Close Menu
ANTILLA MARTINIQUE | Avec vous depuis 1981

    Abonnez-vous

    Recevez les dernières actualités créatives de ANTILLA concernant l'art, le design et les affaires

    Les tendances du moment

    Le vice-chancelier et directeur du campus mondial de l’UWI s’adresse aux enseignants dominicains et aborde l’évolution du domaine de l’éducation

    mai 18, 2025

    Dominique – Le président de l’UWP, Lennox Linton, souligne le renouveau spirituel et l’unité lors d’une retraite du parti « réussie »

    mai 18, 2025

    Bahamas- Le tout compris au meilleur rapport qualité-prix de Nassau est doté de 300 mètres de plage parfaite

    mai 18, 2025
    Facebook X (Twitter) Instagram
    ANTILLA MARTINIQUE | Avec vous depuis 1981ANTILLA MARTINIQUE | Avec vous depuis 1981
    • Rubriques
      • Art/Culture
      • Ecologie / Environnement
      • Patrimoine
      • Entreprises
      • Le Regard de Gdc
      • Édito de Henri PIED
      • Politics
      • Santé
      • Sports
      • Caraïbe
    • Newsletter 
    • Publicité
    • Contact
    annonces
    ABONNEMENT
    ANTILLA MARTINIQUE | Avec vous depuis 1981
    Home » la politique de santé publique menée par Pierre Aliker pour Fort de France et la Martinique
    Actualité

    la politique de santé publique menée par Pierre Aliker pour Fort de France et la Martinique

    mai 5, 2025Mise à jourmai 5, 2025Un commentaire
    Facebook LinkedIn WhatsApp

    En 1945, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, la Martinique se trouve à un tournant historique. Le contexte sanitaire y est alarmant : l’île souffre d’infrastructures médicales défaillantes, de conditions d’hygiène précaires et d’épidémies récurrentes. C’est dans ce cadre qu’émerge ce que nous appellerons ici la « Doctrine municipale de la santé de Fort-de-France »*, des actions fondatrices dirigées ou voulues par le docteur Pierre Aliker, premier adjoint du maire Aimé Césaire. Elaboré à la fin des années 1940 et publié en 1958 ce document, trace les grandes lignes d’une politique de santé publique audacieuse pour la ville de Fort-de-France et, au-delà, pour la Martinique toute entière. Son importance réside tant dans le constat sans complaisance qu’il dresse de la situation sanitaire coloniale que dans les solutions qu’il propose. Considérée comme un véritable manifeste, cette doctrine s’inscrit dans le vaste mouvement de progrès social porté par le Parti Progressiste Martiniquais (PPM) fondé en 1958 par Césaire et Aliker. Elle aura une portée majeure sur les orientations politiques, sociales et médicales de la Martinique et même des anciennes colonies françaises.

    Contexte sanitaire et politique dans la Martinique des années 1940-50

    Lorsque Pierre Aliker rentre en Martinique en 1938, diplômé en chirurgie, puis s’engage en politique aux côtés d’Aimé Césaire en 1945, la situation sanitaire de l’île est désastreuse. Fort-de-France, la capitale, offre le visage d’une ville partagée entre un centre-ville relativement moderne et des quartiers périphériques miséreux. À cette époque, « l’équipement sanitaire ne comprenait qu’un petit hôpital vétuste et mal équipé ; l’hygiène en général faisait défaut, les égouts étaient inexistants, [et] l’eau était infestée d’épidémies. Les maladies infectieuses prolifèrent, à l’image de la typhoïde, de la lèpre ou des affections infantiles qui frappent durement la population martiniquaise dans les années 1950. L’accès aux soins est très inégalitaire et largement insuffisant. Il n’existe ni cantines scolaires, ni crèches, ce qui compromet la santé des enfants. Les conditions de logement et d’assainissement déplorables favorisent la propagation des maladies. Bref, la misère sanitaire est le reflet de la misère sociale dans cette colonie récemment érigée en département français (1946).

