La compensation carbone ne peut être une drogue de substitution à la pollution. | Maxim Tolchinsky via Unsplash

Un plus et un moins ne font pas forcement un zéro.

C’est le nouveau mantra de chaque acteur économique: l’objectif de la neutralité carbone, qui consiste à compenser ses émissions de CO2 par une séquestration de carbone équivalente, a été fixé à 2050 par l’Union européenne.

Toutes plus grandes entreprises en font l’un de leurs objectifs majeurs, à l’instar de Google, Facebook, Microsoft ou Apple. Même les géants pétroliers sont désormais sur cette ligne, comme Total, qui promet une neutralité carbone d’ici 2050.

Il existe plusieurs techniques pour compenser le carbone émis. Il y a par exemple le captage et stockage de carbone (CSC), qui consiste à capter le CO2 issu des usines pour le séquestrer dans des réservoirs sous-terrains.

Certains envisagent aussi d’ensemencer l’océan avec du fer pour doper la photosynthèse du phytoplancton. Mais le principal moyen de séquestration demeure la forêt.

Chaque année, les forêts mondiales piègent 16 milliards de tonnes de CO2 (elles en libèrent aussi 8,1 milliards de tonnes). Plusieurs compagnies aériennes, comme Air France, proposent ainsi à leurs clients de compenser les émissions de leur trajet en plantant des arbres.

Sur le papier, tout cela est très séduisant et permet aux entreprises de continuer gaiement à exploiter des gigantesques data centersénergivores et à pomper du gaz de schiste sans trop de remords.

1.000 milliards d’arbres

Sauf que ces promesses reposent sur des projections assez irréalistes. En 2020, à peine 40 millions de tonnes de carbone ont été éliminées via les techniques de CSC, selon l’Agence internationale de l’énergie: une goutte d’eau par rapport aux 34,1 milliards de tonnes émises la même année. Et le potentiel apparait relativement limité du fait des contraintes géologiques et règlementaires, prévient l’Ademe.

L’afforestation est elle aussi loin d’être une solution miracle. Selon une étude suisse de 2019, il faudrait planter 1.000 milliards d’arbres (l’équivalent de la surface des États-Unis) pour faire baisser de 25% le taux de CO2 dans l’atmosphère. Ce résultat déjà énorme est contesté par de nombreux chercheurs, qui le jugent encore trop optimiste. Planter autant d’arbres serait non seulement impossible, mais reviendrait aussi très cher: entre 20 et 50 dollars la tonne de CO2 capturée, selon une autre étude américaine.

«À ce jour, aucun puits de carbone artificiel ne peut éliminer le carbone de l’atmosphère à une échelle suffisante pour lutter contre le réchauffement de la planète», rappelle le Parlement européen.

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Chaque entreprise peut bien faire ses petits calculs dans son coin, leurs promesses cumulées à l’échelle mondiale n’en demeurent pas moins complètement illusoires.

Plutôt que d’afficher fièrement leur objectif de neutralité carbone, les entreprises feraient bien de se concentrer sur la réduction en amont de leurs émissions, s’énerve Stephen Smith, directeur de l’Oxford Net Zero initiative, qui conseille les États et les entreprises en matière de stratégie «zéro carbone». Mais ça ne fait pas aussi joli qu’un bel arbre qui pousse sur un prospectus.

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