« Objectif couleurs » est un projet unique en France. Depuis quatre ans, les Brestois sont autorisés à repeindre leurs façades dans des teintes vives.

[Brest métropole, 8 communes, 210 000 hab., Finistère] Tout est parti du quartier Loucheur, en face de la fac de médecine. C’est là que les premiers frondeurs ont pris leurs pinceaux et ­déclaré la guerre à la monochromie ambiante. Les façades ont été bombardées : du mauve, du bleu ciel ou azuré, du jaune écru, du vert amande, du rose pâle ou du rouge vif… sur les murs, les portes, et même sur les rambardes des fenêtres.

Tout y est passé. Sans aucune autorisation de la mairie, les habitants se sont emparés de la rue et ont remporté une première bataille contre la pâleur des faubourgs héritée de l’après-guerre. C’était au début des années 2000. Depuis, la couleur s’est propagée comme une traînée de poudre dans les rues de Brest. Et l’acte de piraterie s’est transformé en acte institutionnel. « Nous avons d’abord laissé faire parce qu’il y avait un vrai gain qualitatif. Puis, plutôt que de laisser ça à l’état sauvage, on a entamé une réflexion sur la ville en couleur », raconte Tifenn Quiguer, vice-présidente de Brest métropole, chargée de l’urbanisme. Ainsi est né, en 2018, le projet « objectif couleurs ».

Coloration des façades

La métropole offre une subvention équivalente à 30 % du coût des travaux aux candidats à la coloration. Seuls critères d’éligibilité : appliquer des teintes vives (exit le gris et le blanc cassé) et être au minimum deux propriétaires dans une même rue à postuler pour que la coloration des façades produise un effet visible dans le quartier. Avec une prime de 100 euros si vous arrivez à convaincre votre voisin immédiat.

Car, au-delà de la simple question urbaine, le projet vise à valoriser le « vivre-ensemble », tient à souligner Hélène Magueur, chargée de mission et responsable du projet. Les teintes sont choisies en concertation avec les voisins et une architecte coloriste.

« Cela permet d’habituer les habitants à être partie prenante de l’évolution positive de leur cadre de vie, explique-t-elle. Il y avait aussi un véritable enjeu pour casser la réputation de Brest comme une ville grise. C’est quelque chose qui a beaucoup marqué les esprits ici. »

Tourisme urbain

« L’objectif de départ était d’améliorer le cadre de vie, mais l’office du tourisme nous a ­rapporté que le quartier Loucheur, par exemple, était devenu un lieu attractif pour le tourisme urbain, s’étonne même Tifenn Quiguer. Ce n’était pas prévu, mais tant mieux ! Ça fait venir beaucoup de gens de l’extérieur. »

L’enthousiasme perdure. Chaque année, la métropole reçoit près de 30 dossiers. En quatre ans, 105 façades – des maisons, des officines et quelques immeubles – ont ainsi repris des couleurs. L’engouement est tel que le budget annuel de 35 000 euros devrait doubler en 2022 pour répondre à la demande. « Le dispositif n’est pas valable que pour Brest, mais les autres communes de la métropole n’en ont pas toujours conscience, alors on va essayer de communiquer en ce sens pour les y inclure », indique également Hélène Magueur. A sa connaissance, Brest est la seule ville en France à utiliser un tel dispositif pour inciter ses habitants à égayer leurs façades.

Contact : Tifenn Quiguer, vice-présidente chargée de l’urbanisme, 02.98.33.50.29.

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FOCUS


« Le choix des teintes dépend du style architectural du bâtiment »

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Anne Petit, architecte coloriste

« Cela fait plus de deux ans que je travaille sur le projet “objectif couleurs“ et je remarque un bel enthousiasme de la part des riverains. Le choix des teintes va dépendre en grande partie du style ­architectural du bâtiment.

Les maisons qui datent des années 30 se prêtent bien aux couleurs vives, par exemple, au contraire des bâtiments d’après-guerre dont les façades doivent rester dans des tons blancs ou gris perle. Dans ce cas, on appose la couleur sur les détails, comme les appuis de fenêtre ou les bandeaux. On essaye de garder les mêmes gammes de couleur sur toute la rue. Ce n’est pas qu’un projet individuel : on fait collectivement de la ville un espace plus agréable pour tout le monde. ».


 

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