    Parallèlement, sur le plan politique, une nouvelle ère s’ouvre en 1946 : la loi d’assimilation transforme la Martinique en département d’outre-mer, censé bénéficier des mêmes lois sociales qu’en métropole. Aimé Césaire, député depuis 1945, milite activement pour l’application rapide de ces nouvelles dispositions au profit des Martiniquais. Il réclame dès mars 1946 l’extension de la Sécurité sociale à la Martinique dans un délai de trois mois. En réalité, il faudra près de trois ans de luttes parlementaires et de mobilisations locales pour que la Sécurité sociale entre effectivement en vigueur sur l’île le 28 novembre 1948. Ce retard illustre les contradictions de l’assimilation : les droits sont reconnus sur le papier, mais tardent à se concrétiser pour la population. Césaire et ses alliés, dont Pierre Aliker, se retrouvent en première ligne pour combattre l’inertie de l’administration coloniale et l’opposition des élites békés (grands planteurs blancs) afin d’améliorer le sort des plus démunis.

    C’est dans ce contexte explosif – détresse sanitaire d’une part, espoirs et désillusions de la départementalisation d’autre part – que Pierre Aliker et Aimé Césaire entament leur action municipale à Fort-de-France. Devenu maire en 1945, Césaire confie à Aliker, son adjoint et compagnon de route, la mission de refondre la politique de santé de la ville. Tous deux sont animés par la conviction que le progrès social passe par des améliorations concrètes du quotidien : éducation, culture, urbanisme et bien sûr santé. Cette volonté se cristallisera dans la doctrine de santé publique que formulera Aliker quelques années plus tard.

    Genèse et présentation de la « Doctrine de la municipalité de Fort-de-France »

    Pierre Aliker élabore progressivement une doctrine sanitaire cohérente au fil de ses expériences de médecin et de gestionnaire municipal. Si l’expression « Doctrine de la santé de Fort-de-France » apparaît en 1958, ses fondements remontent aux premières années de l’action d’Aliker à la mairie. Confronté à l’urgence, Aliker commence par agir : campagnes de vaccination, chloration de l’eau, améliorations d’hygiène publique, création de dispensaires de quartier… Parallèlement, il structure sa pensée dans un document de référence. Celui-ci prend la forme d’un rapport d’une quinzaine de pages rédigé en langue claire, à mi-chemin entre le constat technique et le manifeste politique. Le texte est diffusé au public en plusieurs volets à travers le journal Le Progressiste, organe du nouveau Parti Progressiste Martiniquais fondé par Césaire et Aliker. Des extraits de la doctrine paraissent ainsi les 5 avril, 5 juillet et 26 juillet 1958, ce qui correspond respectivement aux numéros 1, 14 et 17 de Le Progressiste. Cette publication échelonnée témoigne de l’importance accordée par le PPM à ce sujet : la santé n’est plus reléguée au second plan, elle figure au cœur du projet politique d’émancipation martiniquaise.

    Dès l’introduction de la doctrine, le ton est donné. Aliker y dresse un état des lieux sans concession de la situation sanitaire de Fort-de-France depuis 1945, afin de bien faire comprendre l’ampleur du retard accumulé sous le régime colonial. Il y rappelle – chiffres et exemples à l’appui – la pénurie d’équipements (un seul hôpital pour plus de 100 000 habitants de l’agglomération foyalaise), l’absence de réseau d’égouts, la contamination fréquente de l’eau potable, la prévalence de maladies qu’on sait pourtant prévenir ou guérir. Ce préambule percutant sert à légitimer l’urgence d’un plan d’action énergique.

    « Il est temps de ceindre les reins comme un vaillant homme »,

    martèle le texte, empruntant cette formule à la rhétorique biblique pour appeler à une mobilisation courageuse de tous. L’objectif affiché est clair : faire en 10 ans ce qui n’a pas été fait en 100 ans en matière de santé à la Martinique.

