Quand le confinement est peut-être une chance…
15 AVRIL 2020
Rédigé par Emmanuel de Reynal et publié depuis Overblog
Quand le confinement est peut-être une chance…
Le ciel est propre. Les particules qui, hier encore, assombrissaient les villes ont disparu. Les usines ne fument plus, les voitures ne roulent plus, les avions dorment sur le Tarmac, les bateaux restent au port. Le monde a mis ses machines à carbone sur pause. Il se remet enfin à respirer. Les forêts reverdissent, les eaux s’éclaircissent, les animaux lèvent la garde et s’aventurent dans les villes, les oiseaux volent à nouveau, les tortues viennent pondre sur les plages, les cygnes glissent sur les canaux de Venise, les étoiles réapparaissent dans la nuit, la lune est belle, l’air sent bon.

Le Covid-19 est venu freiner l’inexorable descente aux enfers de notre planète. Il y a à peine deux mois, nous étions aussi effrayés qu’impuissants face à l’imminence de notre perte. Nos forêts s’enflammaient, nos océans brûlaient d’acidité, notre biodiversité mourrait, notre oxygène s’en allait. Et nous continuions de foncer tête baissée dans le mur final, prisonniers d’une folle inertie, incapables de corriger le chemin.

Et si le Covid-19 était notre chance ? Et si le confinement forcé du monde pouvait lui redonner ses couleurs et lui permettre d’inventer les nouvelles règles de son futur ?

Le Covid-19 fait des milliers de morts. Il sauve aussi des milliers de vies. Étrange paradoxe. Les autres maladies contagieuses ne résistent pas aux nouveaux gestes barrière. Les accidents de la route ont disparu, les agressions de rues également. Et toutes les pathologies provoquées par la pollution atmosphérique reculent… Qui aurait pensé qu’un virus aussi mortel puisse améliorer des vies ?

Certains d’entre nous sortirons du confinement en meilleure santé physique. Mais nous en sortirons tous très affaiblis économiquement. Sur la planète, plus de trois milliards d’êtres humains auront cessé de travailler pendant des mois, des millions d’entreprises fermeront leurs portes, des secteurs entiers disparaitront. Les compagnies aériennes battront de l’aile, les industries suffoqueront, les activités touristiques s’effondreront emportant avec elles les hôtels, les restaurants, les bars, les artisans et mille autres métiers, les manifestations populaires s’arrêteront, les bourses dévisseront… le commerce reculera dans des frontières plus étroites.

En 2020 la France perdra 9 points de PIB ! Jamais depuis 1945 le pays n’aura connu une telle récession. Cette grande panne économique, inédite dans l’histoire du monde, coûtera cher. Très cher.

La France a fait le choix de s’endetter lourdement pour soutenir ses entreprises et les mettre sous tutelle respiratoire le temps du confinement. Elle vide ses fonds de tiroir pour compenser ses pertes d’activité et sauvegarder ses emplois. Elle hiberne des millions de salariés dans un vaste coma artificiel. Elle congèle son tissu économique pour l’empêcher de mourir. Son plan d’urgence lui coûtera plus de 110 milliards d’euros !

L’Europe mobilisera aussi des budgets considérables qu’elle injectera dans un vaste plan de sauvetage. Plus de 500 milliards d’euros ! Elle acceptera aussi de contribuer aux programmes de relance de ses membres ? Elle décidera sans doute de re-localiser sa production. La France aussi s’endettera pour rapatrier ses industries et financer son « New Deal ». Elle empruntera des milliards à ses enfants et à ses petits enfants afin de leur tracer de nouvelles perspectives, de leur dessiner un nouveau cap.

Et la Martinique dans tout ça ? Que deviendra-t-elle quand ses derniers moteurs seront éteints ? Quand ses activités économiques seront effondrées ? Quand ses touristes auront disparus ? Quand son chômage aura explosé et quand ses enfants auront choisi de tenter leur chance ailleurs ? Que deviendra-t-elle quand ses vieilles querelles reprendront, nourries par la crise ?

Le jour d’après viendra à son rythme. Il arrivera après une longue maturation des pensées, après de profondes réflexions sur nous-mêmes, sur nos forces, nos faiblesses, nos risques et nos chances. Quand il arrivera, serons-nous mieux armés pour construire notre avenir dans une Martinique redevenue attractive, consciente enfin de ses atouts, capable de relever fièrement ses grands défis ?

Son défi écologique d’une part, qui fera d’elle l’une des îles les plus vertueuses du monde, économe de ses ressources, autonome sur les plans énergétique et alimentaire, riche d’une formidable biodiversité créatrice de valeurs, championne de l’économie circulaire.

Son défi technologique aussi, qui lui permettra de réussir la révolution de l’Intelligence Artificielle en mettant les algorithmes au service du bien commun. Une Martinique de l’écologie intégrale, dont les habitants répondront à l’intelligence des machines par un surcroît d’empathie et de conscience humaine.

Le futur du monde dépend de ce que les hommes décideront aujourd’hui d’en faire. Puisse ce temps du confinement les inspirer. Puisse cette pause mondiale leur être utile. Puissent-ils projeter leur vision dans la bonne direction.

A quoi ressemblera demain ?

Il est peu probable que le jour d’après surgisse brusquement. Le déconfinement sera un long processus qui durera des mois, voire des années. Nous vivrons alors la peur au ventre, une peur bien installée qui changera nos comportements. Peut-être porterons-nous régulièrement des masques, peut-être cesserons-nous de nous embrasser et de nous serrer la main, peut-être éviterons-nous de nous regrouper inutilement ? Peut-être que les restaurants espaceront leurs tables, que les cinémas mettront plus de distances entre les spectateurs ? Peut-être que nous nous déplacerons moins, que le télétravail sera la norme ? Peut-être aurons-nous plus conscience de nos fragilités, peut-être serons-nous plus égoïstes, ou au contraire plus altruistes, peut-être serons-nous plus solidaires ? Peut-être serons-nous mieux installés dans le présent, mieux connectés à notre nature, plus sensibles à notre environnement ?

Nous serons différents. Pas plus intelligents, mais sans doute plus conscients. Et ce grand regain de conscience donne enfin de l’espoir à l’humanité ! A elle de faire maintenant les bons choix pour le jour d’après. A elle de décider où iront les milliards que mobiliseront les États : vers une économie du bien commun respectueuse de l’environnement et de la dignité humaine, ou vers l’emballement des vieilles pulsions de consommation ?

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