Qui va payer la dette ? Crédits : Richard Villalon BELPRESS/MAXPPPMaxppp

source : France Culture.fr

“Huit mois après le début de la crise, le Covid-19 a coûté quelque 86 milliards d’euros aux finances publiques. La dette publique a explosé, bien au-delà du seuil symbolique des 100 % du PIB, et le déficit a plongé”. Voici les mots que l’on peut lire dans une chronique dans Le monde, écrite par Audrey Tonnelier.

Cette question du “qui paiera” sera “un enjeu majeur” écrit-elle “dans l’optique de la campagne présidentielle de 2022”.

Est-ce une mauvaise chose d’avoir laissé filer les déficits ? Avait-on le choix ?

Sans doute pas, car même dans Le Point, journal qui ne défend généralement vraiment pas le laisser aller des comptes publics, Julien Damon, professeur associé à Science Po, constate que c’est cela qui a empêché le pays de sombrer. “Jusqu’ici tout ne va pas trop mal”, dit-il. “Le chômage, celui des jeunes actifs en particulier, est contenu. En tant qu’amortisseur social, la protection sociale française joue pleinement son rôle. Reste un avenir fait d’incetitudes et d’inquiétude, pour le dire diplomatiquement, sur l’équilibre des finances publiques”.

Alors la petite musique monte ici et là. Et si la dette était purement et simplement annulée ?

Les Italiens sont nombreux à l’espérer. Est-ce une hypothèse absurde ?

Pour Mathias Thépot dans Marianne il n’est pas du tout interdit d’y réfléchir. “L’annulation de la dette de la France à la BCE semble même être la solution la plus réaliste face à la crise économique actuelle”.

Il y a bien sûr un argument massue contre cette idée, on le connaît : quand on nous prête de l’argent il faut rembourser, sinon on n’a plus aucune crédibilité tout simplement.  Pour Mathias Thépot justement les choses en l’espèce sont différentes.  “Il n’est pas ici question, écrit-il, de faire défaut auprès de créanciers privés ou publics, mais bien auprès de la banque centrale. Ce qui change tout : il n’y a pas de risque financier qui pèse sur elle, car la BCE crée la monnaie et n’a pas de prêts à rembourser sur le dos”.

Mais cette vision n’est pas partagée au sommet de l’Etat Français.

Une commission d’experts a été chargée par le premier ministre de réfléchir « à l’avenir des finances publiques ». Et celui qui la préside, Jean Arthuis, est très clair. Voici ce qu’il dit dans une interview dans La Croix.

“Comment croire que l’on peut continuer à creuser sans cesse une dette sans perdre toute crédibilité ? Il faut être lucide et responsable, arrêter de se raconter des histoires. Je note toutefois, poursuit-il, que ce débat sur le remboursement s’avère assez particulier à la France et existe bien moins dans d’autres pays”.

Si l’on regarde effectivement par exemple chez nos voisins Allemands, on est plutôt effectivement sur la même ligne que Jean Arthuis.

Ce mercredi la radio DeutschlandFunk interviewait Eckhardt Rehberg, porte-parole à la Commission des Finances de la CDU, le parti conservateur d’Angela Merkel.

On est à l’opposé du fameux quoi qu’il en coûte d’Emmanuel Macron.  “L’État ne pourra pas tout faire dit-il. Nous avons encore le défi de financer, par exemple, les hôpitaux, les lits de soins intensifs, la fourniture du vaccin.  Nous ne pouvons pas dépenser l’argent maintenant à pleines mains. Nos enfants et petits-enfants doivent le rembourser”.

Si l’on en a envie malgré tout de garder espoir en cette possibilité de ne pas rembourser la dette, on pourra toujours lire cet article de Slate, qui est paru il y a déjà quelques semaines, intitulé Ce qu’il se passe quand on annule la dette d’un pays.

Parce qu’il y a évidemment des exemples de dettes partiellement annulées dans l’Histoire. Cela s’est passé en France en 1795. Plus récemment, l’Allemagne également n’a plusieurs fois pas remboursé ses dettes, en 1931, en 1953. Ces pays ne se sont pas effondrés pour autant.  “Nombre d’économistes s’accordent à dire que les défauts de paiement devraient se multiplier en raison de la crise sanitaire”, lit-on dans Slate toujours, mais pour autant il est difficile de prédire l’avenir, de dire “si les annulations deviendront monnaie courante”. Pourquoi ? Parce que selon le professeur d’économie Hubert Kempf “Nous sommes face à une situation inédite, où tous les pays du monde s’endettent exactement au même moment et exactement pour la même raison”.

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