    La doctrine de la municipalité (santé) de Fort-de-France se présente ainsi comme un véritable plan stratégique. Après le constat, le document expose les principes directeurs et propose une série de mesures concrètes. Aliker y exprime une philosophie globale de la santé publique, inspirée par son expérience médicale, par les idéaux du mouvement ouvrier (il a milité avec les communistes dans les années 1940-50) et par les besoins spécifiques de la Martinique. Comme il le fera plus tard dans d’autres domaines, il insiste pour adapter les recettes aux réalités locales. Cette doctrine est aussi une déclaration d’indépendance intellectuelle vis-à-vis du modèle colonial : les Martiniquais doivent penser et organiser eux-mêmes leur salut sanitaire, sans attendre passivement des solutions toutes faites de la métropole. Aliker rejoint en cela la vision de Césaire selon laquelle « les meilleurs spécialistes des affaires martiniquaises, ce sont les Martiniquais eux-mêmes ». C’est donc un texte empreint de fierté et de détermination, qui entend redonner aux Martiniquais le contrôle de leur destin en matière de santé.

    Contenu détaillé : objectifs et mesures clés de la doctrine

    La Doctrine de la municipalité de Fort-de-France s’articule autour de plusieurs axes majeurs, qui couvrent l’ensemble des déterminants de la santé. Parmi les idées principales et propositions formulées par Pierre Aliker, on peut dégager les points suivants :

    • Assainissement et hygiène publique : La doctrine fait de l’amélioration des conditions d’hygiène son cheval de bataille numéro un. Il est prioritaire de fournir de l’eau potable en quantité suffisante à toute la population (distribution, châteaux d’eau) et de créer un véritable réseau d’égouts dans Fort-de-France. Aliker souligne que bon nombre d’épidémies (typhoïde, dysenterie) sont liées à l’eau contaminée et à l’insalubrité des quartiers pauvres. Il préconise donc un ambitieux programme de travaux publics : drainage des eaux usées, ramassage des ordures, lutte contre les insectes vecteurs (moustiques, mouches) et contrôle sanitaire des denrées. Ces mesures de prévention relèvent d’une hygiène sociale indispensable pour éradiquer les maladies endémiques.

    • Développement des infrastructures de soins : Conscient du retard accumulé, Aliker insiste sur la nécessité de doter la Martinique d’infrastructures hospitalières modernes. La doctrine prévoit la construction d’un grand hôpital central à Fort-de-France, aux normes contemporaines, pour remplacer l’ancien hôpital civil délabré. Ce nouvel établissement devra être doté de services de pointe en chirurgie, médecine, maternité, radiologie, etc., afin d’éviter aux malades martiniquais d’avoir à être évacués vers la France pour des soins spécialisés. Cette recommandation se concrétisera quelques années plus tard avec l’édification de l’hôpital Pierre-Zobda-Quitman, dont Pierre Aliker pilotera la réalisation De plus, le plan d’Aliker inclut la création de centres de santé de proximité (dispensaires et PMI – Protection maternelle et infantile) dans les différents quartiers et communes. L’objectif est d’assurer une couverture sanitaire équitable sur tout le territoire, y compris pour les populations rurales ou périurbaines longtemps négligées.

    • Médecine préventive et action sociale : Fidèle à une approche globale, Aliker intègre à sa doctrine des volets médico-sociaux. Par exemple, il propose de développer des cantines scolaires et crèches municipales, considérant que la malnutrition et le manque de suivi de la petite enfance compromettent la santé future des enfants Il prône également le renforcement des campagnes de vaccination et de dépistage (tuberculose, paludisme, IST…), en s’appuyant sur un personnel infirmier itinérant. La médecine préventive occupe une place centrale dans la doctrine : mieux vaut investir dans l’éducation sanitaire, la sensibilisation aux règles d’hygiène, la protection maternelle et infantile, pour éviter des dépenses curatives bien plus lourdes ensuite. Aliker envisage ainsi la santé non comme un secteur isolé, mais en lien avec l’amélioration du logement (lutte contre l’insalubrité des cases en bois), de l’alimentation (encourager l’agriculture vivrière pour une meilleure nutrition) et de l’éducation. Cette vision holistique témoigne d’une influence des courants de la médecine sociale et de la santé communautaire, déjà en vogue à l’époque dans certaines colonies ou pays en développement.

