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Gauche 2022 : le grand embouteillagedossierLes candidats de gauche réunissent, à eux tous, moins de 30% des intentions de vote dans les derniers sondages de la présidentielle. 

Le candidat de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, à Paris, le 24 septembre. (Thomas Coex/AFP)

par Elsa de La Roche Saint-Andrépublié sur Libération

Vous nous interrogez sur le faible score de la gauche dans l’un des derniers sondages (celui de Harris Interactive pour le magazine Challenges, de mercredi) publié en vue de la prochaine présidentielle. Alors qu’Emmanuel Macron pointe à 24% des intentions de vote, Eric Zemmour, pas encore officiellement déclaré candidat, glane 17% des intentions de vote devant Marine Le Pen (15%) et Xavier Bertrand (13%). Premier candidat «de gauche», Jean-Luc Mélenchon atteint 11%.

Certains commentateurs se sont émus du score alarmant réalisé par les gauches françaises, dont les candidats, tous ensemble, cumulent seulement 29% des intentions de vote. A noter que, pour répondre à votre question, nous classons ici comme «candidats de la gauche» tous ceux dont les partis ont, historiquement, toujours été classés de la gauche à l’extrême gauche de l’échiquier politique. Et ce, alors qu’aujourd’hui, définir ce qu’est «la» gauche est une tâche de moins en moins aisée, souligne le politologue Frédéric Sawicki : «On est amené aujourd’hui à agréger des candidats qui, certes, en sont issus, mais ne s’en réclament plus – comme Mélenchon ou Montebourg – ou s’en démarquent en mettant en avant l’identité écologiste.»https://flo.uri.sh/visualisation/7455333/embed?auto=1A Flourish chart

Déclin de longue date

Par comparaison, en octobre 2006, à six mois de la présidentielle 2007, la gauche naviguait, selon les enquêtes, entre 40 et 45% des voix. Le score de Ségolène Royal atteignant à lui seul le total des intentions de vote pour la gauche dans les sondages actuels. A six mois de l’élection de 2012, la gauche cumulait dans certaines enquêtes plus de 50% des intentions de vote. Pour autant, le marasme sondagier de la gauche aujourd’hui n’est pas totalement inédit. Il y a cinq ans, à l’automne 2016, s’il y avait encore un grand flou sur l’identité des futurs candidats, les sondages pour l’élection présidentielle de 2017 faisaient aussi apparaître une gauche en difficulté, et ce dans la totalité des configurations testées (on évoquait alors encore Sarkozy, Juppé ou Hollande, et Macron, pas encore candidat, n’était qu’une hypothèse). Dans deux enquêtes réalisées en octobre 2016 par les instituts BVA et Ifop, les candidats de gauche, déjà emmenés par Jean-Luc Mélenchon, cumulaient seulement entre 27 et 32% des suffrages. Soit un score proche de celui qui est aujourd’hui mesuré par les sondages.

Si l’on se concentre uniquement sur les scores globaux mesurés par les sondeurs, l’état de la gauche n’est «pas pire» que ce qu’il était en amont des présidentielles de 2017, constate le politologue Rémi Lefebvre. «Mais on est sur un niveau très bas, qui représente une baisse de plus de dix points par rapport aux sondages sortis à la même période pour la présidentielle de 2012.» Et la dispersion de la gauche va crescendo : «Il n’y a jamais eu autant de candidats» à ce stade de la campagne, tranche le professeur de sciences politiques à l’université de Lille 2.

Vote «utile»

La gauche «n’a jamais été aussi faible et divisée», renchérit Pascal Perrineau, récemment interrogé à ce sujet par l’Obs. Et le politologue d’évoquer un problème structurel, lié au fait que désormais «même pour ses électeurs, la gauche ne peut pas gagner» et ils ont donc «intériorisé la défaite». D’autant plus que la gauche ne représenterait plus actuellement qu’un «électorat restreint» 13% seulement des électeurs se plaçaient à gauche sur l’échiquier politique en juillet 2020 (contrer 32% au centre et 39% à droite), dans une enquête de l’Ifop sur l’auto-positionnement politique des Français, ce qui représente tout de même dix points de moins qu’en 2017.

Rémi Lefebvre voit dans la «droitisation du débat public» une énième cause de la «rétractation de l’électorat de gauche» «Les débats n’ont jamais autant porté sur des thèmes de droite». Ainsi, même les candidatures les plus médiatisées, comme celles de Mélenchon, Jadot ou Hidalgo, ne suffisent plus à «faire frémir les sondages», estime Pascal Perrineau. Les électeurs qui continuent de se reconnaître dans les idées de gauche intégrant «des stratégies de “vote utile” ou “vote négatif”», pointe Frédéric Sawicki.

Encore six mois avant l’élection

Rappelons que les sondages, a fortiori réalisés à six mois de l’échéance, ne sont pas des prédictions et se bornent à mesurer des intentions de vote à un moment donné. Une fragilité encore accrue par le fait que plusieurs candidats n’ont pas encore fait acte de candidature, ainsi que par la part particulièrement importante de personnes n’étant pas encore sûre d’aller voter (et dont les intentions de vote, comme expliqué dans cet article, ne sont pas – ou moins – prises en compte. «Ces sondages qui portent sur des candidats virtuels sont très peu prédictifs, note Frédéric Sawicki. Personne ne sait aujourd’hui qui sera le candidat des Républicains, si Zemmour va réellement se présenter, ni si tous les candidats déclarés vont se maintenir jusqu’au bout.»

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