Y-L Monthieux et Antilla (Henri PIED) livrent ici leur analyse de la décision du Préfet de la Martinique d’autoriser – pour 6 mois – le traitement par épandage de la cercosporioise de la banane. Le texte d’Antilla a été produit suite au commentaire de YL Monthieux car celui-ci  comporte, à notre avis (Henri PIED/Antilla), deux points interressants à discuter. Les 2 textes, autrement,  sont indépendants l’un de l’autre…

Le Prefet de la Martinique, le 11 novembre 2011 : "L'autorité de l'Etat…" (Photo Mike Irasque)

 

LE COMMENTAIRE DE YL MONTHIEUX

Banane : les leçons d’une éruption

Le préfet a pris sa décision, c’est une éruption de plus qui prend fin. En effet, ce n’est pas la première fois que l’opinion est entraînée dans un débat où le choix demandé est le pour et le contre, le noir et le blanc, le tout bon et le tout mauvais. Cette façon binaire de considérer les choses peut se comprendre de la part des citoyens qui enregistrent les informations au premier degré, dans l’acception émotionnelle du terme. En l’espèce, les Martiniquais ont été fort justement interpellés par un sursis qui rappelle le précédent du chloredecone. On ne doit pas non plus s’étonner que des écologistes fassent feu de tout bois et traquent tout ce qui peut ressembler à une atteinte à la nature. En revanche, on aurait peine à trouver quelque vertu à certaines positions d’hommes politiques ayant détenu des positions majeures qui, au lieu d’éclairer l’opinion, entretiennent le trouble dans les esprits.

Ainsi donc, entre le refus sans discernement du conseil général et le « non mais » du conseil régional, le représentant du gouvernement a choisi la seconde proposition. Ce faisant la primauté de la collectivité régionale à l’égard de sa consoeur est une fois de plus consacrée.  Dès lors, la distinction qui vient d’être accordée au conseil général de la Martinique, qui honore en réalité l’ancienne équipe dirigée par Claude Lise, apparaît comme le chant du cygne de cette institution. Celle-ci n’a pas, à ma connaissance, manifesté la moindre irritation à la suite du vote de la région et de la décision du Préfet, lesquels constituent pourtant deux cinglants désaveux.
Par ailleurs, il n’est pas contestable que si la réponse de la Région avait été négative, il aurait été très difficile au préfet de repousser la date d’effet de l’interdiction de l’épandage aérien. En adoptant cette décision médiane la collectivité a enlevé une épine du pied du représentant de l’Etat en même temps qu’elle a manifesté, là encore, une certaine prépotence de fait à l’égard de ce dernier.

Notons également que le représentant des planteurs avait prévenu que sans l’accord des élus régionaux la profession mettrait fin à la méthode litigieuse quelle que soit la décision préfectorale. C’est, là aussi, la reconnaissance de la vraie domiciliation du pouvoir politique. Après l’appel des chefs d’entreprises, c’est la seconde fois, en un mois, que cette reconnaissance est affirmée, qu’il est donc clairement admis que le pouvoir politique est bien situé à Plateau-Roy. Ce pouvoir est aujourd’hui incarné par un homme : Serge Letchimy.

Alfred Marie-Jeanne a sans aucun doute participé au renforcement de ce pouvoir, mais c’était très souvent affaire de démonstration et de préséance : le verbe et le geste l’emportaient souvent. En revanche, la décision de Serge Letchimy, qui est moins expansif que son prédécesseur, peut être considérée comme celles qui accordent généralement un supplément politique à leurs titulaires. Ce bonus permet à ces derniers de prendre des mesures à rebrousse-poil de l’opinion publique, celles qui privilégient l’intérêt général par rapport aux intérêts électoraux immédiats. Ce comportement de Serge Letchimy, inhabituel chez nos hommes politiques, vient amender une approche beaucoup plus politicienne et, à mon sens, beaucoup moins vertueuse de la gestion des hommes.

Enfin, faut-il déplorer, à l’occasion, que l’ancien président de la Région, l’homme le plus populaire de ces dernières années, le séducteur qui trouvait le ton nécessaire pour faire admettre aux martiniquais à peu près ce qu’il voulait, n’ait pas mis son immense charisme au service de la formation des esprits à la vraie responsabilité ? La décision de l’actuel président serait-elle une petite indication que les choses ont commencé à changer ?

Yves-Léopold Monthieux, 10 décembre 2011

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Le commentaire d’ANTILLA/HP

1-Le représentant de l’Etat en Mq aurait pris sa décision même si la position du Conseil Régional avait été la même que celle du Conseil général.


>> D’une part, parce qu’il est de notoriété que dans des cas bien plus graves potentiellement (on pense à ce qui se produit en Bretagne en ce moment), l’Etat a agit avec prudence et en prenant son temps ou en ne cédant qu’au terme de  processus beaucoup plus longs. On pense aussi aux centrales nucléaires dont les dangers potentiels sont infiniment plus graves et pernicieux, mais qui malgré cela, bénéficie de gros soutiens chez les socialistes, les communistes….

