se souvenir.
L’industrie du cinéma local : entre combat et conviction
Dans son introduction, Fabienne Élyzé – programmatrice et figure engagée du paysage cinématographique local – a livré une réflexion puissante sur la filière :
« Il y a chez nous autant de talents qu’ailleurs, mais il faut leur permettre d’exister. »
Elle a rappelé la complexité du processus de production, saluant tous les maillons de la chaîne – du rêve du réalisateur jusqu’à l’émotion du spectateur – et réaffirmé la nécessité de soutenir durablement les initiatives locales, comme le fait le festival Pris de court, pépinière de jeunes talents antillo-guyanais.
Fanon : une œuvre, une équipe, une mission
Dix années auront été nécessaires à Jean-Claude Barny pour donner vie à Fanon. Un parcours semé d’embûches, d’attentes, de réécritures, mais aussi d’amitiés fidèles et de soutiens déterminants. Le producteur Sébastien Onomo a salué le courage et la résilience qu’il faut pour “toucher aux films nécessaires”, ceux qui dépassent les normes de l’industrie : « Il fallait que le scénario soit irréfutable… Il fallait qu’il soit parfait pour convaincre. »
Le rôle-titre, porté par le comédien Alexandre Bouyer, a ému jusqu’aux larmes. Présent en Martinique le soir de son anniversaire, l’acteur a confié avoir grandi au Cameroun, loin de son héritage martiniquais, et ressenti une forme de reconnexion à sa propre histoire à travers ce rôle.
« C’est le plus beau cadeau que je pouvais recevoir »,
a-t-il soufflé, visiblement ému.
Franz Fanon : l’écho toujours vivant d’un penseur radical
L’œuvre ne se contente pas de retracer la biographie de Fanon. Elle interroge, bouscule, révèle. Psychiatre, intellectuel, militant, dramaturge… Fanon est ici représenté dans sa complexité. Le docteur Jean-Luc Fanon, présent à l’avant-première, a salué la justesse du film dans sa manière de montrer “la face psychiatrique” de l’homme, longtemps occultée. Il a aussi tenu à remercier l’équipe pour avoir “magnifié le rôle fondamental de Josie”, l’épouse et partenaire indéfectible de Franz Fanon.
Une œuvre-miroir, pour les générations d’aujourd’hui
À travers Fanon, c’est bien une mémoire militante qui ressurgit, mais aussi une urgence contemporaine : celle de transmettre, d’éveiller, de continuer à dire l’indicible. À l’heure où les injustices raciales, les luttes identitaires et les fractures postcoloniales résonnent plus que jamais, Fanon se présente comme une “boussole”. Une œuvre nécessaire, presque organique, qui vient rappeler que l’art, lorsqu’il est juste, touche au cœur et à la conscience.