Philippe Edmond-Mariette, avocat et ancien député de 2003 à 2007, se présente de nouveau pour défendre les intérêts de la Martinique. Fort de son expérience parlementaire marquée par la lutte contre le Chlordécone et la défense des ultramarins, il envisage de renforcer les mesures pour préserver le pouvoir d’achat, combattre les injustices sociales et renforcer les liens économiques de la Martinique avec les pays de la Caraïbe.  

“La préservation de notre pouvoir d’achat et la lutte contre les injustices sociales sont au cœur de mon engagement pour la Martinique.”

Pouvez-vous vous présenter ? 

Je suis avocat et j’ai été député de 2003 à 2007. Pendant ma mandature, j’ai été l’un des premiers à soulever le scandale du Chlordécone. J’avais demandé une commission d’enquête parlementaire et finalement, j’ai obtenu une mission d’information que j’ai présidée. J’estime qu’à cette époque les services de l’État ne nous ont pas permis d’accéder à toutes les informations et mener à bien notre mission, et j’avais conscience du scandale qui couvait, conclusions que je partageais avec Louis-Joseph MANSCOUR, Maire de Trinité et Député du Nord Atlantique.

J’ai également mené d’autres actions, notamment la préservation de la défiscalisation. Au moment de l’arrivée de Dominique DE VILLEPIN comme premier ministre, il était question d’une remise en cause du dispositif et de sa suppression. J’ai pris la tête avec le concours des socio professionnels et d’Alfred ALMONT, Député du Nord Caraïbe du groupe de Défense du dispositif. Grâce à la mobilisation de l’ensemble des parlementaires ultramarins, nous avons au bout du compte obtenu satisfaction après deux réunions très difficiles à Matignon.

Aussi, la reconnaissance de l’histoire des dissidents des Antilles et de la Guyane. A ce sujet, nous avons réussi à sensibiliser l’opinion parlementaire avec Euzhan PALCY et l’appui de son film parcours de Dissidents projetés à l’hôtel de LASSAY, avec une délégation forte de près d’une vingtaine de Dissidents et nous nous sommes retrouvés à l’Arc de Triomphe, en présence du président CHIRAC le 8 mai 2005. Dès lors, les dissidents seront enfin pleinement réintégrés dans l’histoire. Aussi 3 ans plus tard avec le concours d’Olivier BIANCALLERI, Conseiller outre-mer à l’Élysée sous le mandat du président SARKOZY, plusieurs d’entre eux ont pu être honorés de la légion d’Honneur.

Qu’est-ce qui vous motive à vous présenter de nouveau comme député en 2024 ?

Ma motivation vient de la situation actuelle en France et en Martinique. Nous risquons bientôt d’avoir l’extrême droite à la tête de la République. En tant qu’avocat, parmi les dossiers que je traite sur Paris certains concernent des affaires de racisme et de violences policières. Si l’extrême droite arrivait au pouvoir, les ultramarins seraient beaucoup plus exposés à de nombreuses difficultés. La deuxième raison qui me motive est l’état actuel de notre territoire, la Martinique. Il est impératif qu’à Paris, des hommes et des femmes en responsabilité parlementaire possèdent à la fois l’expérience et l’influence nécessaire avec fermeté et diplomatie pour obtenir l’adaptation des textes législatifs à nos réalités. Je suis convaincu de pouvoir offrir à la population l’exemple d’un député au service du peuple martiniquais probe et intègre toujours prêt à se battre !

De plus en 2015, lorsque j’étais secrétaire du CESE, nous avions présenté au nom de la délégation aux outre-mer un rapport sur les violences faites aux femmes en Outre-mer. Dans nos recommandations, nous avions observé que certaines solutions, telles que l’éloignement, étaient difficiles à mettre en œuvre en raison de l’exiguïté de nos territoires. Ce combat est un combat à l’échelle de toute la Martinique, et il est essentiel dans la construction d’une société de pleine égalité hommes femmes.

“Nous devons renforcer nos liens économiques avec les pays de la Caraïbe pour assurer un avenir prospère et solidaire pour la Martinique.”

Quels sont les principaux défis que vous souhaitez relever pour la Martinique si vous êtes élu ?

Aujourd’hui, le quotidien des martiniquais est menacé par de nombreuses problématiques, telles que la vie chère, et ses conséquences sur le porte-monnaie des martiniquaises et des martiniquais. La santé et particulièrement la situation dégradée de l’hôpital public ou encore le scandale du chlordécone que j’ai évoqué. En Martinique, une nouvelle problématique s’ajoute désormais : celle de l’eau.

