La deuxième partie de la série, triomphe pour la plate-forme Netflix et l’acteur Omar Sy, est finalement mise en ligne ce vendredi, plus tôt que prévu initialement. 

Par Thomas Sotinel Pour Le Monde.

 

 

Quand Netflix nous a prévenus de son arrivée, il y a six mois, au cœur de l’hiver et du confinement, la nouvelle a été accueillie avec curiosité, sans déchaînement d’enthousiasme. Les dernières incursions de la plate-forme californienne dans la culture populaire française – implantation de Vampires à Belleville, faire de La Révolution une orgie gore – incitaient à ne pas placer la barre trop haut : Omar Sy dans une variation contemporaine sur le thème d’Arsène Lupin, le succès était loin d’être garanti.

Selon les statistiques de la plate-forme, la série a été vue par 76 millions de foyers à travers le monde

En cinq épisodes élégamment troussés, l’affaire était entendue. Lupin a triomphé à domicile, mais aussi sur toute la planète Netflix (qui ressemble à la Terre, à ceci près que la Chine en est absente). Selon les statistiques de la firme, la série a été vue par 76 millions de foyers à travers le monde (pour Netflix, il suffit de deux minutes de visionnage sur un compte pour estimer qu’un contenu – série ou film – a été vu), soit plus qu’aucune autre.

Aux Etats-Unis mêmes, la réincarnation du gentleman cambrioleur s’est hissée à la troisième place du classement des séries les plus regardées établi par la plate-forme, tout en suscitant un torrent de louanges. Outre-Atlantique, Lupin a réussi là où Intouchables et Jurassic World avaient échoué, faisant d’Omar Sy une star.Lire la critique de « Lupin » : Omar Sy dépoussière le costume d’Arsène Lupin

Ces cinq premiers épisodes ne constituaient que la moitié d’une première saison vouée à la redéfinition du personnage principal. Comme le répètent à l’envi l’interprète principal et le créateur de la série, le Britannique George Kay, Lupinn’est pas l’adaptation des romans écrits par Maurice Leblanc au début du XXsiècle, mais la réinvention contemporaine d’un mythe français.

Le prince des monte-en-l’air s’appelle Assane Diop, fils de Babacar (l’acteur ivoirien Fargass Assandé), immigré sénégalais victime d’une terrible injustice aux mains d’un sinistre baron de la finance, Pellegrini (Hervé Pierre, ogresque sociétaire du Français). Par piété filiale autant que par malice, le jeune homme est devenu un voleur d’envergure internationale, bien décidé à venger son père. Dans cette entreprise, Assane Diop a mis en danger la vie de son propre fils, Raoul, dont l’enlèvement marquait la césure entre les deux moitiés de cette première saison.

Esprit de mystification

D’abord annoncée pour la fin de l’année puis pour l’été, la conclusion du combat engagé par le fils d’immigré contre le pilier de la société n’aura donc pas attendu le solstice pour être mise en ligne. Ces fluctuations du calendrier n’étaient de toute façon qu’illusions, comme en a convenu Omar Sy sur France Inter : la date du 11 juin était fixée depuis longtemps « mais on a fait genre c’est à la fin de l’année pour faire la surprise ». On mettra cette manipulation au compte de l’esprit de mystification qui baigne la série plutôt qu’à celui des algorithmes qui règlent la programmation de Netflix, même si la seconde hypothèse est plus vraisemblable.

L’important est ailleurs, dans les réponses aux questions suivantes : Assane Diop arrachera-t-il son fils aux griffes de Léonard (Adama Niane), le sbire de Pellegrini ? Mènera-t-il à bien sa vengeance, malgré les efforts de la police française pour l’en empêcher ? Lequel de ses amours d’enfance l’emportera, Claire (Ludivine Sagnier), la mère de Raoul, ou Juliette (Clotilde Hesme), la fille de Pellegrini ?Article réservé à nos abonnés Lire aussi  George Kay, créateur de « Lupin » : « Présenter une image de la France au monde » loin de la carte postale

Comme Maurice Leblanc, Omar Sy, George Kay et son coscénariste François Uzan, les réalisateurs Ludovic Bernard et Hugo Gélin (qui succèdent à Louis Leterrier et Marcela Said) ont pour premier souci de satisfaire les attentes du public. Il s’agit donc de boucler l’intrigue principale (la vengeance) tout en menant à leur terme les retours en arrière qui relatent les années de formation du jeune Assane (Mamadou Haïdara).

La mécanique des arnaques (particulièrement celle qui occupe le dernier épisode) se fait parfois pesante, et la nécessaire vitesse d’exécution est parfois sacrifiée au profit d’explications sans doute superflues. Heureusement, la mise en scène reste fidèle aux principes établis par Louis Leterrier dans les premiers épisodes. Le réalisateur français établi à Hollywood s’était inspiré d’un de ses plus grands succès, Insaisissables, autre histoire de voleurs de haut vol.

Un personnage fascinant

Cette pesanteur qui ralentit parfois le récit est d’autant plus inévitable que l’effet de surprise s’est estompé et que les enjeux de cette seconde partie (corruption au sommet de l’Etat, enlèvement d’enfant) alourdissent l’atmosphère. L’équilibre entre comédie policière et mélodrame à l’ancienne – principe fondateur des romans de Leblanc – trouve son incarnation dans le face-à-face entre Assane et Léonard.

Dans ce dernier rôle, Adama Niane propose un personnage fascinant, presque mutique, menaçant et fragile, dont on ne sait s’il est mu par la cruauté ou par une pulsion d’autodestruction. En policier enfantin, amateur de Leblanc, Soufiane Guerrab dispose lui aussi de l’espace nécessaire pour étoffer son personnage. Ce n’est pas le cas de sa collègue Shirine Boutella, qui reste une silhouette, certes nettement dessinée, mais dont la contribution au récit reste purement fonctionnelle.Lire aussi : « Insaisissables » : un tour de passe-passe dont on peut se passer

En général, les femmes sont réduites à portion congrue le temps de cette deuxième partie. La journaliste qu’incarnait Anne Benoît n’est plus qu’un souvenir. Mettant à rude épreuve le talent de Ludivine Sagnier et Clotilde Hesme, les deux amours de jeunesse, Claire et Juliette oscillent à tour de rôle entre fascination et exaspération face à leur grand homme. Après tout, c’est son histoire et Omar Sy est de toute évidence décidé à ne pas en perdre une miette. On le voit avancer dans un registre plus sombre, mêlant colère et détermination, ne dispensant son charme qu’avec parcimonie. Il n’en faut pas moins pour amener Assane Diop au seuil de son destin, celui d’une nouvelle divinité du panthéon de la fiction française.

Partager.

Laissez votre commentaireAnnuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Exit mobile version