Nul besoin de recourir à l’obligation de la vaccination, pas besoin de discours présidentiels à répétition pour supplier et vaincre les réticences… non, de l’autre côté des Pyrénées, le consensus est total. Grâce à une confiance inébranlable des Espagnols dans leur système de santé et les vaccins, mais aussi à une forte solidarité familiale, le pays fait désormais figure de leader de la vaccination contre le Covid-19 dans l’UE. La barre des 70% de la population totalement vaccinée bientôt franchie, il file maintenant vers le cap des 90%.

Selon une étude britannique menée dans 15 pays et publiée en juin, 79% des Espagnols avaient confiance dans les vaccins contre le coronavirus, contre seulement 62% des Américains, 56% des Français ou 47% des Japonais. Photo d’illustration: une plage de Majorque, en Espagne, le 8 août. (Crédits : Reuters)

Si l’Espagne est en passe d’atteindre son objectif de vacciner pleinement 70% de la population d’ici à la mi-août, les experts avertissent cependant qu’en raison de la flambée due aux nouveaux variants, pour atteindre l’immunité collective, ce chiffre doit désormais être supérieur à 90%, ce qui signifie qu’il faut vacciner les adolescents, explique à El Pais Manuel Franco, porte-parole de la Société espagnole de santé publique:

« Atteindre l’immunité collective sans eux est pratiquement impossible. »

Dans le peloton de tête pour la vaccination complète

L’Espagne a déjà complètement vacciné environ 61% de sa population, contre près de 58% en Italie, 56% en France (56,53 % ce 12 août selon CovidTracker) et 55% en Allemagne, d’après des chiffres établis par l’AFP à partir de sources officielles. Hors UE, elle fait également mieux que le Royaume-uni (58,5%) et les États-unis (un peu plus de 50%).

Consensus sur la nécessité de vacciner et le pass sanitaire

Ces chiffres rendent superflus les débats sur des mesures telles que l’obligation de vaccination ou le pass sanitaire, qui ont provoqué des manifestations dans certains pays européens.

De fait, parmi les principaux pays de l’UE, l’Espagne fait figure de leader de la vaccination contre le Covid-19, grâce à une confiance inébranlable de la population dans son système de santé et les vaccins, mais aussi une forte solidarité familiale.

L’un des “éléments clés” du succès de la campagne de vaccination en Espagne a été “la confiance dans le système de santé”, explique à l’AFP Josep Lobera, professeur de sociologie à l’Université autonome de Madrid. Membre du comité national pour la stratégie de vaccination, il a été chargé par les autorités d’étudier comment les Espagnols allaient accepter le vaccin.

79% des Espagnols font confiance aux vaccins anti-Covid

M. Obera et ses collègues ont constaté qu’ils étaient “avantagés par rapport à d’autres pays, car la confiance dans les vaccins en général, et dans les vaccins infantiles en particulier, était traditionnellement plus élevée que dans les autres pays européens”.

Selon une étude menée dans 15 pays par l’Imperial College London et publiée en juin, 79% des Espagnols avaient confiance dans les vaccins contre le coronavirus, contre seulement 62% des Américains, 56% des Français ou 47% des Japonais.

Courage, volontarisme et sens de la famille dans la jeunesse espagnole

À Madrid, le complexe sportif Wizink a été transformé en centre de vaccination ouvert 24h/24h. Un matin d’août, le soleil de plomb habituel à cette époque de l’année ne dissuade pas une longue file de personnes d’apparence jeunes qui attendent patiemment pour recevoir leur seconde dose.

“J’ai confiance à 100%, à 200%” dans le système de santé, lance Inés Gómez Calvo, graphiste de 28 ans. Pour Alejandro Costales, un avocat de 30 ans, le vaccin signifie “prendre soin” de sa famille, “avoir la garantie d’aller chez soi, de revenir et de ne pas les infecter”.

Nul besoin en Espagne de recourir à l’obligation de la vaccination.

“Nous n’avons pas eu à adopter cette mesure, car pratiquement tous les enseignants, et pratiquement tous les citoyens, se font vacciner volontairement”, a commenté lundi la ministre de l’Éducation, Pilar Alegría, à la radio Cadena Ser.

La tranche d’âge des 12-19 ans est constituée de 3,8 millions de personnes, dont 17,9% ont déjà reçu leur première dose. Si le déploiement du vaccin se déroule comme prévu, la plupart des adolescents devraient être complètement vaccinés à temps pour entamer la nouvelle année scolaire, explique le quotidien espagnol El Pais.

