Les citoyens du Salvador enchaînent les manifestations contre l’adoption du bitcoin comme monnaie nationale. Alors que le gouvernement assure que cela permettra de faciliter les transferts d’argent internationaux, les Salvadoriens craignent pour leur pouvoir d’achat. Le FMI, de son côté, alerte sur les risques financiers que fait peser l’adoption d’une cryptomonnaie par un pays.

Le dollar est la monnaie nationale du Salvador depuis 20 ans, mais le gouvernement y a ajouté le bitcoin depuis cet été.
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Les protestations contre la mise en place du bitcoin comme monnaie nationale au Salvador ne semblent pas faiblir. Depuis la décision du gouvernement, au début du mois de septembre, d’instaurer le célèbre cryptoactif en tant que deuxième monnaie nationale aux côtés du dollar américain, de nombreux citoyens continuent de défiler dans les rues de la capitale pour marquer leur défiance. Le bitcoin est le principal actif reposant sur une blockchain. Cette technologie permet d’inscrire toutes opérations sur ce registre partagé, sans qu’une banque centrale ne vienne les réguler.

Nayib Bukele, le jeune président salvadorien de 40 ans élu en 2019, jouit pourtant d’une forte cote de popularité. Mais sa décision, dans l’été, d’adopter le bitcoin a terni son image. Le dirigeant fait pourtant valoir un atout de poids. De nombreux Salvadoriens dépendent des transferts d’argent en provenance des États-Unis et, selon Nayib Bukele, le fait de passer par la blockchain permettrait de diminuer les frais bancaires. Près de 400 millions de dollars pourraient ainsi être économisés, selon le gouvernement.

Crainte pour le pouvoir d’achat

Celui-ci a rapidement mis en place l’application “Chivo”, qui permet d’accéder au bitcoin et de le convertir en dollar. Les Salvadoriens ont le choix entre la possibilité de télécharger l’appli sur leur smartphone, ou bien de se rendre dans l’un des 200 “Points Chivo”, des bornes installées en ville. Une cinquantaine de ces Points Chivo ont également été installés aux États-Unis. Près de 500 000 Salvadoriens ont ouvert un portefeuille Chivo, peut-être attirés par les 30 dollars offerts par le gouvernement aux premiers utilisateurs.

Certains citoyens craignent cependant que la volatilité du bitcoin n’engendre des effets néfastes pour leur pouvoir d’achat et l’ont fait savoir dans la rue. Le cours de la cryptomonnaie qui a bondi en début d’année jusqu’à dépasser les 60 000 dollars, a depuis connu d’importantes fluctuations, jusqu’à perdre autour de 15 % dans la semaine qui a suivi l’annonce du gouvernement salvadorien. Selon l’AFP, des sondages récents montrent que les deux tiers des Salvadoriens prévoient de continuer à utiliser le dollar.

Fin juillet, des économistes du Fonds monétaire international (FMI) ont également alerté sur les dangers liés au bitcoin, dans une note intitulée “Des cryptoactifs comme monnaie nationale ? Un pas à ne pas franchir“. Le FMI estime que la décision du Salvador peut faire peser un risque sur la stabilité financière du pays et ce pour plusieurs raisons. Parmi celles-ci, les économistes citent un risque de change plus élevé si, par exemple, les impôts sont levés en cryptomonnaie tandis que les dépenses du pays demeurent en dollars.

Questions d’égalité

Le FMI rappelle également que, si le pays ne prend pas les mesures adéquates, le bitcoin risque d’être utilisé pour blanchir de l’argent et financer le terrorisme. Le gouvernement de Nayib Bukele assure avoir fait en sorte de sécuriser son système, notamment parce que seuls des ressortissants salvadoriens peuvent accéder au portefeuille Chivo.

Enfin, au contraire du Président salvadorien qui mise sur le bitcoin pour réduire les inégalités, les experts du FMI pointent justement tout l’inverse. L’accès aux cryptoactifs dépend avant tout d’un accès à Internet, or une partie du territoire salvadorien n’est pas couverte, ce qui peut poser “un problème d’équité et d’inclusion financière“, selon le FMI.

Pour le moment, aucun autre pays ne semble vouloir emboîter le pas du Salvador. Des banques centrales testent cependant des monnaies numériques basées sur une blockchain afin notamment d’accélérer les flux monétaires. C’est le cas notamment de la Banque de France qui mène un programme d’expérimentations de sa Monnaie Numérique de Banque Centrale (MNBC) depuis 2020. Mais les applications de la blockchain restent purement de l’ordre technique, sans qu’il ne soit question de remplacer l’euro.

Arnaud Dumas, @ADumas5

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