Publié le 23/09/2020


« L’homme est la mesure de toute chose »,
Protagoras, sophiste gre


Ces trois mots en disent long sur les réalités de notre pays et, dans une certaine mesure le mode de fonctionnement du système social martiniquais.


On y trouve en filigrane de la politique, de l’économie, mais surtout une forte dose de psychologie.

En effet, vu le tournant que prennent les événements dans la cité, le martiniquais se rend compte de plus en plus que quelque chose lui échappe à savoir son pays et ce qui le rattache à sa terre natale.

Me direz-vous, il y a ce petit « rien » oh combien subtil qui se loge en nous et qui nous pousse à revenir, à retourner auprès de ce coin de terre même si nous obéissons aux réalités de la mondialisation, même si nous nous disons citoyens du monde, la Martinique est là qui nous invite et que nous devons aimer, protéger et défendre.

En conséquence, alé : va enrichir ton expérience, acquérir de savoir, découvrir le monde, mais pense à viré et rété : parce que, surtout par le temps qui court, le pays a besoin de toi, que tu la mettes en valeur, que tu l’ennoblisses, ce n’est pas trop demander puisque le pays c’est nous-mêmes.

J’aime à dire ceci : la Martinique est et sera ce que nous voudrions qu’elle soit.

Dans cet ordre d’idées, je viens à penser à cette expression sortie en février 2009 : péyi a sé ta nou, sé pa ta yo, expression révélatrice à plus d’un titre, mais, en profondeur, ne nous appartient-il pas d’en faire la démonstration. Et je vais jusqu’à me demander si la dite expression ne dénote pas une certaine « frustration », en ce sens, que les martiniquais surtout ceux qui possèdent un certain bagage, éprouvent ce besoin de s’investir, de dialoguer avec leur terre, d’avoir une certaine maîtrise sur son monde.

Il y a en eux ce désir d’agir, ce sentiment à vouloir élargir leur horizon temporel, voilà qui est déterminant pour un être humain et pour un peuple.

« Je fais pour me faire et je me fais pour être », a dit à juste titre J-P Sartre.

L’on perçoit là cette aspiration sociale et économique du martiniquais à transformer son monde immédiat afin de le rendre utilisable, vivable et humain.

Cette démarche ne demande pas de grands sacrifices : nous devons faire l’effort de sortir des sentiers battus, de nous défaire d’idéologies vieillottes et hideuses ; il ne s’agit pas de faire table rase du passé, mais de nous y référer pour nous projeter avec force et réalisme dans le présent, pour pouvoir accéder, si possible au « demain plus haut, plus doux, plus large » de Césaire.

Qu’on se le dise, notre époque nous impose une autre vision des choses, surtout un autre regard sur nous-mêmes et sur notre environnement immédiat.

Alé, viré, rété, parce que la Martinique doit être, tout premièrement l’affaire et la faire valoir des martiniquais.

J’exprime ici un sentiment empreint d’ethnocentrisme certes, mais légitime et qui a sa raison d’être si nous ne voulons pas devenir des étrangers dans un pays qui risque de nous échapper.

Et puis, je me demande si le fait de mettre en pratique le alé, viré, rété, ne traduit pas, n’actualise pas, d’une certaine façon une forme de résilience et une manière de réparer notre relation à nous-mêmes qui n’est pas moins déterminante que la réparation proprement monétaire.

Au final, si ce n’est pas trop dire, le alé, viré, rété ne pourrait-il pas également signifier une sorte d’engagement qui irait à l’encontre du alé, pa viré rété.

Georges ZAMEO

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