Ce consentement général et cette coopération active de la population, le professeur Lobera l’explique par le fait que les Espagnols associent le système de santé publique à la modernité, dans un pays qui en avait grand soif au sortir, en 1975, de 36 années de dictature sous Franco.

Les liens familiaux jouent aussi un rôle primordial, dans un pays où plus de la moitié (55%) des 25-29 ans vivaient encore chez leurs parents en 2020, d’après l’Institut national de la statistique.

Le sociologue estime qu’il s’agit d’une question culturelle, mais aussi économique, car “les jeunes ont beaucoup plus de difficultés à devenir indépendants, il y a une plus grande précarité de l’emploi, et cela signifie que la famille a joué le rôle de bouée de sauvetage” dans les crises.

Quand au risque que des adolescents développent un cas grave de Covid-19, le quotidien ibérique le rappelle, il est très faible mais pas inexistant. Selon les derniers chiffres de l’Institut de santé Carlos III, depuis le 22 juin 2020, 878 personnes âgées de 10 à 19 ans ont été hospitalisées avec le Covid-19. Sur ce chiffre, 160 ont nécessité des soins intensifs et 17 sont décédés.

Les régions soutiennent le pass sanitaire, mais débattent du bon moment pour l’appliquer

Il existe toutefois un débat entre régions au sujet du pass sanitaire, mais cela n’a rien à voir avec l’opposition de principe(s) que l’on peut voir enfler en France -au nom de la restriction des libertés, entre autres- dans des manifestations depuis plusieurs samedis d’affilée.

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En clair, si Galice et Canaries font partie des régions pionnières dans la mise en vigueur du “pass sanitaire” (voir en pied ANNEXE 2/2), d’autres rechignent comme la Catalogne, écrivaient Les Echos fin juillet. Mais le quotidien économique précise bien que la Catalogne, épicentre de la cinquième vague de Covid, ne refuse pas le pass sanitaire au nom d’un principe. Elle refuse son application tant que la population n’a pas suffisamment accès au vaccin. Car en effet, dans cette région, il y a des problèmes d’approvisionnement, on manque de doses de vaccin. Et si l’on met en place un contrôle d’accès maintenant, ce serait discriminatoire, il y aurait beaucoup trop de gens qui seront empêchés dans leurs activité. Les Echos citent le conseiller régional à la santé publique, Josep Maria Argimon:

Pas question pour l’instant d’en faire un outil « discriminatoire » dit-il « ce n’est pas le moment. L’important, aujourd’hui, est de faciliter l’accès au vaccin pour tous. »

La Catalogne n’est pas anti-pass sanitaire, elle est même pro-vaccin puisqu’elle demande qu’on lui en livre plus.

La mémoire du traumatisme des milliers d’enfants nés avec la polio

Un autre aspect participe du consentement massif des Espagnols: les plus âgés gardent en mémoire les ravages causés à des milliers d’enfants nés entre 1955 et 1965 par le retard de la vaccination contre la polio.

Alors que, dans de nombreux pays, la vaccination anti-polio avait commencé au milieu des années 1950, il a fallu attendre près de dix ans de plus en Espagne. Une négligence dissimulée par la censure de l’époque, qui a récemment conduit le gouvernement à reconnaître les personnes qui en ont souffert comme des victimes du régime de Franco.

“Ce fut une situation absolument désastreuse”, se souvient Javier García, président de l’association Cota Cero et lui-même victime de la polio.

Aujourd’hui âgé de 60 ans et en fauteuil roulant, Javier García n’a pu se tenir debout avant l’âge de quatre ans et a subi 17 opérations des jambes dans son enfance.

Alors, quand on l’interroge sur le vaccin contre le coronavirus, il est catégorique:

“Il est important que tout le monde le reçoive, et le plus tôt sera le mieux”.

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ANNEXE 1/2

(Double-cliquez sur les infographies pour les agrandir plein écran)

L’épidémie continue de refluer en Espagne

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Dernières bulletin sanitaire sur l’épidémie de Covid-19 en Espagne au jeudi 12 août 2021 (DataRtve; source: CNE / Ministerio de Sanidad)

La santé a notifié 17.023 nouveaux cas et 93 décès depuis mardi. L’Espagne cumule 82.320 décès et 4.660.473 cas enregistrés depuis le début de la pandémie. L’incidence baisse encore de 25 points depuis mardi, à 503,4 cas pour 100 000 habitants au cours des 14 derniers jours.

