Les Etats-Unis sont secoués depuis plusieurs jours par des révoltes après la mort d’un homme noir lors de son interpellation. Pour Charlotte Recoquillon, spécialiste des violences policières aux Etats-Unis, ce drame met en lumière le fait que les droits des Africains-américains n’évoluent pas.

La photoDes manifestants ce dimanche à Washington après le décès de George Floyd. REUTERS/Yuri Gri

Le 31 mai 2020 à 19h22, modifié le 31 mai 2020 à 19h37

Les Etats-Unis sont secoués depuis plusieurs jours par de nombreuses révoltes provoquées par la mort de George Floyd, un Afro-américain tué lundi lors d’une interpellation par la police de Minneapolis (Minnesota).

Charlotte Recoquillon, chercheuse associée à l’Institut français de géopolitique, spécialiste des violences policières aux Etats-Unis et journaliste, analyse les causes et l’ampleur de ces mouvements outre-Atlantique.

CHARLOTTE RECOQUILLON. Il est difficile d’expliquer pourquoi à un moment donné ce meurtre-là est perçu comme plus insupportable que les autres. Mais il arrive après les morts d’ Atatiana Jefferson en octobre, de Breonna Taylor au mois de mai ou Ahmaud Arbery en février. Cette image de George Floyd étouffé rappelle aussi celle d’Eric Garner en 2014qui avait aussi été filmée et qui avait provoqué des révoltes et une forte mobilisation. Elle est peut-être la goutte d’eau de trop. Cela met en lumière le fait que les droits des Africains-américains n’évoluent pas et qu’ils sont coincés dans une situation socio-économique et politique de seconde zone.

Ce drame intervient aussi dans une séquence plus large. Par exemple, les inégalités structurelles aux Etats-Unis exposent davantage les Africains-américains au coronavirus. Ils meurent donc à un niveau de disproportion alarmant. Sans oublier un climat préélectoral avec des exigences vis-à-vis du parti démocrate. Joe Biden subit une certaine pression pour qu’il choisisse une colistière africaine-américaine et qu’il fasse des promesses réelles sur la question de l’égalité raciale.

Estimez-vous qu’il y a un problème de racisme dans la police américaine ?

Oui, c’est un problème endémique dans la police, tout comme dans la société américaine. L’institution n’est pas hermétique à ce qu’il se passe dans la société. Il y a des policiers aux comportements problématiques, comme Derek Chauvin qui a lui-même connu 18 plaintes pour comportement litigieux et dont la plupart ont été classées sans mesures disciplinaires. Mais le problème n’est pas circonscrit à quelques individus : il y a des problèmes structurels liés au recrutement et à la formation des policiers. Beaucoup dans les quartiers populaires se comportent comme sur un terrain de guerre face à un ennemi intérieur.

Comment analysez-vous la réaction de Donald Trump qui condamne à la fois la mort de George Floyd mais justifie l’usage des armes face aux émeutiers ?

Lors des événements à Charlottesville entre militants antiracistes et suprémacistes blanc en 2017, il avait déjà dénoncé des violences des deux côtés. Il soutient les gens armés qui défendent un droit soi-disant animé par la peur quand il pourfend ceux qui revendiquent l’égalité. Donald Trump met aussi sur le même plan des dommages matériels ou la destruction de magasins et ceux causés à des vies.

Est-ce que ces mouvements peuvent laisser espérer des changements dans la société américaine ?

Pour cela, il faudra un changement d’administration, et une partie des événements se joue d’ailleurs dans la perspective de la présidentielle de novembre.

Mais la mort de George Floyd arrive à susciter de l’indignation, donc de l’émotion. C’est déjà un progrès. Car on n’observe pas une résurgence des crimes racistes mais plutôt celle de l’attention qui y est portée du fait qu’ils sont plus visibles. C’est le résultat d’un travail de sensibilisation effectuée depuis de longues années par le mouvement Black Lives Matter. Et ce sont aussi des révoltes qui ne sont pas animées seulement par la communauté noire elle-même, mais on observe le soutien d’une coalition multiraciale. Mais il ne faut pas oublier que le camp d’en face est très actif dans la protection de ses privilèges. Ils ont beaucoup à perdre dans une remise à plat des structures.

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