Par William Audureau pour Le Monde

Norvège, Mauricette, obstétricien en Floride… Notre guide pour faire le tri entre signalements officiels, rumeurs propagées par des groupes antivaccins et enquêtes en cours.


Selon l’agence des médicaments novégienne, les effets indésirables peuvent être fatals chez les plus âgés et vulnérables. Mais toutes les rumeurs de morts du vaccin ne sont pas vraies pour autant. POOL / REUTERS

Le vaccin contre le Covid-19 peut-il avoir des effets indésirables graves, au point de provoquer la mort ? Cette inquiétude médicale du début d’année 2021 prend une tournure politique, puisque sur les réseaux sociaux, nombre de groupes antivaccination offrent une caisse de résonance à des rumeurs anxiogènes qui ne correspondent pas à la réalité.

Le Monde a tenté de répertorier les messages qui circulent le plus depuis le lancement des campagnes de vaccination début décembre. Par principe, les situations décrites appellent à la plus grande vigilance. Il est difficile de prouver le lien entre une vaccination et un décès. A l’inverse, il est possible de mourir juste après avoir reçu une injection, sans que le vaccin soit en cause. Et cette situation sera d’autant plus fréquente que la vaccination se fait à grande échelle et/ou concerne en priorité des personnes déjà fragiles.

Le nombre de morts répertoriées à la suite d’un vaccin peut aussi dépendre des stratégies vaccinales de chaque pays : les personnes fragiles sont prioritaires en Europe de l’Ouest, alors que la Chine a privilégié les actifs ; Israël a déjà vacciné plus de 2 millions de personnes sur 9,2 millions d’habitants, ou les pays scandinaves ont une culture de la transparence très développée…

A l’inverse, l’activisme des antivaccins, qui n’hésitent parfois pas à reformuler des informations de manière à susciter la suspicion, relancer des rumeurs démenties, diffuser de fausses informations, voire truquer des vidéos, doivent inviter à la plus grande méfiance quand une mort est annoncée sur les réseaux sociaux.

CE QUI EST VRAI

  • Enquête sur 13 décès de personnes âgées fragiles en Norvège

Le Statens legemiddelverk, l’agence norvégienne des médicaments, a annoncé le 15 janvier avoir relevé « 23 décès associés à une vaccination contre le Covid-19 » (33 depuis), dont 13 ont fait l’objet d’une évaluation approfondie. Selon le médecin en chef de l’agence, Sigurd Hortemo, « les rapports suggèrent que les effets indésirables habituels des vaccins à ARN messager, comme la fièvre et la nausée, ont pu contribuer au décès de certains patients fragiles ».

Le site de vérification norvégien Faktisk précise que les 13 personnes décédées étaient très âgées (80 ans minimum, voire plus de 90 ans) avec de lourds antécédents médicaux (atteintes cardiaques, pulmonaires, etc.). Le lien de causalité entre le vaccin et leur mort n’a pas encore été établi.

Au moment où a été réalisé ce constat, 42 000 personnes avaient été vaccinées en Norvège, essentiellement la population jugée exposée ou fragile, comme les personnes âgées. Le Statens legemiddelverk relève que les études menées par BioNTech et Pfizer comptaient peu de personnes gravement malades ou de plus de 85 ans, mais qu’il s’agit néanmoins d’une population chez qui la mortalité est naturellement élevée. En moyenne, 400 personnes meurent chaque semaine dans les maisons de retraite norvégiennes.

CE QUE L’ON NE SAIT PAS

  • Une enquête ouverte après la mort d’un médecin américain

Trois jours après avoir reçu une injection, Gregory Michael, un gynécologue et obstétricien de 56 ans résidant en Floride, a développé une forme grave de purpura thrombopénique immunologique, une maladie sanguine parfois observée sous une forme bénigne après certaines vaccinations, notamment celle contre la rougeole, les oreillons et la rubéole. Il est décédé d’une hémorragie cérébrale le 4 janvier, seize jours après sa vaccination. Les agences de santé locale et fédérale, ainsi que le fabricant Pfizer, ont ouvert une enquête, relate le New York Times. A l’heure où nous écrivons, les conclusions ne sont pas connues. Le Dr Michael n’avait pas d’antécédents médicaux. Une réaction rare au vaccin n’est pas exclue.

