Le pôle Nord se transforme de manière « alarmante et indéniable ». Au pôle Sud, l’un des principaux glaciers de l’Antarctique risque de se désintégrer en partie d’ici cinq ans.

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Le Monde
Les icebergs à l’embouchure du fjord de glace Jakobshavn (Groenland), le 16 septembre 2021.

Les pôles se dérèglent toujours plus rapidement sous l’effet du changement climatique causé par les activités humaines. Au nord, l’Arctique est propulsé dans un état radicalement différent de celui dans lequel il se trouvait il y a seulement quelques décennies, avec la neige et la glace qui laissent place à une végétation plus luxuriante et des vagues de chaleur plus fréquentes. Au sud, l’Antarctique risque de voir une partie de l’un de ses principaux glaciers se désintégrer d’ici cinq ans, accélérant la débâcle des glaces. Une série de travaux scientifiques, présentés mardi 14 décembre au cours de la réunion d’automne de l’Union américaine de géophysique, décrit ces changements pour beaucoup irréversibles.

Le rapport annuel « Arctic Report Card », réalisé par 111 scientifiques de douze pays, montre un pôle Nord qui se transforme de manière « alarmante et indéniable ». Entre octobre et décembre 2020, l’Arctique a connu son automne le plus chaud depuis 1900, et l’année complète (octobre 2020-septembre 2021) est la septième plus chaude jamais enregistrée.

Le pôle Nord se réchauffe plus de deux fois plus vite que le reste du globe, voire quatre fois plus, selon les derniers travaux de chercheurs estimant que les précédents chiffres ont été sous-estimés. En cause, un phénomène appelé « amplification arctique » qui fonctionne comme un cercle vicieux : en fondant, la glace et la neige, très réfléchissantes, sont remplacées par de l’océan ou de la végétation, plus sombres, qui absorbent davantage les rayons du soleil. Il en découle une hausse des températures de l’air et de l’eau qui, à leur tour, accélèrent la fonte.

Le Groenland inquiète aussi

Conséquence : la disparition de la banquise arctique s’accélère. Elle n’a pas battu de record cette année en termes de superficie mais de volume : en avril, ce dernier a atteint son niveau le plus bas depuis le début des enregistrements en 2010. La banquise était, en effet, plus fine que les années précédentes, avec bien moins de glace ancienne, ce qui la rend plus vulnérable. Cette fonte s’inscrit dans une tendance lourde : les quinze dernières années sont toutes celles avec le moins de surface de glace de mer.

Dans le reste des régions arctiques, les changements sont rapides : la toundra verdit à vue d’œil, les incendies se multiplient, le pergélisol – ces sols gelés en permanence – dégèle, relâchant le carbone qu’il contient. Le retrait des glaciers et la fonte du pergélisol entraînent des risques accrus – glissements de terrain, inondations, etc. – pour les 5 millions d’habitants vivant dans ces régions. Le développement du trafic maritime, permis par la disparition de la banquise, provoque une augmentation du nombre d’ordures et de débris qui s’accumulent le long des côtes et une hausse du bruit dans l’océan, perturbant les mammifères marins.

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Enfin, un effet moins connu du réchauffement réside dans la colonisation de l’ouest de l’Alaska par les castors, sous l’effet de conditions plus favorables – davantage de végétation, un printemps plus précoce et une hausse du débit des cours d’eau en hiver. La création de barrages et de nouveaux étangs par ces rongeurs inonde de nouvelles parties de la toundra, ce qui dégèle le pergélisol.

« La situation est très grave »

Ces changements ne se limitent pas à l’Arctique. « La fonte des glaciers entraîne une élévation du niveau de la mer, qui provoque des inondations et des dommages aux infrastructures littorales. Le dégel du pergélisol accentue le réchauffement et les changements dans la banquise influencent également le mouvement et la force des tempêtes dans les basses latitudes », indique Twila Moon, glaciologue au National Snow and Ice Data Center et l’une des principales autrices de l’« Arctic Report Card ».

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Les nouvelles ne sont guère meilleures en provenance de l’autre extrémité du monde. Dans l’ouest de l’Antarctique, le glacier Thwaites, un mastodonte de 120 kilomètres de large et de 600 kilomètres de long, est de plus en plus fragile. Une équipe de scientifiques américains et britanniques a découvert une série des fissures alarmantes, en surface et en profondeur, qui progressent sur la dernière plate-forme flottante du glacier. Elle pourrait s’effondrer « dans un délai de cinq ans seulement », écrivent les glaciologues.

Un scénario très inquiétant, alors que les plates-formes flottantes font office de contreforts ou de « bouchons » pour les glaciers qui sont en amont. Libéré de cette contrainte, Thwaites verrait son écoulement augmenter vers la mer, c’est-à-dire qu’il perdrait davantage de glace. « Or ce glacier est au bord d’un point de bascule », prévient Catherine Ritz, glaciologue à l’Institut des géosciences de l’environnement. Il a déjà perdu beaucoup de volume, notamment en raison de courants sous-marins plus chauds qui grignotent la base de sa plate-forme.

« La situation est très grave en Antarctique de l’Ouest. Si Thwaites disparaît, c’est tout l’Antarctique de l’Ouest qui disparaît », ajoute la scientifique. Un effondrement de Thwaites entraînerait une élévation du niveau des mers de 65 cm, tandis que la disparition de l’Antarctique de l’Ouest, à l’échelle de plusieurs siècles voire un millénaire, pourrait faire grimper les océans de plus de 3 mètres.

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