    • Formation et responsabilisation du personnel local : La doctrine souligne le manque criant de médecins et de personnels de santé martiniquais. En 1945, la quasi-totalité des médecins de l’île sont métropolitains ou étrangers, et leur répartition sur le territoire est très inégale (concentrés en ville). Aliker lui-même est une exception en tant que premier Martiniquais interne des hôpitaux de Paris. Il recommande donc de former davantage de soignants locaux, par l’octroi de bourses d’études en médecine et en soins infirmiers, et par la création d’écoles professionnelles sur place si possible. Il s’agit de donner aux Martiniquais les moyens humains de leur politique de santé. Cette mesure va de pair avec l’idée forte d’autonomie : l’île doit pouvoir compter sur ses propres enfants pour se soigner. De plus, Aliker souhaite encourager les vocations en valorisant le rôle social du médecin martiniquais « au service de son peuple ». Dans le même esprit, il propose de structurer la médecine libérale via des dispensaires mutualistes ou des conventions, afin que les soignants privés participent eux aussi à l’effort de santé publique (notamment en zone rurale).

    • Principe d’égalité d’accès aux soins : Bien avant que la notion de couverture universelle ne soit popularisée, la doctrine d’Aliker affirme que la santé est un droit pour tous les citoyens, et pas un luxe réservé à une élite. Il plaide pour que les nouveaux services (hôpital, dispensaires) bénéficient en priorité aux plus démunis, notamment via des consultations et soins gratuits ou à coût très réduit. On entrevoit ici l’influence des idéaux progressistes et humanistes du PPM : la santé est considérée comme un bien public, indissociable du progrès global de la société martiniquaise. Aliker va jusqu’à évoquer, dans son texte, la notion d’« État Providence sanitaire » à la Martinique, l’administration locale devant prendre en charge la protection sanitaire des masses jusque-là abandonnées. Ces idées s’alignent avec les avancées sociales de l’après-guerre en France (création du Service national de la santé, etc.), tout en les adaptant au contexte post-colonial.

    En résumé, la Doctrine de la santé de Fort-de-France de Pierre Aliker est à la fois un programme très concret – avec son chapelet de projets d’infrastructures et d’initiatives de santé publique – et un texte à forte portée symbolique. Il consacre la santé comme l’un des piliers du projet politique d’émancipation mené par Césaire et Aliker. Il élargit la lutte anticolonialiste au domaine social :

    “améliorer la santé des Martiniquais, c’est aussi les libérer de l’asservissement de la misère.

    Portée politique, sociale et médicale de la doctrine

    Dès sa diffusion, la doctrine sanitaire formulée par Pierre Aliker a des répercussions importantes. Politiquement, elle affirme la capacité des élus martiniquais à définir eux-mêmes une stratégie de développement local, rompant avec l’attentisme envers l’État colonial. Il faut rappeler qu’en 1958, Aimé Césaire vient de rompre avec le Parti Communiste Français et de créer, avec Aliker, le Parti Progressiste Martiniquais sur la base d’une autonomie accrue de l’île. La Doctrine de la santé de Fort-de-France s’inscrit pleinement dans cette démarche : elle réclame de facto une décentralisation de la politique de santé. Ce faisant, elle anticipe de plusieurs décennies les appels à la territorialisation des compétences sanitaires. À l’échelle locale, l’impact politique est immédiat : Fort-de-France, sous la houlette de Césaire (maire) et d’Aliker (adjoint à la santé), engage rapidement les chantiers recommandés. Césaire mobilise ses relations à Paris pour obtenir des financements. Ses interventions à l’Assemblée nationale sur la nécessité d’une loi-programme pour les DOM témoignent de cette volonté de concrétiser les projets d’infrastructures. En 1960, le gouvernement métropolitain finit par adopter un plan d’équipement pour les DOM, incluant la construction d’hôpitaux et d’écoles, ce qui répond en partie aux revendications martiniquaises. On peut estimer que la doctrine d’Aliker et la pugnacité de Césaire ont influencé ces décisions nationales en mettant en lumière l’urgence de la situation.

