Il y a 75 ans, le 19 mars 1946, la Guadeloupe, la Martinique, la Réunion et la Guyane Française, les quatre plus vieilles colonies du pays, deviennent officiellement des départements français.

Portée par quatre élus issus de ces territoires, Aimé Césaire (Martinique), Léopold Bissol (Martinique), Gaston Monnerville (Guyane) et Raymond Vergès (La Réunion), la loi départementalisation, au départ nommée loi assimilation, sera promulguée le 19 mars 1946.

Depuis l’abolition de l’esclavage en 1848, les habitants des « vieilles colonies » revendiquaient une égalité véritable avec ceux de la métropole. Sous la Troisième République, ces territoires bénéficiaient au sein de l’Empire Colonial d’un statut préférentiel fondé sur l’idée d’une plus grande proximité sur le plan culturel et administratif : ainsi, si la législation métropolitaine ne leur était pas automatiquement applicable, le suffrage universel masculin en revanche s’y appliquait sans restriction, permettant à leurs habitants d’être représentés au Parlement. Et ce sont ces représentants qui, dans l’euphorie de la Libération, parviendront à fédérer de nombreux soutiens au projet de « départementalisation » – le mot sera inventé alors par le plus jeune d’entre eux, Aimé Césaire.

Ils déposeront trois propositions de loi destinées à conférer aux quatre territoires le statut de département afin de les faire participer au destin de la France « sur un pied d’égalité avec les départements métropolitains ». Aimé Césaire, rapporteur de la proposition de loi, ouvrira les débats à l’Assemblée nationale le 12 mars 1946. Après deux jours de débats, l’Assemblée nationale constituante confèrera aux nouveaux DOM « l’égalité institutionnelle ». Mais cette reconnaissance symbolique n’est pas totale : en effet, l’article 73 de la Constitution de la Quatrième République précise que « Le régime législatif des départements d’outre-mer est le même que celui

des départements métropolitains, sauf exceptions déterminées par la loi », lesdites exceptions étant particulièrement nombreuses, notamment dans le domaine social. Fondée sur l’idée de « l’assimilation », la départementalisation ne faisait pas l’unanimité, et certains représentants des territoires s’y sont opposés, tel le poète Léon-Gontran Damas, devenu député en 1948 et qui s’opposera à son application en Guyane, parce qu’il y voyait une égalité factice préservant les rapports de domination qu’il rejetait. Sous la Cinquième République, le mouvement général de décolonisation inspire de nombreux militants et certains élus qui portent la revendication de l’indépendance dans les « vieilles colonies », face à un pouvoir central qui n’avance que très lentement sur le chemin de l’alignement des droits sur la législation hexagonale. Avec l’alternance en 1981, le gouvernement finit par consentir à donner davantage de pouvoirs aux exécutifs locaux, d’abord dans le cadre des lois de décentralisation, puis par une succession de statuts ad hoc qui ont profondément modifié le paysage institutionnel des DOM depuis vingt ans : création de la collectivité départementale de Mayotte en 2001 (transformée en collectivité unique en 2011), transformation de Saint-Martin et Saint-Barthélémy en collectivité d’outre-mer en 2007, fusion des collectivités régionales et départementales en Martinique et en Guyane en 2015.

Malgré ces évolutions, la revendication d’égalité n’a pas disparu dans ces territoires qui restent marqués par les inégalités issues de leur passé colonial, mais aussi par les conséquences des décisions dérogatoires auxquelles ils ont été soumis, comme l’histoire de l’utilisation du chlordécone aux Antilles l’a souligné – la vente de ce pesticide très toxique n’a été interdite qu’en 1993 en Martinique et en Guadeloupe (son usage persistant encore plusieurs années après cette date), alors qu’elle l’avait été en 1990 dans l’Hexagone, comme une forme moderne de l’exception que la départementalisation avait voulu faire disparaître.

#outremer #cesaire #cesnotrehistoire

En savoir plus:

https://la1ere.francetvinfo.fr/archives-outre- mer-1946… https://www.gouvernement.fr/…/9014-19-mars- date… https://www.senat.fr/rap/r99-366/r99-366.html https://www.lemonde.fr/…/les-independantistes-d- outre… https://la1ere.francetvinfo.fr/…/martinique-failli…

Source : Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage, publication Facebook

Partager.

Laissez votre commentaireAnnuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Exit mobile version