Marie Adémar, figure de proue de la pêche en Martinique, était présente à la dernière réunion du comité de pilotage relatif à l’invasion des algues sargasses, au Conseil régional. L’occasion de parler des répercussions du phénomène sur le secteur, bien-sûr, mais aussi des échéances à venir quant à la présidence du comité régional des pêches. Avec le franc-parler qui la caractérise…

Marie Adémar.

Marie Adémar : On n’a pas encore une totale répercussion remontée par les professionnels. Au François ces algues décapent les moteurs. Le moteur lâche une ‘eau’ blanche, qui ressemble à du lait. L’épaisseur de la masse d’algues qui arrive – en haute mer, où les pécheurs pêchent avec des casiers –, et bien ils ne pouvaient pas soulever les casiers, parce qu’il y avait une épaisseur d’algues tellement élevée sur ces casiers et le cordage, qu’ils n’avaient pas la force de le faire. Les marins-pécheurs qui prennent le risque d’accélérer les moteurs pour sortir de cette masse d’algues, risquent par la suite de voir leurs moteurs abimés. Parce que, quand l’hélice broie les algues, des particules entrent dans le système de refroidissement du moteur.

René ADEMAR, PSDT du Comité des pêches… (Photo Mile Irasque)

Vous aviez alerté les médias sur la situation des marins pêcheurs près d’un hôtel du Diamant. Quelle est la situation aujourd’hui ?

Après cinq jours, les algues ont plongé. Elles sont descendues en profondeur. On a monté un socle de filet, avec du fil, du grillage, du treillis soudé et du cordage, pour pouvoir tirer ces algues descendues en profondeur. Une fois qu’on les a tirées à terre, ça sent énormément et ça pique. Et à ce moment-là la température de l’eau est très chaude, on peut y cuire un œuf. C’est un phénomène nouveau. J’ai une soixantaine d’années, je n’ai jamais connu ça. Ces algues ont des petits ‘grains’, et les feuilles sont plus petites que celles qu’on avait l’habitude de rencontrer sur l’eau.

On est parti pour une longue période avant d’en être débarrassé selon vous ?

Oui, les îles à côté en ont. Quelqu’un m’a dit que c’est tellement épais dans le canal de Sainte-Lucie.

Aujourd’hui on a parlé de rejeter ces algues en mer. C’est prendre un risque non ?

Les rejeter en mer, il y a un risque. Mais il faudra les prendre avec les moyens humains, et les ramener à terre. Et aussi les transformer, pourquoi pas ?

Cette problématique est une difficulté de plus pour un secteur déjà fragile.

C’est encore une difficulté, puisque les pécheurs ne peuvent pas sortir. Ca entoure les bateaux en mer. Quand le marin pêcheur va à la traîne par exemple, en dessous des DCP (dispositif de concentration de poissons, ndr), les algues sont sur les lignes et l’empêche de pécher.

Le secteur de la pêche en Martinique est confronté à un certain nombre de difficultés. Y a t’il une difficulté majeure ? Si oui quelle est-elle ?

La difficulté majeure, c’est que le marin pêcheur ne puisse pas travailler. Dans les entreprises on met les gens en chômage technique. Si ça continue comme cela, d’ici 2-3 mois le marin pêcheur est en chômage technique.

L’élection à la présidence du comité régional des pêches aura lieu en 2012, dans quelques mois. Votre mari, René Adémar, en est l’actuel président. Le couple Adémar sera-t-il présent à cette échéance ?

(Sourire) Oui nous serons là. Nous avons un syndicat, pourquoi ne pas être là ?

Ces temps-ci on a entendu pas mal de critiques sur les dirigeants du comité. Comment réagissez-vous à cela ?

Comme avait dit Sarkozy, et tout le monde était contrarié, je ne réponds pas aux racailles, qui, quand les élections arrivent, pointent leur nez dehors. Nous, nous sommes toujours sur le terrain, avec la profession, à essayer de régler, si on peut le faire, les difficultés qu’on peut régler, ou alors à essayer d’accompagner les marins pêcheurs dans les difficultés qu’ils rencontrent.

J’imagine que ça a dû peut-être vous agacer…

Non non, vous n’avez pas vu qu’on n’a pas répondu ?

C’est volontaire ?

Oui, c’est un choix. Comment pouvez-vous défendre la profession de marin pêcheur, ne pas agir durant trois ans, ne rien faire, et puis, juste au moment des élections, apparaître ?

De qui parlez-vous là ?

C’est le syndicat SAPEM (Syndicat des artisans pêcheurs et éleveurs marins, ndr). A chaque fois que les élections arrivent ils débarquent. C’est un syndicat qui a cinq personnes qui siègent au niveau du comité régional des pêches, c’est la raison pour laquelle nous n’avons pas répondu. Alors quand il (le Sapem, ndr) dit ‘le comité n’a rien fait’, ses membres n’ont rien fait non plus. Il faut qu’ils disent à la population quel est le budget du comité, quels sont les moyens dont il dispose pour fonctionner et défendre les intérêts de la profession. C’est ce qu’ils doivent dire.

Et quand René Adémar – et peut-être vous-même – êtes « accusés » par certains marins pêcheurs de ne pas être assez ouverts aux idées nouvelles, à la nouvelle génération etc. ?

Les gens ont besoin d’avoir du poids auprès des marins pêcheurs pour avoir des membres qui siègent, ils sortent du n’importe quoi. Je ne veux pas polluer mon esprit avec ce genre de choses. La population voit qui défend la profession, et qui ne la défend pas, qui supporte la profession, et qui ne le fait pas. C’est nous qui sommes à côté des professionnels.

Propos recueillis par Mike Irasque

 

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