Le président de la République a présenté le 2 octobre aux Mureaux (Yvelines) sa stratégie de lutte contre “ les séparatismes” en ciblant “le séparatisme islamiste”.


Il s’est appuyé sur le contexte terroriste qui entoure le procès de l’attentat contre Charlie Hebdo pour justifier sa démarche. Il a tenté de renouer avec le en “même temps” en dénonçant aussi l’abandon par l’Etat des quartiers populaires qui attendent toujours des mesures concrètes pour sortir de leur misère et a abordé la question de l’Islam avec d’infinies précautions : “Ne nous laissons pas tomber dans le piège de l’amalgame tendu par les polémistes et les extrêmes qui consisterait à stigmatiser tous les musulmans”, a-t-il lancé tout en centrant son discours sur le “séparatisme islamiste”. Il a jugé mineures les autres formes de “séparatisme” – comme les dérives sectaires, complotistes ou le suprémacisme blanc. Pour lui “l’islamisme radical est le cœur du sujet : nommons-le”, a-t-il insisté, le définissant comme “cette idéologie qui affirme que ses lois propres sont supérieures à celles de la République”. Mais Macron a reconnu la responsabilité de l’Etat dans le développement de ce phénomène : “Nous avons nous- mêmes construit notre propre séparatisme”, a-t-il déclaré, pointant du doigt les “ quartiers où la promesse républicaine n’a pas été tenue” entraînant une “concentration de la misère et des difficultés”. Qu’a-t-il fait contre tout cela ? Mais l’acte de contrition du chef de l’Etat n’est pas sans rapport avec l’approche de l’élection présidentielle, en vue de laquelle il tente de reconstituer son socle électoral qui s’est droitisé depuis le début de son mandat, et de se présenter comme seul rempart face au Front national qui mène une intense campagne contre le fondamentalisme islamique qui, selon lui, alimente les courants “séparatistes”.
Mais en mettant en avant ce thème, Macron apporte de l’eau au moulin du FN, alors qu’il devrait se concentrer sur les urgences sociales qui sont en tête des préoccupations des Français. Tandis que son ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin ne cesse de parler, comme le FN, “d’ensauvagement” du pays, allant
jusqu’à agiter le risque de “ guerre civile”.
Plusieurs annonces pour favoriser le “retour de la République”
Selon son ministre de l’Intérieur, “Notre projet de loi renforce la laïcité, il ne vise pas une religion”, mais à assurer la “neutralité du service public”. Pour cela, les préfets seront dotés de nouveaux pouvoirs pour se substituer aux maires soupçonnés de laxisme et les libérer des “pressions sur le terrain”. Les représentants de l’État pourront ainsi bloquer des décisions locales sur les “ menus confessionnels” (en réalité de substitution) ou les horaires spécifiques dans les piscines, réservés aux musul mans. Le deuxième pilier du projet macronien vise à imposer un contrat aux associations qui, sous couvert d’activités sportives, culturelles, éducatives ou de solidarité sociale, seraient des foyers d’endoctrinement, “d’atteinte à la dignité de la personne”, ou de “pressions psychologiques ou physiques”.
Mais c’est dans le domaine de l’éducation que les mesures les plus inattendues ont été annoncées, avec, “ dès la rentrée 2021, l’instruction à l’école [qui] sera obligatoire pour tous dès 3 ans”, sauf pour raisons médicales. Et pour ne pas contrarier la droite qui défend bec et ongle l’enseignement catholique, Macron s’est empressé d’ajouter que “La liberté d’enseignement” reste fondamentale. Tout en évoquant un “encadrement renforcé des contrôles” concernant les écoles privées hors contrat et la légitimité de procéder à des “fermetures administratives quand elles s’imposent”. La loi en préparation prévoit que leur financement public sera soumis à des “contrats de respect des valeurs de la République” et à des contrôles renforcés. Les divergences sur ce sujet avec sa ministre des Sports n’ont pas empêché Em- manuel Macron d’annoncer une extension des motifs rendant possible la dissolution d’une association.
Autre mesure qui pourrait agacer à droite : le développement de l’enseignement “de l’arabe et de beaucoup d’autres langues qui font la richesse de nos enfants” à l’école ou dans un périscolaire “que nous maîtrisons”.
Dans le domaine strictement religieux, le chef de l’État prétend réformer l’Islam de France afin de le libérer des “influences étrangères” et promouvoir un “Islam des lumières” qui serait un “partenaire de la République”. Dans cet objectif, Macron prévoit la fin de “l’Islam consulaire” qui permet l’arrivée d’imams et de prédicateurs radicaux venus de l’étranger ainsi qu’une série de mesures visant à soustraire les mosquées de l’influence des extrémistes et à renforcer le rôle du Conseil français du culte musulman. Une entreprise délicate puisque la loi de 1905 sti- pule que l’État n’a pas à se mêler de religion.
La France en butte avec son passé colonial.
Emmanuel Macron a souvent entretenu l’amalgame entre les “séparatistes” d’inspiration religieuse et les acteurs de la mobilisation contre le racisme, les violences policières ou qui dénoncent son passé colonial. Ainsi, il a fustigé les enfants issus de l’immigration qui “ revisitent leur identité par un discours postcolonial ou anticolonial”. Mais le chef de l’Etat, comme la plupart de ses prédécesseurs, butte sur le passé colonial de la France. Certes, il a tenté de jouer la carte de l’apaisement à propose de l’Algérie en reconnaissant la responsabilité de la France dans l’assassinat de Maurice Audin, ce militant communiste proche du FLN, mais beaucoup reste encore à faire. Une tâche confiée à l’historien Benjamin Stora. Quant aux immigrés des “vieilles colonies” ont-ils le droit de rechercher à affirmer leur identités propres sans être accusés de communautarisme ? Leur seul choix serait-il l’assimilation ?
Peu de concret pour le “retour de la République “
Le dernier sujet abordé par Macron concerne le fossé qui s’est creusé entre l’Etat et les quartiers populaires. S’il pose un diagnostic juste en reconnaissant que “Partout où la République ne donne plus d’avenir, n’attendez pas que ces enfants l’aiment”, “il
a réduit les réponses à l’Islam. Rien sur les quartiers abandonnés”, comme le déplore le député communiste Stéphane Peu. Beau- coup pointent du doigt l’absence de mesures visant à combler le fossé entre ces territoires abandonnés et le reste du pays. Le chef de l’Etat a promis de nouvelles décisions “dans les semaines à venir”. Reste à savoir quelle sera la part réservée dans le plan de relance aux quartiers depuis si longtemps abandonnés.
G.E avec l’Humanité (in Justice.)

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