Par  Daly Valet pour Le Matin (journal haïtien)

Eurêka !

Elle n’en finira pas de surprendre et d’émouvoir cette Haïti ! Au moment où le moral du patriote est au degré zéro face à la déchéance nationale et à l’abdication monumentale des élites au regard de leurs responsabilités historiques, il y a toujours un événement qui survient pour lui donner de l’allant et du tonus.

La découverte par une étudiante canadienne de l’original imprimé de la Déclaration d’Indépendance d’Haïti aux Archives Nationales de la Grande Bretagne ne peut que redonner du sens à notre histoire par ces temps de déconstruction des symboles et de déréliction. Julia Gaffield fait des études de doctorat en histoire à l’Université Duke en Caroline du Nord. Elle s’intéresse à la naissance de l’Etat d’Haïti. Après Port- au-Prince, ses recherches l’ont conduite à la Jamaïque puis à Londres. C’est là qu’elle a pu déterrer, en février dernier, le document tant recherché, sans y avoir été vraiment le chercher spécifiquement, et que les historiens haïtiens croyaient définitivement disparu.

L’acte retrouvé, l’unique copie originale à avoir jamais existé, dit-on à l’envi, témoigne de l’attachement de nos pères en la patrie aux idéaux de liberté et de dignité de peuple. Il dit aussi l’échec troublant et le naufrage du projet national haïtien tel que conçu par ces braves. Depuis le séisme du 12 Janvier, nous mesurons l’ampleur des dégâts liés à nos errements dans notre cheminement en tant que « nation » indépendante depuis le début du dix-neuvième siècle. Deux siècles de gâchis managérial et de dilapidation de ce précieux héritage que nous ont légué au prix de leur sang, les Dessalines, Christophe, Pétion et autres. Aujourd’hui, Haïti est en mille morceaux, schizophrénique, comme sortie d’un roman de Lyonel Trouillot. Son drapeau, en berne ! Son peuple, endeuillé et dans les limbes ! L’avenir est illisible.

Et notre passé glorieux renaît ! Au moment où l’on s’y attendait le moins, avec son aréopage de brillants esprits et d’hommes hors du commun dévoués à une cause qu’ils plaçaient au-dessus de leurs personnes et qu’ils inscrivaient dans l’intemporel. Comment l’Acte de l’indépendance a-t- elle pu atterrir en Grande Bretagne ? Des historiens américains, spécialistes d’Haïti à l’Université Duke, soutiennent que c’est Dessalines lui-même qui aurait fait parvenir la seule copie imprimée aux Anglais. Si c’est vrai, pourquoi une telle décision ? Pour le protéger de toute mise à sac par les Français des Archives officielles de la nouvelle République en cas d’une nouvelle tentative de reconquête de leur ancienne colonie, vu l’intérêt des Anglais dans la sauvegarde de l’indépendance d’Haïti ? Les passionnés d’histoire et autres professionnels du domaine ont de quoi agrémenter leurs discussions. Dans tous les cas, le document a été bien au repos chez les Anglais pendant deux cent six ans ! Loin des turbulences haïtiennes et des politiques de terre brûlée qui ont emporté une grande part de nos archives historiques !

La découverte de l’étudiant réalisée, il y a lieu quand même de s’interroger sur les méthodes de recherche des historiens haïtiens et étrangers intéressés à la geste héroïque de 1804. L’historiographie haïtienne accuse un déficit de sources primaires assez déroutant. Trop de marges laissées aux déductions, aux interprétations ou aux extrapolations faites à partir de sources secondaires. Les recherches ethnographiques exigent la patience de l’archéologue. Du temps. Et des ressources financières qui font souvent défaut aux chercheurs dans des sociétés pauvres comme Haïti.

Après tout, c’est aussi ça l’histoire, l’effort de comprendre, d’expliquer et de reconstituer le passé avec les moyens du bord. Notre décision au Matin de publier les huit (8) pages enfin retrouvées de notre Déclaration d’Indépendance, telles qu’elles ont été rendues publiques par les Archives Nationales de la Grande-Bretagne, participe de ce même effort de dé- chiffrement et d’exposition du passé. Puissent ces pages inspirer les patriotes haïtiens dans l’œuvre de refondation de leur

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