La spiritualité a longtemps imprégné et inspiré les mouvements de justice sociale. Les militants d’aujourd’hui développent cet héritage.
Image: Des manifestants défilent avec trois pancartes portant l’inscription “BLACK Lives Matter” au lendemain des troubles généralisés qui ont suivi la mort de George Floyd le 1er juin 2020 à Philadelphie, en Pennsylvanie.

Par : Livia Gershon 10 juin 2020.

De l’abolitionnisme aux villes sanctuaires, de nombreuses personnes dans les mouvements de justice sociale aux États-Unis ont été poussées par des croyances religieuses et spirituelles. Comme l’a écrit la spécialiste des religions Hebah Farrag en 2018, il en va de même pour de nombreux militants de Black Lives Matter et d’autres groupes de mouvement, même si les militants n’appartiennent pas aux institutions chrétiennes et musulmanes organisées souvent associées à l’organisation politique des Noirs.

Farrag écrit que de nombreux chapitres du BLM et des groupes apparentés mélangent des pratiques spirituelles de différentes traditions pour soutenir leur quête de justice tout en travaillant à guérir le chagrin, les traumatismes et l’épuisement professionnel. Elle se concentre plus particulièrement sur le groupe de Los Angeles Dignity and Power Now (DPN), fondé en 2011 par Patrisse Cullors, qui est ensuite devenue l’une des fondatrices de Black Lives Matter.

Farrag écrit que la couverture médiatique des activités de BLM ignore souvent son côté spirituel et curatif.
Patrisse Cullors a grandi en tant que témoin de Jéhovah mais a abandonné la religion en raison de son mécontentement à l’égard de sa structure patriarcale. Elle s’est convertie à l’Ifá, une religion d’origine ouest-africaine. Mais, écrit Farrag, la foi a aussi ses défis pour Cullors en tant que femme homosexuelle. Un prêtre Ifá a refusé de l’initier à cause de sa sexualité.

Comme le raconte Farrag, au fil du temps, les Cullors ont adopté des pratiques issues de diverses traditions de guérison religieuses et séculaires, notamment la méditation, la thérapie et l’exercice. Elle s’inspire également du travail de femmes noires comme Audre Lorde et Bell Hooks, qui soulignent la nature intrinsèquement politique de la prise en charge de leur propre santé physique, mentale et spirituelle.

De nombreux groupes BLM travaillent également avec des dirigeants chrétiens et musulmans noirs, en veillant à ce que les femmes et les homosexuels, qui sont fortement représentés dans le mouvement, soient respectés. Le DPN, comme de nombreux chapitres du BLM, s’appuie également sur l’idée, influencée par les Quakers, d’une justice transformatrice comme alternative à la police et aux prisons. Cette perspective considère les comportements nuisibles comme un problème à résoudre au sein d’une communauté.

Certains organisateurs considèrent la résistance aux systèmes américains de police et d’incarcération comme une question nettement spirituelle. Mark-Anthony Johnson, directeur de la santé et du bien-être de la DPN et acupuncteur diplômé, a déclaré à Farrag qu’il considère l’incarcération de masse comme une attaque contre la capacité des Noirs et des personnes de couleur à faire un travail utile et à avoir un but.

“Je pense que c’est une attaque spirituelle d’une certaine manière”, a-t-il déclaré.

Farrag écrit que la couverture médiatique des activités du BLM ignore souvent son côté spirituel et curatif. Par exemple, après l’exonération en 2015 de deux officiers de police de Los Angeles qui avaient tué Ezell Ford, un Afro-Américain, des militants se sont rassemblés devant la maison du maire Eric Garcetti. Bien que les médias aient décrit l’événement comme une “protestation”, les participants ont déclaré qu’il s’agissait en fait d’autre chose:

“Nous avons fait une cérémonie Ifá devant sa maison”, a rappelé plus tard Evan Bunch, organisateur de la DPN. “Le prédicateur… a réussi à évoquer l’esprit d’Ezell Ford et à le transférer en quelque sorte au groupe. Et il était évident pour les participants qu’ils ressentaient quelque chose qui n’était pas du monde temporel”.

Aujourd’hui, Black Lives Matter reste une force puissante pour la justice raciale. Pourtant, la couverture médiatique du mouvement continue souvent à le dépeindre en termes simplistes qui ignorent la façon dont sa vision de la justice s’entrelace avec la guérison et la spiritualité.

Resources

JSTOR is a digital library for scholars, researchers, and students. JSTOR Daily readers can access the original research behind our articles for free on JSTOR.

Transition, No. 125, Religion (2018), pp. 76-88
Indiana University Press on behalf of the Hutchins Center for African and African American Research at Harvard University

 

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