Repéré sur Le Monde.
Chargement d’un véhicule électrique, à Londres, en novembre 2020. TOLGA AKMEN / A

L’ONG Transport & Environnement a étudié les émissions de trois SUV, mêlant moteur thermique et électrique. 

Par Eric Béziat 

L’Europe fonce-t-elle vers un nouveau « dieselgate » ? C’est la question que n’hésite pas à poser l’ONG bruxelloise Transport & Environnement (T & E) dans l’intitulé de sa dernière enquête-choc, publiée lundi 23 novembre, et portant sur une classe particulière de véhicules électriques en plein essor : les hybrides rechargeables.

T & E a étudié, en conditions réelles de circulation, les émissions de CO2 de trois modèles-phares, en l’occurrence des SUV (ou 4 × 4 urbains), de cette catégorie. Et les écarts constatés entre, d’une part, le niveau de carbone rejeté dans l’atmosphère tel qu’il est affiché par les constructeurs et, d’autre part, les données enregistrées lors des tests laissent pantois. La différence entre théorie et monde réel se monte à + 28 % au mieux. Mais, dans certaines conditions, la divergence bondit jusqu’à trois fois, cinq fois, voire douze fois plus qu’annoncé.

Précisément, la société britannique Emissions Analytics s’est penchée, pour le compte de T & E, sur les émissions de dioxyde de carbone du Mitsubishi Outlander (le plus vendu en Europe), de la Volvo XC60 (numéro 3 du marché) et du BMW X5, qui affiche la plus large autonomie en mode 100 % électrique. Rappel utile : un véhicule hybride rechargeable est mû à la fois par un moteur thermique et par un moteur électrique, lequel est alimenté par une batterie relativement puissante, qu’il convient de charger et qui permet de rouler entre 35 et 80 kilomètres en mode strictement électrique.

« Dans des conditions optimales et avec une batterie chargée à plein, les véhicules ont émis entre 28 % et 89 % de CO2 de plus que ce qui avait été annoncé », détaille T & E dans son communiqué. Ce n’est déjà pas très bon. Mais les choses se gâtent encore dès lors que les conditions deviennent plus exigeantes : batterie vide, véhicule chargé, déplacement à haute vitesse sur autoroute…

Des « bombes climatiques »

Alors que ces modèles sont, d’après leur homologation, censés émettre 32 (BMW), 46 (Mitsubishi) et 71 (Volvo) grammes de CO2 par kilomètre parcouru, ils atteignent respectivement 254, 164 et 184 quand la batterie est tombée à zéro. Et surtout, ils affichent de stupéfiants 385, 216 et 242 grammes dès lors qu’ils passent en mode recharge de la batterie. De vraies « bombes climatiques » !

La critique n’est pas nouvelle. Elle s’était, en particulier, focalisée ces dernières années sur le risque d’une utilisation du véhicule sans recharger, fatalement néfaste en matière d’émissions puisque les hybrides rechargeables sont plus lourds que la moyenne. Elle a été aussi régulièrement pointée par la presse spécialisée qui a souvent la dent dure sur les niveaux de consommation de carburant réels de ces véhicules.

 

 

Les constructeurs (qui aiment rappeler que, dans 95 % des trajets, le véhicule roule moins de 50 kilomètres et restera en pur électrique dès lors qu’il est chargé à l’aller et au retour) ont réagi en proposant de nouvelles motorisations essence un peu moins gourmandes, en particulier les marques françaises. Comme BMW, ils mettent aussi au point des systèmes forçant le passage au mode électrique en centre-ville et récompensant les automobilistes qui roulent beaucoup sur la batterie (possibilité de recharge gratuite, par exemple).

Des véhicules en pleine croissance

Mais, en cette fin 2020, le sujet devient brûlant. Les hybrides rechargeables sont les véhicules les plus en croissance du marché : + 263 % en France entre janvier et octobre 2020 par rapport à la même période de 2019 (contre + 131 % pour les 100 % électriques et + 50 % pour les hybrides classiques). T & E estime que 500 000 de ces voitures auront été vendues cette année en Europe, contre 150 000 en 2019.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Voiture électrique : « La maturation du marché et l’essor des ventes devraient contribuer à faire progressivement diminuer les prix »

Les constructeurs, il est vrai, poussent les ventes de ces véhicules parce qu’ils font baisser leur niveau moyen théorique d’émissions de carbone et leur fournissent une arme-clé pour atteindre leurs objectifs européens en matière de CO2. En particulier grâce aux modèles qui affichent moins de 50 grammes, comme le X5 et l’Outlander, car ils sont éligibles au mécanisme dit « de superbonus ».

« Le véhicule hybride rechargeable est une chimère, conclut Diane Strauss, directrice pour la France de T & E. Le gouvernement français doit supprimer les aides et incitations fiscales qui avantagent ces modèles, soit 38 millions d’euros en 2020. Les constructeurs doivent éviter de s’engouffrer dans ce prochain scandale d’émissions et se focaliser sur une réelle avancée pour le climat : la voiture électrique. »Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Le Royaume-Uni veut bannir les véhicules à moteur thermique dès 2030

Eric Béziat

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