« 88 ans après son assassinat, son engagement doit nous inspirer.’

Allocution de Georges Erichot le 11 janvier 2022 au cimetière de La Levée

Militants et sympathisants communistes, Martiniquaises et Martiniquais, chers camarades. Il y a aujourd’hui 88 ans, à l’aube d’un petit matin, le corps sans vie d’André Aliker, le gérant du journal Justice, était retrouvé, les mains ligotées derrière le dos, sur la petite plage de Fond Bourlet, à Case Pilote. La nuit précédente, il avait été enlevé, assommé, drogué, solidement ligoté, avant d’être jeté à la mer par des hommes de main au service du plus puissant béké de l’époque, à savoir Eugène Aubéry. Après maintes intimidations, violences et une première tentative d’assassinat, il venait de payer de sa vie son combat pour la vérité dans le scandale de l’immense fraude fiscale dans lequel se trouvait impliqué l’homme le plus riche de la Martinique. Dans sa quête de la vérité, André Aliker avait à affronter tout ce que la Martinique, à l’époque, comptait comme serviteurs du pouvoir colonial : gouverneur autocrate, magistrats et élus corrompus, presse aux ordres, grands propriétaires terriens qui avaient bâti leur fortune sur la sueur des esclaves puis des ouvriers agricoles. Le premier mérite d’André Aliker, un des fondateurs de Justice avec Jules Monnerot, fut de doter la Martinique d’un journal décidé à s’opposer cet ordre colonial et d’abord à cette presse servile, comme il en existe encore aujourd’hui. Avec Justice, Aliker inaugurait l’audace et le courage dans ce domaine en pratiquant un journalisme d’investigation, exigeant, intègre, mais dangereux, à cette époque où la Martinique vivait sous la férule des gouverneurs dont l’ombre du sinistre Henri Richard planait encore sur le pays et où l’administration coloniale était gangrenée par la corruption. Mais qu’est-ce qui pouvait motiver ce journaliste militant à s’engager dans la révélation de cet énorme scandale financier, alors que tous les autres journaux restaient muets, sinon sa foi de communiste et sa détermination à poursuivre, sans faille, son combat en faveur de la vérité ? Malgré les tentatives des banques d’asphyxier son petit commerce, les nombreuses agressions et la première tentative d’assassinat dont il fut victime, le 1er janvier 1934.

Car Aliker était convaincu que le peuple avait besoin de vérité pour prendre conscience de l’ampleur de l’exploitation dont il était victime. Besoin de vérité pour s’engager dans le combat contre la misère noire dans laquelle il vivait et dans celui pour son émancipation. Besoin de vérité pour se sortir de l’obscurantisme et de la résignation dans lesquels les suppôts du colonialisme au nombre desquels le clergé de l’époque s’acharnaient à le maintenir.

88 ans après, c’est ce même combat que poursuit inlassablement Justice. D’abord pour éclairer notre peuple sur la nature de notre mal et sous-développement qui ne sont pas seulement les conséquences de ce qu’on appelle nos “handicaps structurels”, mais des politiques conçues et mises en œuvre depuis Paris et dans le cadre de ce système néocolonial.

Le combat pour la vérité que mène depuis Justice, c’est d’avoir été le premier à dénoncer les graves menaces que faisait peser sur l’existence de notre peuple la politique d’émigration forcée à travers le Bumidom et qui se poursuit avec l’exode massif de notre jeunesse. Politique qui se traduit par le vieillissement accéléré de notre population et la mise en danger de l’existence même de notre peuple.

Le combat pour la vérité, c’est le devoir pour Justice de dénoncer, sans complaisance, toutes les déviances, les influences extérieures actuelles néfastes et la disparition des valeurs morales qui doivent pourtant constituer le ciment de notre société.

Militants et sympathisants ont déposé une gerbe sur la tombe dʼAndré Aliker

Mais, aujourd’hui, dans le contexte de cette pandémie qui martyrise tant notre peuple et qui risque de disloquer notre société, cet engagement en faveur de la vérité, c’est d’abord de combattre l’obscurantisme alimenté par les officines d’extrême droite et par la campagne de désinformation entretenue par ceux qui s’opposent aux mesures prônées par les plus hautes autorités scientifiques et médicales pour combattre le Covid. C’est pourquoi Justice consacre une large place à la rubrique sanitaire et a pris le parti de s’engager en faveur de la vaccination, un des moyens d’assurer la survie de notre peuple et de lui permettre de poursuivre le combat pour la responsabilité et le développement.

Car cette crise sanitaire dont personne ne peut prévoir la fin et qui s’est transformée en crise sociale a largement mis en évidence les contradictions du système actuel et a brusquement remis à jour la question de l’autonomie défendue inlassablement par Justice et notre Parti dès les années 1960.

Cette séquence de notre histoire n’est pas déconnectée du combat pour la vérité engagé dès sa création, en 1934, par notre journal Justice. Combat pour une information privilégiant les intérêts de notre peuple en favorisant l’émergence d’une citoyenneté martiniquaise.

Camarades et amis, alors que nous venons de commémorer ses 100 ans, nous souhaitons ardemment que Justice continue de porter haut le message d’André Aliker. Et nous vous remercions d’avoir répondu à notre invitation. En signe de fraternité, nous vous invitons à partager une petite collation à l’occasion de laquelle nous nous ferons le plaisir de vous offrir un numéro du Spécial Centenaire de Justice. Et que vive encore longtemps la mémoire d’André Aliker !

Merci de votre attention.

Fort-de-France le 11 janvier 2022 Le Secrétaire Général du Parti Communiste Martiniquais, Georges ERICHOT

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