Cela fera la 2e fois qu’un “dialogue”, certes rude, mais dialogue tout de même, s’institue entre Y-L Monthieux et Raphaël Confiant. Cette fois-ci, le débat s’engage autour de la question du sens et des perspectives ouvertes (ou fermées, c’est selon) suite aux votes des Martiniquais en 2010. Confiant  voit que “le Martiniquais se sait désormais martiniquais”.  Monthieux avait  souligné auparavant  lui les “inconséquences locales et du caractère schizophrénique souvent attribué au « peuple » martiniquais.”  Dans ce contexte, YL Monthieux réplique au dernnier point de vue de Confiant…

Ceci dit, la discussion est ouverte à tous. Et certains hommes de droite, tels Miguel LAventure, ou ses amis du FMP, sérieusement secoués par le dernier point de vue de…YL Monthieux, ou d’autres hommes de gauche, comme les deux du PALIMA, dont les analyses restent confinées sans débats à leur lectorat pourraient animer, pour le plus grand bien de nos lecteurs, ces échanges rudes mais utiles…

Le voici…

Le totalitarisme par la dictature des mots

Ainsi, Raphaël Confiant décrit les Martiniquais comme un peuple qui a pris conscience de son identité et de sa fierté, tout en mettant en évidence son attachement à la politique alimentaire : deux assertions qui se contredisent. Si séduisant soit-il, l’exemple de la femme mariée qui n’aime plus son mari mais qui le garde pour des raisons économiques répond moins bien à la réalité politique martiniquaise que celui de l’enfant qui veut quitter ses parents à quinze ans …pour les retrouver à vingt-cinq, le temps de sa turbulence juvénile. Pourvu que, dans l’intervalle, l’irréparable ne survienne pas, l’amour entre le parent et l’enfant prend toujours le dessus. Dans un cas il y a rupture, dans l’autre cas une prise de distance passagère. La fragile référence conjugale de Raphaël Confiant met au-dessus de tout le rapport d’égalité : l’égalité entre mari et femme rappellerait l’égalité donc entre deux « pays », tandis que le rapport vertical entre parent et enfant évoquerait la dépendance d’un pays à un autre. L’horreur !

C’est l’éternelle opposition entre le désir et la réalité.

L’écrivain a su bien évidemment dégager l’idée principale de mon papier qui fait apparaître l’existence d’une manière de totalitarisme par la dictature des mots. Mais il ne contredit pas mon argumentation, il en renforce la justesse, si l’on peut dire.

Oui, semble-t-il admettre, le phénomène décrit existe, mais c’est bien ainsi. Car le vocabulaire instillé aux Martiniquais serait la traduction de la réalité du terrain et la reconnaissance de l’existant. Or je crois que, selon le processus inverse, l’apparition des vocables qu’affectionne Raphaël Confiant le sont à des fins de formatage des cerveaux : ils précèdent et préparent un à-venir. Contrairement à ce qu’il semble affirmer, ces mots ne viennent pas d’en bas mais d’en haut, ils n’émergent pas des sentiments du peuple mais sont instrumentalisés pour forger ces sentiments. Ainsi, faute de pouvoir conduire les Martiniquais à une décision volontaire (ce qui désole l’écrivain, selon son propre aveu), on les endort en leur jouant la berceuse des mots doux à l’oreille. A cet égard, il faut bien reconnaître que la victoire des mots est sans doute la principale conquête de la gauche autonomiste et indépendantiste et peut-être, répétons-le, la plus décisive.

Il n’est pas dit que l’absence de patriotisme en France continentale soit tellement plus importante que celle du patriotisme en terre française d’outre-mer. (Tiens, les Martiniquais ont, sans maugréer, vu fêter hier à Paris le « patriotisme insulaire » de leurs « dissidents »). Par ailleurs, en dépit de postures convenues, je ne vois pas dans le fonctionnement quotidien de notre « peuple » l’annonce d’un fort patriotisme martiniquais. Cela dit, les Martiniquais se sont toujours sentis martiniquais, ils le seront toujours, et ce sentiment ne peut pas être mesuré.

L’indépendance des îles voisines de la Caraïbe, censée leur permettre d’affermir leur identité, a plutôt conduit à la disparition de leurs particularismes et hâté leur américanisation. Si ce n’est pas retourner dans le giron du colonisateur, une fois la parenthèse juvénile terminée, une fois l’éphémère période d’Odlum ou de Bischop écoulée, ça y ressemble beaucoup. Bientôt on ne parlera plus le créole qu’en Martinique et en Guadeloupe, vraisemblablement jusqu’au jour où nous aurons l’obligation de parler anglo-saxon. Nous serons alors caribéens.

Quant au conseil donné à la droite par Raphaël Confiant, cette notion m’a toujours paru inappropriée à la Martinique. Elle n’a jamais eu, selon moi, de vraie signification en dehors de la problématique institutionnelle née de l’apparition des idées autonomistes et indépendantistes. D’ailleurs, l’écrivain le sait, même dans ce domaine il est difficile de distinguer vraiment la droite de la gauche.

Yves-Léopold Monthieux, le 15 juillet 2011

 

 

 

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