    Sur le plan social, la doctrine marque une prise de conscience collective à la Martinique. En popularisant des thèmes comme l’hygiène publique, l’accès équitable aux soins ou la lutte contre la malnutrition, Aliker contribue à éveiller la conscience du peuple sur les tares de la société coloniale dans sa vie quotidienne. La santé devient un sujet de mobilisation citoyenne : les comités de quartiers appuient les campagnes de propreté, les syndicats revendiquent des dispensaires d’entreprise, les mères de famille participent aux programmes de vaccination infantile. La population s’approprie en partie ce discours qui la valorise – elle aussi peut agir, à son échelle, pour améliorer son milieu de vie. En ce sens, la doctrine a une portée émancipatrice : elle redonne dignité et pouvoir d’agir aux Martiniquais, après des siècles de passivité forcée. Les historiens noteront plus tard qu’à partir des années 1960, les indicateurs sanitaires de l’île ont connu une amélioration notable (baisse de la mortalité infantile, recul de maladies infectieuses) en grande partie grâce aux politiques initiées pendant l’ère Césaire-Aliker. Certes, tout ne fut pas transformé du jour au lendemain, mais la dynamique enclenchée a été durable. Encore aujourd’hui, la population martiniquaise bénéficie d’un réseau de santé dense (CHU, centres médico-sociaux, etc.) qui puise son origine dans les réalisations de l’équipe Césaire-Aliker – construction de l’hôpital moderne, d’écoles de formation, etc.

    Du point de vue médical et sanitaire, la doctrine a introduit en Martinique des concepts et pratiques en avance sur leur temps localement. Pierre Aliker a été un pionnier de la médecine préventive et communautaire sur l’île. Son insistance sur la prophylaxie (prévention) et l’éducation sanitaire préfigure des approches que l’Organisation mondiale de la Santé mettra en avant bien plus tard (comme le programme “Health for All” des années 1970). Il a su adapter les recommandations de la science médicale aux spécificités tropicales et socio-économiques de la Martinique – par exemple en mettant l’accent sur l’éradication des foyers de moustiques pour lutter contre les maladies vectorielles, ou en combinant action hospitalière et action sociale de terrain. Cette approche intégrée a servi de modèle implicite dans d’autres territoires ultramarins. En Guadeloupe et en Guyane, des personnalités politiques progressistes, à l’image du député guyanais Justin Catayée dans les années 50-60, ont tenu un discours comparable, insistant sur la nécessité de résoudre les problèmes sanitaires de base et d’impliquer les locaux dans cette tâche. De même, lorsque d’anciennes colonies françaises d’Afrique accèdent à l’indépendance dans les années 1960, nombre de nouveaux gouvernants placent la santé publique parmi leurs priorités, dans un esprit souvent analogue à celui d’Aliker. On peut citer le cas du Sénégal où Léopold Sédar Senghor (autre leader noir issu de la même génération anticolonialiste que Césaire) lança un vaste plan de santé rurale dès le début des années 1960 pour combler le déficit hérité de la colonisation – démarche parallèle par bien des aspects aux initiatives martiniquaises.