>> D’autre part, parce que Le Psdt Sarkozy a déjà clairement averti et dit aux élus, que plus de Décentralisation, fut-elle du 73 ou du 74, impliquait plus de renforcements de l’autorité du représentant de l’Etat sur place. Il faut être aveugle pour ne pas savoir que, un jour ou l’autre, l’Etat s’attachera à marquer cette prééminence. Et pour que ceci soit bien clair,  l’Etat, DEVRA forcément la marquer à un moment où les représentants de deux Collectivités locales divergeront d’avec sa future DECISION.

Ceci dit, dans le cas présent, ce n’est peut-être pas ce qu’a voulu indiquer Le Préfet de Martinique. Il a probablement jugé au vu d’un dossier assez simple. Et sa position semble plus logique que politique : aucune étude n’ayant montré les dangers du fongicide utilisé, seule la modalité d’utilisation  de ce produit pouvait poser un problème, mais sans aucune preuve apportée d’une réelle nocivité. Il n’y avait pas là, a-t-il jugé, de motifs suffisamment consistants pour qu’il interdise quoi que ce soit.

Que les Martiniquais aient été échaudé par le précédent du Chlordécone et aient voulu en quelque sorte se racheter, ça, c’est une autre histoire et qui de toutes façons arrive trop tard. C’est au moment où Pierre Davidas criait le danger, dans les colonnes de notre journal, et avec notre soutien effectif, et qui fut prolongé par celui de Gérard Dorwling-Carter, à ses côtés, et  dans de nombreuse émissions de radios, qu’il était temps d’agir…D’autant qu’à la différence du fongicide, la grave dangerosité du Chlordécone était clairement établie et que, à cette époque, Pierre Davidas était toujours membre du principal parti autonomiste de Martinique…

2-La  prééminence de la Région sur le Département est Constitutionnelle. Et Serge Letchimy n’y est pour rien.

Pour se faire plaisir, les Martiniquais – et même des journalistes en vue – continuent à parler du “DEPARTEMENT” à tout bout de champ – (on quitte si souvent le “DEPARTEMENT” pour aller en métropole) -, mais la réalité est que l’organigramme de la République a installé clairement et depuis la Décentralisation, ici et en…”métropole”, l’institution Régionale  AVANT celle du Conseil Général. Préséance que l’on retrouve dans TOUS les documents officiels, dans TOUS les discours officiels et même dans l’intitulé du Préfet, qui est celui  de la REGION Martinique (et depuis bien longtemps, d’ailleurs).

Que le tenant officiel de la REGION Martinique ait été un “indépendantiste” en gênait beaucoup, au point que pour masquer le problème on commençait par visiter Césaire à la Mairie avant d’aller à Plateau Roy. Mais la REGION Martinique, a toujours  joué, avant comme pendant la mandature Marie-Jeanne, des rôles supérieurs dans le règlement de certains conflits sociaux : on pense ainsi à celui joué par Camille Darsières durant sa présidence, on pense aussi aux déclarations de Basse-Terre co-signée des trois psdts de Région des DOM-Caraïbes de la France…

Et ce rôle, Serge Letchimy continuera, on l’espère, à l’assumer, et, bénéficiant de l’expérience de ses illustres prédécesseurs, avec  la plus grande énergie et vigilance, même s’il a choisi lui-même, en s’opposant frontalement  aux choix de Marie-Jeanne et de Claude LISE, de limiter l’ampleur des droits supplémentaires qu’il fallait réclamer pour notre Pays…

3- Cette polémique laissera des traces.

Dans l’affaire des six semaines de grèves et manifestations de février 2009, très vite, Alfred Marie-Jeanne avait marqué ses différences et avait eu le courage d’appeler à un arrêt des troubles PUISQUE l’on pouvait continuer à discuter sans paralyser la Martinique.
Mais il avait été “trahi” par les siens.
On vit même, un jour de février 2009 où il entrait en Préfecture, une altercation de certains qui furent vraiment à deux doigts de lui barrer le chemin.
Cela fut l’une des racines – à mon avis –  de son échec aux Régionales de 2010.

Au moment où certains évoquent la possibilité du MIM de présenter dans la circonscription du Sud de la Martinique un candidat autre que le leader Marie-Jeanne (on parle de Jean-Philippe Nilor), on peut se demander si les prises de position des “patriotes” sur la question du fongicide anti-cercosporiose ne laisseront pas de trace dans l’opinion des petits planteurs du Sud,  – et aussi dans celles des planteurs du Lamentin.
Car tout ce peuple de gros travailleurs  pourraient se rappeler combien leurs dures réalités économiques auront été complètement sous estimées par “le Camp patriotique”, chez lequel ils n’y ont trouvé aucun défenseur solide , ou qui les ont laissé paraître comme des pantins manipulés par les puissants…

Sans doute, l’échéance de juin ou juillet 2012 est-elle encore lointaine, et qu’il est prématuré de projeter d’aujourd’hui à demain…

HP

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