Illustration : Emmanuel Macron et Francois Bayrou, futur haut-commissaire au Plan, le 13 janvier 2020 à Pau. | Georges Gobet / AFP 


La planification économique suscite à nouveau l’intérêt, comme en témoigne la résurrection par Emmanuel Macron du commissariat au Plan, près de quinze ans après sa suppression.


La planification économique était complètement passée de mode, la crise de 2008 n’avait pas suffi à la remettre en selle, et voilà que l’on ressuscite en France un commissariat au Plan, avec pour objectif d’inscrire l’important soutien de court terme à l’économie qu’appelle la crise actuelle dans une visée de transformation économique, écologique et sociale de plus long terme.

Cette actualité invite à feuilleter un numéro récent de la revue Actuel Marx, justement intitulé «La planification aujourd’hui». On peut passer rapidement sur les articles traitant d’expériences passées –même s’il s’agit désormais d’en tirer les leçons– ou lointaines (chinoises) pour s’attacher, pour ce qui nous intéresse immédiatement, à ceux qui traitent de sujets plus proches ou plus actuels et parfois plus concrets.

L’économiste Florence Jany-Catrice montre par exemple comment la planification en France, qui prenait initialement (ou idéalement?) la forme d’une narration collective, a été supplantée par l’évaluation des politiques publiques et ses avatars successifs (rationalisation des choix budgétaires, évaluations ex post et révolution managériale). Celle-ci, indûment parée des vertus de neutralité et de rationalité, a contribué à écarter l’idée que les objectifs fixés comme les manières de les réaliser devaient pouvoir faire l’objet de débats.

Laure Després relie de son côté la fin de la planification «à la française» à une séparation des intérêts des grandes entreprises mondialisées et financiarisées et de leurs actionnaires d’avec ceux du reste de la population. Elle décrit ensuite l’enchevêtrement des dispositifs aux niveaux national, régional et local, et les balbutiements de la planification écologique. La professeure émérite d’économie plaide pour une mise en cohérence de ces outils, le report de la consultation du public en amont de la définition des projets, l’allocation de moyens suffisants et l’instauration d’une réelle capacité à inciter ou obliger les acteurs à réaliser les investissements nécessaires.

Cédric Durand et Razmig Keucheyan, après avoir rappelé ce qui parle aujourd’hui en faveur d’un retour de la planification (dont bien sûr la crise écologique), s’interrogent sur la place que pourraient prendre à l’avenir dans celle-ci les algorithmes et les données massives (big data), tout en se préoccupant de la manière d’articuler dans ce cas planification et démocratie. Mais ils montrent aussi que si la planification suppose une forme de contrôle politique sur la production, elle pose alors la question de la propriété, celle-ci pouvant prendre la forme des communs (qui appellent au demeurant une planification, comme on ne le saisit pas toujours). Elle pose également la question de l’autonomie à laisser aux travailleurs et travailleuses dans la définition de l’objet et de l’organisation de leur travail, ou encore celle de la réflexion concernant la qualité de ce qui est produit au regard, notamment, des enjeux du développement durable.

Comme on le voit ici, rouvrir le sujet de la planification peut nous emmener assez loin et soulève à son tour une multitude de questions tout à fait intéressantes. Puisse l’installation d’un nouveau haut-commissaire, François Bayrou, permettre d’en aborder au moins quelques-unes!

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