    Il serait excessif de prétendre que la doctrine d’Aliker a directement inspiré tous ces mouvements, mais elle s’inscrivait clairement dans un courant progressiste mondial où la santé est considérée comme un facteur indispensable de développement et de justice sociale. En cela, la Martinique a été pionnière dans la sphère francophone : dès 1949-1958, grâce à Aliker, elle disposait d’une vision structurée pour sa politique de santé, au moment même où d’autres contrées entamaient à peine leurs luttes sanitaires. L’héritage d’Aliker se lit aussi dans la mémoire collective : son combat acharné contre la typhoïde, la tuberculose et la lèpre lui a valu le respect de ses concitoyens et de ses pairs médecins. En 2013, à son décès, Pierre Aliker était salué comme « l’homme de la santé publique » de la Martinique, celui qui « a consacré sa vie à combattre les maladies qui sévissaient sur l’île dans les années 50 ». Cette reconnaissance tardive montre combien la Doctrine de la santé de Fort-de-France – bien plus qu’un texte, un ensemble d’actions concrètes et de principes – a laissé une empreinte profonde.

    Influence et héritage dans la Martinique contemporaine

    La Doctrine de la santé de Fort-de-France a indéniablement servi de feuille de route aux politiques de santé martiniquaises pendant des décennies. Les grandes orientations définies par Pierre Aliker ont été progressivement mises en œuvre : l’hôpital Pierre-Zobda-Quitman, aujourd’hui centre hospitalier universitaire de Martinique, est le fruit direct de cette vision ; les dispensaires et PMI créés dans les années 60-70 en sont également l’héritage. La génération d’hommes et de femmes formés à la santé dans le sillage d’Aliker a poursuivi son œuvre, occupant des postes de responsabilité et veillant à ce que la santé reste une priorité locale. Par exemple, la mise en place d’un véritable service de santé scolaire ou encore la création de la Maison de la Femme, de la Mère et de l’Enfant à Fort-de-France s’inscrivent dans la continuité des idées d’Aliker sur la protection materno-infantile. De même, l’accent mis sur la prévention se retrouve de nos jours dans les campagnes d’information régulières sur les risques d’obésité, de diabète ou de dengue – de nouveaux défis sanitaires que la Martinique affronte avec les outils structurés qu’elle s’est donnés.

    Enfin, il convient de noter que la démarche d’Aliker a aussi contribué à façonner le rapport des Martiniquais à la santé et à la citoyenneté. En revendiquant dès les années 1950 le droit à la santé pour tous, en responsabilisant la population dans l’amélioration de son bien-être, cette doctrine a préparé les esprits à accepter et à exiger le haut niveau de protection sanitaire dont jouit la Martinique d’aujourd’hui (comparable à celui de la métropole française). Elle a également renforcé le sentiment d’appartenance à une communauté solidaire, où la santé de chacun est l’affaire de tous. Il est frappant de constater que de nombreux combats actuels – qu’il s’agisse de dénoncer les inégalités d’accès aux soins entre la métropole et l’outre-mer, ou de réclamer davantage de moyens pour l’hôpital public martiniquais – s’inscrivent dans la lignée du message d’Aliker. La Doctrine de la santé de Fort-de-France demeure ainsi, plus d’un demi-siècle après sa formulation, un texte de référence inspirant les nouvelles générations d’élus et de professionnels de santé.

    La Doctrine de la municipalité de Fort-de-France écrite par Pierre Aliker a été un jalon déterminant de l’histoire sociale martiniquaise. Née dans un contexte de grande pauvreté sanitaire, portée par l’élan anticolonial et humaniste du tandem Aimé Césaire – Pierre Aliker, elle a su traduire en actions concrètes l’aspiration à la dignité et au progrès pour tout un peuple. À travers celà, Aliker a démontré que la lutte politique pouvait prendre la forme d’une lutte pour la santé publique, tout aussi fondamentale que les combats pour la reconnaissance identitaire ou l’autonomie institutionnelle. Son impact immédiat – la transformation de Fort-de-France en une ville mieux équipée, plus saine et plus juste – fut remarquable, et son impact à long terme tout aussi significatif, en faisant entrer la Martinique dans la modernité sanitaire.

