Des fuites de méthane, puissant gaz à effet de serre, ont été détectées à Paris : elles proviennent des égoûts, des chaudières de bâtiments et des canalisations.

Près de 570 millions de tonnes de méthane (CH4) sont produites chaque année dans le monde, dont 60 % seraient dus à l’activité humaine, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Or ce gaz à effet de serre n’est pas moins redoutable que le dioxyde de carbone (CO2) : même s’il est présent en moindre quantité dans l’atmosphère, sur cent ans, son effet de réchauffement est vingt-huit fois plus important par kilogramme que celui du CO2. D’où l’intérêt de l’étude, parue le 23 juin dans la revue Environmental Science & Technology, qui vise à mesurer les concentrations de ce gaz à Paris. L’objectif : parvenir à limiter les émissions en ville en les identifiant à la source.

« Les sources de méthane sont encore mal connues, explique à ReporterreJean-Daniel Paris, chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCEIPSL) et co-auteur du rapport. Quand on parle d’émissions de méthane, on pense à des fuites dans les canaux de transport de cette matière première, à l’agriculture ou à la gestion des déchets. » Le méthane est en effet produit et émis lors de la décomposition du fumier des animaux d’élevage et des composants organiques des eaux usées agro-industrielles. « Mais on ne pense pas aux villes, qui sont pourtant des sources d’émissions. »

Pour mener à bien leurs travaux, les scientifiques du LSCEIPSL de Saclay ont réalisé des mesures entre septembre 2018 et mars 2019 à Paris grâce à des capteurs mobiles placés dans des voitures. Les scientifiques ont sillonné 30 % des rues de la capitale, et certains quartiers d’Issy-les-Moulineaux et de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). « Paris n’est pas identifiée comme une ville fortement émettrice de méthane, mais nous avons voulu en avoir le cœur net », dit Jean-Daniel Paris. Comme attendu, une bonne partie des émissions proviennent de fuites dans le réseau de distribution du gaz. « Plus surprenant, nous avons également relevé des émissions provenant des égoûts et probablement de systèmes de chauffage privés. »

Les scientifiques ont ainsi détecté quatre-vingt-dix fuites potentielles à Paris. Vingt-sept d’entre elles ont été clairement identifiées et classées en trois catégories : les émissions du réseau de distribution de gaz naturel — qui s’étend sur environ 2 000 kilomètres — représentent 63 %, celles provenant du réseau d’égoûts 33 %, et du chauffage des bâtiments 4 %. Les scientifiques ont distingué deux foyers, dans le 16e arrondissement et dans la banlieue du sud-ouest de Paris.

Les égouts de Paris. Flickr/CC BYSA 2.0/ Salim Virji

Connaître les sources pour réduire les émissions

À partir de ces résultats, l’équipe de chercheurs estime qu’environ 190 tonnes de méthane sont émises chaque année à Paris, classant la capitale comme « ville avec des émissions moyennes de méthane » par rapport aux villes des États-Unis et d’Europe étudiées. « Ces chiffres sont probablement sous-évalués car nous n’avons pas traversé toutes les rues, nuance Jean-Daniel Paris. De plus, les fuites détectées dans les immeubles proviennent de chaudières en rez-de-chaussée ou dans des caves, que les capteurs pouvaient relever depuis la rue. Nous n’avons pas de données pour les étages supérieurs. »

Connaître les sources de méthane est un premier pas important pour lutter efficacement contre les émissions de gaz à effet de serre, indique l’étude. D’autant que le CH4 est souvent ignoré des politiques de lutte contre le changement climatique, même s’il est de plus en plus intégré aux plans d’action nationaux. « En ce qui concerne les canalisations, il faut investir pour augmenter le nombre d’actions de réparation. Du côté des égoûts, mieux entretenir les réseaux pourrait permettre de diminuer la présence de matière organique qui, en se décomposant, produit du méthane. Et pour les chaudières privées, il faut s’assurer que les équipements soient assez modernes pour ne pas fuiter. »

Si aucune mesure n’est prise, les émissions de méthane dues aux activités humaines devraient continuer de progresser pendant le reste du siècle, et augmenter de 70 % ou plus d’ici 2100, pour un total mondial dépassant 600 millions de tonnes métriques par an. Or, une étude de l’Environmental Defense Fund publiée en avril 2021 indique que, grâce à un large éventail de solutions déjà existantes, il est possible de réduire de moitié les émissions de CH4 prévues pour 2030. La plupart, environ 60 %, sont peu coûteuses et la moitié ont un « coût négatif », ce qui signifie que les entreprises gagneront de l’argent en prenant des mesures.

La Climate and Clean Air Coalition des Nations unies avait déjà évoqué l’intérêt d’agir sur les émissions de méthane : leur atténuation rapide grâce aux leviers déjà disponibles permettrait de réduire le réchauffement de 0,3 °C à l’horizon 2040. En diminuant les émissions mondiales de méthane jusqu’à 45 % d’ici à 2030 et donc le réchauffement qui lui serait imputable, l’Union européenne pourrait en outre éviter 22 689 morts prématurées dues à l’ozone par an et 1,4 million de tonnes de pertes de récoltes annuelles.

 

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