La victoire de Giorgia Meloni et de son parti Fratelli d’Italia ouvre, au minimum, une grande période d’incertitude pour l’Union européenne. Si la future Présidente du conseil italien, première femme à exercer cette fonction, est restée floue sur ses intentions et son programme, elle affiche une volonté de renégocier les engagements européens, à commencer par le plan de relance de 2020. Elle pourrait faire de même avec le Green Deal, “Les Italiens d’abord” étant un slogan peu compatible avec un verdissement global et coordonné de l’économie de l’Union.

Confrontée à une grande instabilité politique et parlementaire, l’Italie va devoir former une nouvelle coalition à partir du résultat des élections législatives du 25 septembre où l’alliance des trois partis de droite et d’extrême-droite, Fratelli d’italia de Giorgia Meloni, Forza Italia de Silvio Berlusconi et la Ligue de Matteo Salvini, ont obtenu ensemble 44 % des voix. Giorgia Meloni a un avantage net sur ses deux co-listiers puisque son parti a obtenu plus de 26 % des voix. Cela lui a permis de revendiquer dans la nuit de dimanche à lundi la future présidence du Conseil et donc le pilotage de la politique italienne.

“Il est un peu tôt pour savoir vraiment ce qui va se passer en Italie” explique Joséphine Staron, directrice des études du think tank Synopia et autrice du livre “Europe – la solidarité contre le naufrage”. “Ceci dit on peut conclure de ses déclarations qu’elle va essayer de tout renégocier, à commencer par le plan de relance post-épidémie de Covid qui est pourtant bouclé. Son idée est d’exiger qu’une partie de fonds européens servent à financer les boucliers énergétiques de chaque État membre. Or pour l’instant c’est tout à fait exclu.”

“Les menaces pèsent surtout sur les droits sociaux”

Cette stratégie potentielle d’un des États membres fondateurs de l’Union Européenne fera, au minimum, perdre beaucoup de temps sur des engagements clefs de l’Union comme le plan de relance ou potentiellement le Green Deal qui manque déjà de soutien politique actif. Jusqu’où Giorgia Meloni peut-elle contribuer à remettre en cause les engagements environnementaux de l’Union ?

“Elle n’a pas en soi d’hostilité au sujet comme Marine Le Pen en France. En revanche elle pourrait ajouter l’Italie au clan des farouches re-négociateurs, ceux qui veulent remettre en cause les domaines de compétences de l’Union Européenne et la primauté du droit européen. Il y a déjà la Hongrie et la Pologne, la Suède semble prendre le même chemin mais, à ce stade, les menaces pèsent beaucoup moins sur les engagements environnementaux que sur les droits sociaux fondamentaux comme celui à l’avortement ou les politiques de protection des minorités LGBT”, analyse la spécialiste.

Dans ce domaine, celle dont le slogan répété à l’infini pendant la campagne “Je suis Giorgia, je suis une femme, je suis une mère, je suis italienne, je suis chrétienne” pointe les menaces que ses adversaires, parmi lesquels l’Union Européenne, feraient peser sur l’identité italienne qu’elle brandit dans les termes suivants : “Pour eux la famille est un ennemi, l’identité nationale est un ennemi, l’identité de genre est un ennemi. C’est leur jeu. Ils veulent que nous soyons le parent 1, le parent 2, le genre LGBT, les citoyens X, des codes. Mais nous, nous ne sommes pas des codes, nous sommes des personnes et nous défendrons notre identité.”

“Aux COP, les États essaient tous de défendre leurs propres intérêts”

Les points communs des quatre États européens où des partis populistes et d’extrême droite sont arrivés au pouvoir portent principalement sur l’immigration, les mœurs et le libéralisme économique, les enjeux climatiques étant absents des débats politiques, voire dans l’économie. Obsédée par le déclin démographique de l’Italie, Giorgia Meloni s’inscrit depuis plus de 20 ans dans les pas du parti fasciste comme le montre ce reportage de France 3 de 1996 et elle a fait de la lutte contre l’immigration son fer de lance au point d’envisager un blocus naval face à la Lybie.

Comment dès lors construire une dynamique commune de lutte contre le changement climatique à toute l’Union européenne, avec un État où domine le souverainisme et la volonté de n’être responsable que des émissions directes de son territoire ? “Les COP échouent les unes après les autres à cause de négociations portées par des États qui essaient tous de défendre leurs propres intérêts” expliquait François Gemenne, chercheur membre du GIEC, dans le cadre d’un débat sur la géopolitique de la nature organisé à Nantes le 24 septembre.

“Or, l’Union Européenne, qui négocie au nom de tous les États membres, pèse de moins en moins lourd dans le volume global d’émissions et sa part tend à décroitre. Du coup elle devrait en principe, pour être efficace dans la lutte contre le changement climatique, agir ailleurs dans le monde, sur les émissions importées, sur l’Amazonie. Malheureusement c’est incompatible avec les attentes d’électeurs qui veulent qu’on agisse sur leurs territoires et qu’on les aide face à la crise l’énergie” ajoute-t-il. Le succès électoral de Giorgia Meloni est donc une mauvaise nouvelle aussi pour la prochaine COP 27, par ailleurs déjà mal partie !

Anne-Catherine Husson Traore, @AC_HT_, directrice générale de Novethic

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