Des taux trois fois supérieurs à la moyenne nationale, sur fond de précarité, d’isolement et de sous-déclaration massive
Les chiffres récents confirment que la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane présentent des niveaux de violences conjugales nettement supérieurs à la moyenne nationale. Selon les données du Service statistique ministériel de la Sécurité intérieure (SSMSI) publiées le 23 octobre 2025, la Guadeloupe et la Martinique figurent toutes deux dans le top 10 des départements français les plus touchés en 2024.
En Guadeloupe, le taux atteint 13,3 victimes pour 1 000 habitants, et en Martinique 12,7 pour 1 000, soit plus de trois fois la moyenne nationale (environ 4 pour 1 000). Les Antilles se situent à des niveaux comparables à ceux observés dans la Seine-Maritime ou le Var. Ces taux sont restés stables par rapport à 2023, avec une légère hausse du nombre de plaintes (+0,4 %).
En Guyane, le taux s’élève à 13,9 victimes pour 1 000 habitants selon le Conseil économique, social et environnemental (CESE) pour 2022, en progression par rapport à 2021 (12,7). Cela place le territoire au même niveau que La Réunion, et bien au-dessus de la moyenne métropolitaine.

Des femmes jeunes et sous-représentées dans les plaintes
Les femmes représentent 84 % des victimes dans les départements d’outre-mer. Trois quarts d’entre elles ont entre 20 et 45 ans, et environ deux tiers subissent des violences physiques. Cependant, seule une victime sur six porte plainte, signe d’une sous-déclaration massive et d’une peur persistante d’être stigmatisée ou de ne pas être crue.
Insularité, précarité et culture patriarcale : un terrain propice
Les experts identifient plusieurs facteurs aggravants : l’insularité, la précarité économique, l’isolement géographique et social des victimes, ainsi que la persistance d’une culture patriarcale où la domination masculine reste profondément enracinée. La consommation d’alcool et de drogues, plus fréquente dans certains contextes ultramarins, accentue encore les tensions domestiques.

Une urgence sociale malgré les efforts de prévention
Ces données illustrent une réalité persistante : les territoires ultramarins demeurent beaucoup plus exposés aux violences conjugales que la moyenne hexagonale. Et ce, malgré la multiplication des dispositifs de prévention, des lignes d’écoute et des structures d’hébergement. En Guadeloupe et en Martinique, les associations locales dénoncent le manque de moyens pour accompagner les victimes, tandis que la Guyane souligne la nécessité d’un réseau institutionnel plus coordonné entre gendarmerie, justice et santé.
Les chiffres confirment une évidence : sans un engagement durable de l’État et des collectivités locales, la lutte contre les violences conjugales dans les Outre-mer restera une promesse inachevée.
Jean-Paul BLOIS