Comme je viens de vous le dire, ils sont nombreux :

  • Il y a la situation des femmes en Martinique et dans tout l’Outre-mer, qui sont victimes de violences souvent intra familiales et sexuelles. Mon expérience professionnelle m’a permis de constater une augmentation de ces problèmes. La réponse judiciaire doit être adaptée et plus efficiente car entre la dénonciation et les mesures concrètes adoptées, il existe un vide immense donnant aux victimes le sentiment très fort d’un abandon.
  • Mais plus encore aujourd’hui, la Martinique a besoin d’une défense générale et collective. Il est essentiel que les élus, comprennent que les enjeux ne sont ni de droite, ni de gauche comme exemple l’Octroi de mer, cette taxe constitue une source de financement cruciale et une protection de la production locale. De même, la question de l’eau n’appartient à aucun camp politique spécifique — elle est vitale pour tous.
  • En 2024, de nombreux Martiniquais ont été privés d’eau, soulignant l’urgence d’une action consensuelle et coordonnée entre la collectivité de Martinique, son Exécutif, les maires et les autres élus locaux et sans doute il faudra légiférer. Ensemble, nous devons développer des solutions adaptées et innovantes, nécessitant travail, persévérance et humilité. Les élus ne peuvent pas tout savoir ; c’est pourquoi je crois fermement en la nécessité de l’aide et l’écoute de tous ceux qui peuvent apporter leur expertise sur les questions cruciales à traiter et notamment la consultation des partenaires économiques, des syndicaux et des sachants.
  • Sur la justice et la sécurité il y a urgence à renforcer les moyens humains et matériels sur le territoire. Je me battrai sans relâche sur ce dossier que je connais parfaitement bien.
  • Il y a également une impérieuse nécessité à traiter l’ensemble des questions relatives à notre jeunesse, notamment l’attractivité du marché du travail pour tous en créant des dispositifs innovants accessibles aux diplômés comme et aux non diplômés.

Il est également important de faciliter et simplifier les conditions et les mécanismes de l’entreprenariat pour mieux sécuriser et encourager la création d’entreprises.

  • Défendre les Martiniquais sur la question du foncier en sécurisant et en garantissant les conditions d’accès à la propriété.

Quels sont vos projets pour permettre de défendre le pouvoir d’achat des martiniquais et des Français d’Outre-mer ? 

Cette question est complexe et je veux sur ce sujet faire preuve de pragmatisme.

Je vais donc commencer par un exemple. En effet, je suis particulièrement préoccupé par la question des billets d’avion. En Corse, il existe un dispositif totalement différent du nôtre qui garantit aux Corses de bénéficier de tarifs stables sur les vols entre l’île et la France continentale abonder chaque année à hauteur de près de 187 millions d euros. Pour tout l’outre-mer c’est la somme de 45 millions cherchons l’erreur ?

Il est crucial d’instaurer un mécanisme similaire pour l’Outre-mer afin d’assurer une vraie continuité territoriale. Cela nécessitera une large concertation impliquant l’État, les exécutifs locaux et les compagnies aériennes. Si nous parvenons déjà à cela, ce sera une première victoire pour le pouvoir d’achat des ultramarins.

Quelles sont vos perspectives pour continuer à vous battre contre les scandales tels que celui du chlordécone ? 

Je souhaite m’inscrire dans la continuité du travail accompli. Sans prétention, je suis convaincu qu’il faut créer un fonds d’indemnisation abondé principalement par l’État. Cette démarche est vitale, car je constate que la procédure devant la cour d’appel de Paris, en chambre d’instruction, porte le risque de la confirmation du non-lieu. Rien ne serait plus préjudiciable pour les territoires ultramarins que de voir l’État ignorer les difficultés auxquelles nous sommes confrontés, et ce sujet serait alors emblématique d’un abandon moral par la République.

Lors de sa visite en Martinique en 2018, le président Macron a reconnu la responsabilité de l’État, mais il est pénalement impossible de poursuivre l’État. C’est pourquoi je propose la création de ce fonds d’indemnisation des victimes, tant sur le plan de la santé, que sur le plan économique, environnemental, que financier. Ce type de dispositif existe pour le « sang contaminé » pour « les victimes de l’amiante », pour « les victimes des essais nucléaires » dans le pacifique. Il faut un texte réparateur des scories de ce passe environnemental qui a endommage le lien de confiance avec Paris.

“Je m’engage à défendre les intérêts des Martiniquais avec intégrité et détermination, en luttant pour une meilleure reconnaissance et une justice équitable pour tous.”

Quelles mesures proposez-vous pour renforcer les liens économiques et culturels entre la Martinique et les autres pays de la Caraïbe ?

Il est impératif d’obtenir de l’Union Européenne une modification des textes régissant le statut des régions ultrapériphériques afin de consacrer véritablement des partenariats économiques culturels et financiers. Cela nécessite une volonté franche et déterminée pour ouvrir la voie à cette évolution. Nous ne pouvons plus tourner le dos à notre environnement géographique en mutation, car le temps du commerce triangulaire est révolu.

En conclusion, je souhaite réaffirmer ma volonté d’être un député de combat au service de la population martiniquaise tout en ayant une approche consensuelle et fédératrice.

Propos recueillis par Thibaut CHARLES 

 

Partager.

Laissez votre commentaireAnnuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Exit mobile version