Image de couverture : Manifestation  anti-Pepsi à Manille, en aout 1993. | Romeo Gacad / AFP

En 1991, le fabricant de soda fait gagner par erreur 600.000 personnes à une loterie aux Philippines. Bilan: cinq morts.

Pepsi a toujours existé dans l’ombre de Coca-Cola. Mais dans les années 1990, désespérée par l’omniprésence des canettes rouges, la firme née à New Bern en Caroline du Nord s’est mise en tête de concurrencer son rival à l’international et de mener une guérilla anti-Coca au Mexique, en Argentine, au Chili, au Guatemala et aux Philippines.

À cette fin l’entreprise imagine une loterie, le «Number Fever». Dans chaque capsule est imprimé un code, accompagné d’une somme et d’un code de sécurité. Chaque soir à la télévision, l’entreprise annonce un numéro vainqueur.

Aux Philippines les ventes mensuelles passent de 10 à 14 millions de dollars [de 8,4 à 11,8 millions d’euros], et la part de marché de l’entreprise grimpe rapidement de 19,4% à 25%. La somme maximale à gagner est d’un million de pesos, l’équivalent de 57.688 euros aujourd’hui –il n’y a qu’une chance sur 28 millions de la gagner.

Rodolfo Salazar, le président de Pepsi Philippines, affirme que la moitié de la population participe et qualifie l’opération de «campagne marketing la plus réussie du monde».

600.000 gagnant·es

Le 25 mai 1991, le numéro gagnant est annoncé: c’est le 349. Ce soir-là, deux grands prix sont supposés être remportés. Seulement, du fait d’une erreur informatique passée inaperçue, ce sont 600.000 capsules qui sont estampilées du 349 magique, avec des lots variant de quelques centaines au très convoité million de pesos.

Le lendemain matin, des centaines de personnes venues réclamer leurs gains sont aux portes de l’usine Pepsi à Quezon City, où la police et l’armée sont déployées.

La nuit suivante, le fabricant de soda admet son erreur et accepte, comme «geste de bonne volonté», de payer 500 pesos à toute personne détentrice d’une capsule 349. L’entreprise estime qu’elle peut s’en tirer en perdant 6 millions de dollars.

Mais cette mesure ne satisfait pas la clientèle échaudée, qui se sent flouée. Vicente del Fierro, prêtre dans une secte catholique, prend la tête d’une manifestation puis d’un mouvement anti-Pepsi. Flairant la bonne occasion, le directeur de Coca-Cola Philippines finance del Fierro à hauteur de 10.000 pesos.

Dans les jours et les mois qui suivent, les manifestations tournent à l’émeute dans tout le pays. Une bombe lancée sur un camion tue une passante et sa fille de 5 ans. Une grenade lancée dans une usine tue trois employé·es –au total, le concours aura donc fait cinq victimes.

La police philippine soupçonne alors Pepsi d’avoir payé des agitateurs chargés d’encourager la violence, afin de discréditer les protestataires, ce que nie la multinationale.

Quant à del Fierro, il a porté l’affaire sur le terrain judiciaire durant de nombreuse années. Mort en 2010, il a été acquité d’une accusation de calomnie de la part de Pepsi mais n’a jamais réussi à faire condamner l’entreprise, finalement exonérée en 2006.

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