Djibo Mossi, président de l’Ordre des Experts-Comptables de la Martinique, partage son point de vue sur la Loi de Finances 2024 lors de la récente conférence. Il exprime des réserves quant à l’impact limité des récentes mesures. Selon lui, ces changements sont mineurs, par rapport aux précédentes années et présentent des avantages symboliques qui ne répondent pas assez aux attentes économiques 

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis Djibo Mossi, président de l’ordre des experts comptables de la Martinique.

Que peut-on globalement penser de cette loi de Finances 2024 ?

De mon point de vue, les récentes mesures présentées n’ont apporté que des changements mineurs, notamment pour l’outre-mer. Nous espérions des initiatives plus significatives pour stimuler nos entreprises, mais ce qui a été proposé est loin de répondre à nos préoccupations économiques. Bien que quelques petits avantages aient été accordés, ce sont davantage des gestes symboliques, des pourboires en quelque sorte. En toute clarté, ces mesures ne sont pas à la hauteur de nos attentes, nous espérions davantage. Par exemple, l’idée que les entreprises seront désormais soumises à des contrôles internes au sein de l’administration fiscale, avec l’administration fiscale ayant le dernier mot même en cas de refus, représente une régression du point de vue du monde économique. Cela limite notre autonomie et représente un recul significatif.

Donc si on comprend bien avec cette loi, les entreprises n’ont pas de réelle liberté ?

Je n’affirme pas que les entreprises manquent totalement de liberté, mais plutôt que leurs libertés sont restreintes. Elles disposent certes d’une marge de liberté, mais celle-ci est limitée en raison du niveau de contrôle imposé. Être soumis à des vérifications est déjà contraignant, mais l’obligation de se déplacer dans des endroits inconfortables accentue cette contrainte. Personnellement, cette dimension a profondément ébranlé ma perspective sur la situation des entreprises.

Par ailleurs, l’évocation de la défiscalisation liée aux dispositifs tels que le crédit d’impôt semble être une mesure positive en surface. Cependant, en examinant de plus près, on constate que certains bénéficiaires, comme les propriétaires de camions, peuvent travailler pour des bailleurs extérieurs qui construisent des projets ne profitant pas nécessairement à la communauté locale. Cette réalité soulève des interrogations sur la pertinence de ces avantages fiscaux qui pourraient davantage bénéficier à des acteurs externes plutôt qu’aux acteurs locaux. Dans un monde de plus en plus multipolaire, il est compréhensible que chacun cherche à s’établir où bon lui semble, mais il est essentiel que ces lois aient des retombées positives pour les communautés locales qui ont besoin d’une orientation significative.

Concernant la fraude, il y a eu quelques mesures comme créer des comptes sur les réseaux sociaux pour traquer les fraudeurs qui ont été annoncé, est-ce qu’on peut considérer qu’il s’agit de mesure tout à fait sérieuse ? 

Dans d’autres pays tels que l’Allemagne et l’Italie, des mesures similaires, impliquant des enquêtes plus ou moins policières, étaient déjà en vigueur. Certains individus considèrent ces mesures comme une atteinte à la liberté. Certes, la fraude est condamnable, car elle nuit à l’épanouissement collectif en volant des deniers publics et des données appartenant à la société. Cependant, la question se pose sur la fiabilité des méthodes utilisées pour contrôler les fraudeurs. Parfois, des règlements de compte et des dénonciations peuvent entraîner des erreurs, suscitant des préoccupations quant à l’équité et à la justesse de ces approches. Certains estiment que bien que le contrôle des fraudeurs soit nécessaire, il doit être exercé avec discernement pour éviter des atteintes injustifiées aux droits individuels.

Avec les mesures concernant la TVA, qu’est-ce-qui change ? S’agit-il d’un des facteurs de la vie chère en Outre-Mers ? 

On estime que c’est l’octroi de mer qui est le principal facteur contribuant à l’augmentation des coûts de revient, ce qui se traduit par des prix de vente plus élevés. Les politiques argumentent que l’octroi de mer est crucial pour équilibrer le budget, soulignant que son absence rendrait la situation financière difficile sans le soutien de l’État. En ce qui concerne la TVA, elle impacte directement le consommateur final, qui supporte la charge fiscale. Les commerçants récupèrent la TVA, mais le consommateur final, en bout de chaîne, supporte l’incidence totale de la taxe. En conclusion, dans ce contexte économique mondial difficile, l’espoir est que les difficultés économiques actuelles puissent être surmontées, malgré la baisse généralisée du pouvoir d’achat et la hausse des prix.

Propos recueillis par Thibaut Charles

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