CE QUI DOIT ÊTRE PRIS AVEC PRUDENCE

  • La crise cardiaque d’un Israélien pas forcément liée au vaccin

En Israël, un homme de 75 ans est mort seulement deux heures après avoir reçu le vaccin Pfizer, rapportait Israel National News le 28 décembre. « Les premiers éléments de l’enquête ne montrent pas de lien entre la mort de cet homme et la vaccination », selon Chezy Levy, directeur général du ministère de la santé, cité par The Jerusalem Post. Selon l’enquête du ministère de la santé israélien, cet homme était resté sous observation durant les deux premières heures et ne présentait aucun signe d’effet secondaire. C’est une fois reparti chez lui qu’il a été victime d’une crise cardiaque fatale. Le patient était fragile du cœur et avait déjà fait d’autres arrêts cardiaques. Ce cas pose néanmoins la question des effets possibles du vaccin sur les personnes ayant des antécédents médicaux.

CE QUI EST FAUX

  • Non, il n’y a pas eu 50 morts du vaccin dans les Alpes-Maritimes

Sur Twitter, des comptes antivaccins diffusaient lundi 18 janvier la rumeur selon laquelle le vaccin aurait tué 50 personnes âgées dans les Alpes-Maritimes. En guise de preuve, ils brandissent la « une » de Nice-Matin du 17 janvier, intitulée « Hécatombe dans les Ehpad ». Il s’agit d’une tentative grossière de désinformation : l’article disponible en ligne précise que ces personnes sont mortes du Covid-19, et non pas des conséquences de la vaccination.

  • Mauricette, la première vaccinée de France, n’est pas morte

Le 27 décembre, une dame âgée nommée Mauricette a été la première Française à recevoir une dose du vaccin Pfizer-BioNTech, à Sevran (Seine-Saint-Denis). Le week-end du 16 au 17 janvier, de nombreux comptes antivaccination ont diffusé la rumeur selon laquelle cette retraitée âgée de 78 ans serait morte depuis. Il s’agit d’« une “fake news” pitoyable », résume sur France Bleu Stéphane Blanchet, maire de la ville. Cette fausse information a initialement été publiée par un compte Twitter, qui a reconnu la supercherie, avant de disparaître, explique Libération.

  • Il n’y a aucune preuve que l’infirmière Tiffany Dover soit morte

L’infirmière Tiffany Dover est célèbre dans la sphère des antivaccins depuis qu’elle s’est évanouie en direct, le 17 décembre, alors qu’elle recevait une dose de vaccin. Depuis, les opposants les plus déterminés à la vaccination font courir le bruit qu’elle est morte, ou exigent des preuves du contraire. Dès le 18 décembre, pourtant, Tiffany Dover expliquait à la télévision locale qu’il lui arrivait régulièrement de faire des malaises vagaux, la faute à une très faible tolérance à la

Les rumeurs ont pourtant continué. L’hôpital CHI Memorial, dans le Tennessee, a confirmé à plusieurs reprises qu’elle allait bien, par Tweet le 19 décembre, puis en vidéo le 21 décembre, ou encore dans une déclaration à l’agence de presse Reuters le 28 décembre. Le 29 décembre, la chaîne WRCB publiait un nouveau reportage, dans lequel la jeune femme apparaissait en bonne santé, quoique effrayée par les rumeurs persistantes sur sa mort. L’hôpital explique par ailleurs recevoir des sollicitations du monde entier, et déclare qu’elle ne souhaite plus accorder d’interviews.

Mais les rumeurs ont persisté. Avec, à l’appui, de fausses preuves de décès, réalisées via des bases de données généalogiques en ligne, lesquelles peuvent être modifiées par les internautes et n’ont aucune valeur officielle, rappelle Reuters. Rien qui semble pouvoir mettre fin aux fausses informations sur sa mort. Depuis, le CHI Memorial a limité l’accès à ses pages

  • La mort d’une infirmière portugaise n’est pas liée au vaccin

Deux jours après avoir reçu une dose du vaccin Pfizer-BioNTech, Sonia Azevedo, une infirmière portugaise, décède. L’information est reprise par un tabloïd indien, World in One News, dont l’article est relayé dans la sphère antivaccin. Mais l’autopsie médico-légale n’a montré « aucune relation entre le décès et le vaccin », rapporte le Correio da Manha, citant le ministère de la justice portugais. La cause de sa mort, couverte par le secret judiciaire, n’a pas été rendue publique

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