En octobre 2008, l’Union européenne (UE) et 14 pays des Caraïbes (faisant partie de l’organisation CARIFORUM, qui compte 15 membres) ont signé un accord de partenariat économique (APE). Nous venons donc de commémorer le 15e anniversaire de cet événement. Cependant, après 15 ans, nous avons largement dépassé le stade de la célébration d’un nouvel anniversaire de la signature de l’APE. L’accent doit être mis sur le rôle que l’APE peut jouer aujourd’hui, compte tenu de la crise mondiale actuelle. La question est la suivante : quinze ans après, l’APE remplit-il son mandat en tant qu’outil de commerce et de développement pour la région ?

Pourquoi un APE ?

Un peu d’histoire : depuis 1975, les pays des Caraïbes bénéficiaient déjà d’un certain accès préférentiel aux marchés de l’UE pour leurs produits. Toutefois, au fil du temps, la part de leurs exportations n’a cessé de diminuer. L’incompatibilité de ces préférences avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce et les contestations d’autres pays en développement ont incité à négocier un APE pour inverser cette tendance et promouvoir le développement.

La nature asymétrique de l’accord reconnaît les problèmes de capacité de la région. Depuis 2009, tous les produits du CARIFORUM entrent donc dans l’UE en franchise de droits et de quotas, tandis que pour les Caraïbes, la libéralisation du commerce a été soumise à une longue période de transition de 25 ans (jusqu’en 2033), ce qui a donné aux pays des Caraïbes le temps de s’adapter. De nombreux produits sensibles ont été exclus de la libéralisation, tels que le poisson, la viande, les fruits, les produits laitiers ou le rhum. Ces produits de l’UE ne bénéficieront jamais d’un traitement en franchise de droits dans le cadre de l’APE, car ils sont protégés de la concurrence de l’UE.

L’APE est l’un des accords commerciaux les plus complets jamais signés par l’UE avec des pays en développement. Il comprend des clauses de développement durable, offre une sécurité commerciale essentielle et favorise l’intégration régionale. Outre l’ouverture des marchés de l’UE et du CARIFORUM aux échanges de biens et de services, il comprend également des règles spécifiques sur l’accès aux investissements et au commerce électronique, ainsi que des dispositions de soutien et de facilitation des échanges dans les domaines des douanes, de l’agriculture, de la réglementation technique, de l’innovation, de la propriété intellectuelle, des marchés publics ou de la protection des données à caractère personnel. Grâce à ces règles, l’APE a jeté les bases de nombreuses réformes dans les États des Caraïbes, qui ont contribué et contribueront encore à améliorer la situation des consommateurs et des entreprises.

Comment l’APE a-t-il fonctionné jusqu’à présent ?

Ce n’est un secret pour personne que les crises mondiales ont eu un impact négatif sur les Caraïbes. Au fil des ans, la mise en œuvre de l’APE s’est avérée difficile en raison de l’effondrement de l’économie mondiale, de la pandémie de Covid, de la guerre en Ukraine ou de l’insuffisance des ressources. Cependant, l’accent mis sur les besoins de développement des Caraïbes est ce qui fait l’impact de cet accord. L’ironie de la chose, c’est qu’à l’heure où les pays cherchent des solutions à leurs difficultés financières et économiques, d’autres priorités ont parfois pris le pas sur la mise en œuvre des accords commerciaux. L’APE pourrait toutefois contribuer bien davantage à la croissance économique et à la réduction de la pauvreté s’il était pleinement mis en œuvre.

L’UE est le troisième partenaire commercial du CARIFORUM. En 2022, les échanges de marchandises entre les deux régions se sont élevés à 19,8 milliards d’euros. Les exportations des Caraïbes vers l’UE s’élevaient à 12 milliards d’euros et dépassaient les importations, qui s’élevaient à 7,8 milliards d’euros. Dans ce contexte, les exportations de biens du CARIFORUM vers l’UE ont augmenté de 142 % (en valeur) et de 35,7 % (en quantité) au cours de la période 2008-2022.

Les services restent l’avantage compétitif des États du CARIFORUM. Ceci est reflété par la valeur du commerce des services qui dépasse les échanges de biens depuis de nombreuses années. Les exportations de services du CARIFORUM vers l’UE ont augmenté régulièrement au fil des ans, passant de 2,9 milliards d’euros en 2013 à un sommet de 59,7 milliards d’euros juste avant la pandémie de grippe aviaire.

On peut arguer que les produits et services échangés n’ont pas encore atteint le niveau de diversification souhaité, mais il est indéniable que l’APE a permis d’établir des schémas commerciaux solides au fil des ans, malgré tous les défis rencontrés, ce qui en fait une relation commerciale qui mérite d’être préservée et améliorée.

L’APE est-il important aujourd’hui ?

Les gouvernements des Caraïbes ont, pour la plupart, fait preuve de bonne volonté en ce qui concerne leurs engagements dans le cadre de l’APE. L’accord a été ratifié par la plupart des pays. Certains pays des Caraïbes sont en bonne voie pour mettre en œuvre la réduction progressive convenue des droits de douane sur les produits de l’UE. D’autres, en revanche, ont pris du retard ou sont restés inactifs dans ce processus, au détriment des consommateurs locaux. L’UE est toutefois prête à soutenir tous les États des Caraïbes dans la mise en œuvre de l’APE par le biais de programmes d’assistance financière.

Bien que les gouvernements aient fait preuve de leadership dans le cadre de l’APE, c’est le consommateur moyen et l’homme d’affaires qui devraient bénéficier de l’accord. En abaissant les droits de douane, par exemple, l’APE facilite la fourniture d’intrants et de biens d’équipement moins chers, ce qui stimule la croissance. L’APE réduit le coût global des importations, ce qui est essentiel dans les pays fortement dépendants des importations, compte tenu des récentes hausses de prix. Les consommateurs peuvent bénéficier de produits de qualité moins chers en provenance de l’UE, notamment des voitures, des pièces détachées, des textiles, des médicaments, des articles ménagers, des articles de construction, des équipements électroniques ou des machines.
En vertu des règles de l’APE, la plupart de ces produits de l’UE devraient désormais entrer en franchise de droits dans le CARICOM.

Prenons l’exemple des voitures européennes : grâce à l’APE, elles ne devraient plus être soumises à aucun droit d’importation dans votre pays à partir du 1 er janvier 2023 ! Mais l’APE ne se limite pas à l’échange de produits. Il fournit un cadre pour
stimuler la croissance, vendre des services, augmenter les investissements dans les solutions vertes et numériques et améliorer l’environnement des entreprises. Les investisseurs de l’UE sont impatients de voir les pays des Caraïbes mettre en œuvre l’APE et en tirer le meilleur parti. L’accord sera essentiel pour garantir un climat d’investissement favorable, car l’UE vise à stimuler les investissements et à attirer des capitaux dans la région.

En conclusion, l’APE représente l’un des partenariats commerciaux les plus généreux que l’UE ait jamais offert à un partenaire commercial : libre accès à l’UE, cadre pour les investissements et les réformes du marché, mise en œuvre asymétrique et dispositions adaptées aux besoins de développement. Quinze ans plus tard, l’APE continue d’être un travail en cours – certes – mais il reste aussi un outil de premier ordre pour le commerce, la croissance et le développement des Caraïbes.

Malgorzata Wasilewska est l’ambassadrice de l’Union européenne auprès de la Barbade, des États des Caraïbes orientales, de l’OECO et du CARICOM/CARIFORUM.

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