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[Parmi ces deux graphiques publiés aujourd’hui sur le site du ministère de la Santé espagnol, celui de droite montre que le taux d’incidence (Rt) du Covid-19 est bien en-dessous de 1: il est à 0,83. Cliquez pour agrandir plein écran]

Le taux continue de baisser dans toute l’Espagne, sauf à Ceuta et Melilla. (…). Par groupe d’âge, les cas ont continué de baisser dans tous les groupes. Les jeunes entre 12 et 19 ans et ceux entre 20 et 29 ans, maintiennent une incidence cumulée de plus de 1.000 cas pour 100 000 habitants. La saturation des unités de soins intensifs a baissé pour le deuxième jour consécutif : elle l’a fait d’un demi-point, à 21 %. La densité baisse également en Catalogne -où 45% des patients en soins intensifs sont victimes du coronavirus-, qui continue à un niveau de risque extrême pour cet indicateur à Madrid et aux îles Baléares.

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ANNEXE 2/2

Les modalités du “pass sanitaire” espagnol très semblables à celles du  “pass sanitaire” français

Voici ce que dit aujourd’hui 12 août l’Ambassade de France:

“Toute entrée sur le territoire espagnol en provenance d’une région à risque par voie aérienne (aéroports), maritime (ports) ou terrestre est soumise à la présentation de l’un de ces documents, sous format numérique ou papier, rédigé en espagnol, en français, en allemand ou en anglais :

  • soit un certificat justifiant d’une vaccination complètecontre la Covid-19 depuis au moins 14 jours. Il doit notamment faire mention de la date de vaccination effectuée, du vaccin administré et du pays de vaccination,
  • soit un certificat de test de dépistage d’infection active, avec résultat négatif, délivré dans les 48h (test antigénique) ou dans les 72h (test PCR) précédant l’arrivée sur le territoire. Il peut s’agir d’un test NAAT (test de détection ARN du Covid-19 : RT-PCR, TMA, LAMP, NEAR…) ou d’un test antigénique inclus dans la liste de la Commission européenne. Les tests salivaires dont le prélèvement n’a pas été effectué en laboratoire, mais à domicile, n’autorisent pas le voyage, ni les « tests rapides » en pharmacie, qui ne donnent pas lieu à un résultat écrit. Le certificat doit notamment comprendre le numéro de document d’identité ou de voyage de la personne testée ;
  • soit un certificat de rétablissement de la Covid-19, valable 180 jours après le 1er test de diagnostic positif. Ce document doit notamment mentionner la date du premier test positif, le type de test réalisé ainsi que le pays où ce certificat a été délivré.
  • soit le certificat Covid numérique de l’UE. Celui-ci intègre une preuve de vaccination, un résultat de test négatif ou une preuve de rétablissement de moins de six mois. Plus d’informations sur les modalités d’obtention en France.

Une pénalité financière dissuasive est prévue en cas de non-présentation d’un de ces documents.

Ne sont pas concernés par la présentation de l’un de ces certificats : les enfants âgés de moins de 12 ans, les voyageurs en correspondance aérienne (transit) et les équipages des moyens de transport internationaux dans le cadre de leur activité et, s’agissant de l’arrivée par la route, les professionnels du transport routier entrant en Espagne dans le cadre de leur activité, les travailleurs transfrontaliers et les résidents de la zone frontalière pour des déplacements ne dépassant pas un rayon de 30 km de leur lieu de résidence.

L’ensemble du territoire espagnol est soumis aux règles de la « nouvelle normalité », qui prévoient notamment :

  • Le port du masque obligatoire pour toute personne de plus de 6 ans, dans les espaces clos recevant du public ou ouverts au public ;
  • Le port du masque obligatoire dans tous les espaces à l’air libre, lorsque les regroupements de personnes ne permettent pas le respect d’une distance d’1,5 m (sauf entre personnes d’un même foyer) ;
  • Le port du masque obligatoire dans tous les transports (air, terre, mer) y compris sur les quais ou dans les stations, dans les transports publics ou privés (VTC) de voyageurs dans des véhicules jusqu’à 9 places, sauf personne d’un même foyer. Pour les voyageurs des navires de croisière, le port du masque ne sera pas obligatoire dans les cabines, ni dans les espaces extérieurs du navire si une distance de 1,5 m peut être respectée (sauf personnes d’un même foyer) ;
  • Le respect des gestes barrières ;
  • La tenue de registres de passagers par les opérateurs de transports, conservés pendant quatre semaines.

NB: Les informations du site de l’ambassade reproduites ci-dessus sont celles du jeudi 12 août 2021, et elles ne sont données ici qu’à titre indicatif car elles peuvent évoluer chaque jour. Seules sont valables les informations lues directement sur le site de l’ambassade de France, prière donc de s’y reporter :

Covid-19, à savoir pour tout déplacement entre la France et l’Espagne [es]

(avec AFP)

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