L’ex-président de la Fédération internationale de football, Sepp Blatter, sera auditionné une dernière fois, lundi, par le parquet suisse dans le cadre de l’enquête sur le paiement, en 2011, de 2 millions de francs suisses à Michel Platini.

Par

Le Monde

Sepp Blatter et Michel Platini, en mai 2015.

Dans les remous judiciaires depuis six ans, Sepp Blatter va bientôt être fixé sur son sort dans l’affaire du paiement présumé déloyal de 2 millions de francs suisses (1,8 million d’euros) qu’il a fait, en février 2011, à Michel Platini.

Lundi 9 août, l’ex-président suisse de la Fédération internationale de football association (FIFA) doit être entendu une dernière fois, à Zurich, par le procureur fédéral Thomas Hildebrand dans le cadre de la procédure pénale ouverte contre lui, en 2015, pour « soupçons d’escroquerie, d’abus de confiance et de gestion déloyale ».

Une mise en accusation ouvrirait la voie à un procès devant le Tribunal pénal fédéral suisse (TPF) pour le Valaisan comme pour l’ex-président français de l’Union des associations européennes de football (UEFA). Ce dernier, ancien numéro 10 des Bleus, est, lui, poursuivi depuis 2020 pour « soupçons d’escroquerie, de participation à abus de confiance, de participation à une gestion déloyale et de faux dans les titres ».

Les deux hommes soupçonnés d’avoir menti

Chargé d’instruire l’affaire, Thomas Hildebrand soupçonne les deux hommes d’avoir menti quant à la raison de ce paiement, effectué quelques mois avant l’élection à la présidence de la FIFA de 2011. M. Blatter a toujours prétendu qu’il s’agissait d’un reliquat de salaires versé, en vertu d’un « contrat oral » scellé en 1998, à M. Platini pour la période durant laquelle le Français officiait comme conseiller du président de la FIFA (1998-2002). Une version confirmée par l’ex-capitaine des Bleus, qui a déclaré ce paiement aux impôts en Suisse. M. Blatter déclare au Monde :

« Le paiement a été approuvé par toutes les instances compétentes de la FIFA et l’assurance-vieillesse a été déduite par conséquent. Il n’a été effectué qu’après un délai car la FIFA n’était initialement pas en mesure de verser la totalité de la somme et Platini n’a fait valoir sa demande qu’en 2010. J’attends l’audience finale avec optimisme et j’espère que ce sera le point final de cette histoire. Cette affaire renvoie à un événement qui s’est produit il y a dix ans et le bureau du procureur fédéral en a fait un problème à l’automne 2015. Aujourd’hui encore, je me demande qui a porté les événements de 2011 à l’attention du MPC. »

« Je suis très serein. Ce paiement correspond à un reliquat de salaires dû par la FIFA, réglé et déclaré dans le strict respect de la légalité et dans la transparence la plus absolue », indique pour sa part Michel Platini.

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« Voici près de six ans que des accusations sans aucun fondement, sans aucune preuve, mais avec beaucoup de haine, sont portées contre moi par les dirigeants et l’administration de la FIFA et relayées par ses agents pour servir un seul objectif : m’empêcher d’en devenir le président, poursuit celui dont la candidature à la succession de M. Blatter a été plombée par cette affaire. Si la Suisse ne voulait pas d’un Français à la tête de la FIFA, elle a jusque-là réussi. Mais elle a désormais face à elle un justiciable déterminé qui se battra jusqu’au bout pour qu’elle le rétablisse définitivement dans son honneur. »

90 millions de documents saisis

Cette « tempête » judiciaire s’est levée en Suisse, en novembre 2014, lorsque Sepp Blatter a déposé, pour le compte de la FIFA, une plainte pénale contre inconnu dans le contexte de soupçons d’irrégularités entourant l’attribution des Coupes du monde 2018 et 2022, respectivement à la Russie et au Qatar.

En mars 2015, le MPC a ouvert une procédure pénale contre inconnu pour « soupçons de gestion déloyale et de blanchiment d’argent par le biais de relations bancaires en Suisse ». Deux mois plus tard, le parquet suisse a auditionné plusieurs membres du comité exécutif de la FIFA « ayant participé, en 2010, au processus d’attribution des Coupes du monde de 2018 et 2022 ».

Depuis six ans, rien n’avait filtré de cette enquête du MPC sur la désignation controversée de la Russie et du Qatar. Mais, selon nos informations et comme le confirme le parquet, ont été versés à ce dossier les éléments relatifs aux bonus octroyés en décembre 2010 à M. Blatter (23 millions de francs suisses, soit 21 millions d’euros) ainsi qu’à son secrétaire général français, Jérôme Valcke, et son directeur financier, Markus Kattner.

Dans le cadre des enquêtes en lien avec le monde du football, le parquet suisse indique avoir déjà condamné trois personnes et confisqué 42 millions de francs suisses « en actifs gelés et/ou en restitution aux parties lésées ». Le MPC affirme avoir « effectué environ 160 interrogatoires et environ 40 perquisitions en Suisse »et « examiné » à peu près 200 rapports du Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent. Quatre-vingt-dix millions de documents ont été saisis par le MPC depuis six ans.

La « task force » du parquet chargée des affaires en lien avec la FIFA est entrée « dans une phase de finalisation » des procédures. Celle ouverte en mars 2016 contre Jérôme Valcke, pour « soupçons de gestion déloyale multiple », est toujours en cours. L’ex-numéro 2 de la FIFA et Markus Kattner sont visés, tout comme M. Blatter, par une autre enquête pour « soupçons de gestion déloyale » concernant un prêt d’un million de dollars fait en 2010 à la Fédération de football de Trinité-et-Tobago. Le MPC l’affirme : « Le complexe d’enquêtes sur le football continue d’être l’un des plus grands défis de l’UE. »

Le parquet suisse fragilisé

Le parquet suisse est fragilisé par les soupçons de collusion entre plusieurs magistrats et l’administration de la FIFA. Depuis juillet 2020, l’ex-procureur général Michael Lauber, son ancien chef de la communication, André Marty, l’actuel président de la FIFA Gianni Infantino, et l’ami magistrat de ce dernier, Rinaldo Arnold, sont visés par une procédure pénale pour des « soupçons d’abus d’autorité, de violation du secret de fonction, d’entrave à l’action pénale et d’instigation à ces infractions. » L’enquête vise des rencontres secrètes (sans procès-verbal) entre MM. Lauber et Infantino, en 2016 et 2017.

En mai, M. Infantino a obtenu auprès du Tribunal pénal fédéral la récusation du procureur extraordinaire Stefan Keller, chargé de la procédure à son encontre. Après la démission de ce dernier, l’Autorité de surveillance du parquet suisse (AS-MPC) a désigné l’ex-magistrat zurichois Ulrich Weder « comme procureur fédéral extraordinaire pour la période transitoire jusqu’à l’élection d’un nouveau procureur général extraordinaire de la Confédération. » La commission judiciaire de l’Assemblée fédérale devrait désigner le successeur de M. Keller d’ici septembre.

« Actuellement, une analyse de l’état d’avancement de l’affaire pénale est en cours afin de garantir que la procédure se poursuive de manière aussi fluide que possible », assure au Monde le président de l’AS-MPC, Hanspeter Uster.

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