    Sur le plan symbolique, la doctrine Aliker reste un exemple de prise en main locale du destin collectif. Elle aura pavé la voie à d’autres initiatives semblables dans le monde post-colonial, où la santé fut reconnue comme une priorité absolue du développement. En Martinique, on peut affirmer que la vision d’Aliker a en grande partie porté ses fruits : les indicateurs de santé y sont aujourd’hui parmi les meilleurs de la Caraïbe, et la population a intégré depuis longtemps l’importance de la prévention et de la solidarité en matière de santé.

    L’héritage de Pierre Aliker dépasse donc le cadre d’un document programmatique – il réside dans chaque structure hospitalière construite, dans chaque vie sauvée par une vaccination, dans chaque enfant qui boit une eau potable saine. Comme l’avait annoncé le Dr Aliker dans sa doctrine, la santé est devenue un bien commun martiniquais, conquis de haute lutte. Cette conquête, exemplaire à bien des égards, rappelle que le progrès social dans les anciennes colonies a souvent commencé par de tels « actes de foi et d’espoir », pour reprendre les mots d’un discours d’Aliker, où l’on ose imaginer un futur meilleur et où l’on s’attelle patiemment à le construire. Cette Doctrine de Fort-de-France restera dans l’histoire comme l’un de ces actes fondateurs.

    * comme l’appelle Serge Letchimy

    Articles similaires

    Partager. Facebook LinkedIn WhatsApp
    Article précèdent HOMMAGE. Pierre Aliker, l’homme, l’œuvre et l’héritage : un buste pour ne pas oublier
    Article suivant En Martinique, une nouvelle génération politique entre pragmatisme et quête d’émancipation. Une tribune de Gdc

    ARTICLES SEMBLABLES

    KRÉYOLOMAJ BA MANO

    mai 18, 2025

    CHU DE LA MARTINIQUE. Une certification qui donne confiance et envie d’avancer

    mai 17, 2025

    ALERTE. Sargasses : un comité d’experts alerte sur une crise sanitaire durable

    mai 17, 2025
    View 1 Comment

    Un commentaire

    1. Pingback: HOMMAGE. Pierre Aliker, l’homme, l’œuvre et l’héritage : un buste pour ne pas oublier · ANTILLA MARTINIQUE | Avec vous depuis 1981 %

    ECRIVEZ UN COMMENTAIRE Cancel Reply

    Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

    Actualités de la Caraïbe
    Caraïbe

    Le vice-chancelier et directeur du campus mondial de l’UWI s’adresse aux enseignants dominicains et aborde l’évolution du domaine de l’éducation

    Caraïbe mai 18, 2025

    Dominica News Online – Français Le Dr Francis O. Severin, vice-chancelier et directeur de…

    Dominique – Le président de l’UWP, Lennox Linton, souligne le renouveau spirituel et l’unité lors d’une retraite du parti « réussie »

    mai 18, 2025

    Bahamas- Le tout compris au meilleur rapport qualité-prix de Nassau est doté de 300 mètres de plage parfaite

    mai 18, 2025

    L’Organisation panaméricaine de la santé (OPS) a déclaré que trois pays de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) ont éliminé la transmission mère-enfant du VIH et de la syphilis.

    mai 18, 2025
    ANTILLA MAI 2025. abonnez-vous !
    VOUS AVEZ DIT SANTÉ ?!
    De l’idée à l’action, avec vous au quotidien
    EVADEZ-VOUS …ENVOLEZ-VOUS !

    Abonnez-vous

    Recevez les dernières actualités de Antilla Martinique.

    Merci ! Votre demande a bien été prise en compte.

    Publiez vos annonces Légales
    Consultez les annonces légales
    Consulter nos anciens numéros
    Nos différentes rubriques
    Archives
    © 2025 Copyright ANTILLA. Tous drois réservés. Programmé par ANTILLA.
    • CONTACTEZ-NOUS
    • MARKETING
    • MENTIONS LÉGALES
    • CONSULTEZ LES ANNONCES LÉGALES

    Type above and press Enter to search. Press Esc to cancel.