Ci-dessous les points forts d’une tribune de JM. NOL
Face à l’effondrement de son offre hôtelière traditionnelle, la Guadeloupe s’oriente aujourd’hui vers un repositionnement haut de gamme. Ce choix stratégique, bien qu’ambitieux, soulève de nombreux défis structurels et économiques. Entre espoirs de relance et limites criantes, l’archipel doit envisager d’autres pistes plus durables et mieux adaptées à ses réalités.
Un secteur hôtelier en déclin
Le paysage touristique guadeloupéen est marqué par une érosion profonde de son parc hôtelier, notamment celui du milieu de gamme hérité des années 1980-1990. En quinze ans, plusieurs milliers de lits ont disparu. Cette régression s’explique par un ensemble de facteurs : coût élevé de la masse salariale, climat social instable, vétusté des infrastructures, carences en gestion, désengagement des pouvoirs publics, et pression croissante de la concurrence régionale.
Le pari risqué du tourisme de luxe
Dans ce contexte, les autorités locales et certains acteurs privés misent sur une montée en gamme de l’offre touristique, ciblant une clientèle plus aisée et internationale. Cette stratégie repose sur l’idée qu’un tourisme moins massif mais plus rentable pourrait redorer l’image de la destination et relancer l’économie du secteur.
Failles structurelles et contexte défavorable
Mais cette orientation n’est pas sans risques. La Guadeloupe fait face à une rude concurrence régionale : des îles comme Saint-Barthélemy ou la Barbade ont déjà acquis une solide réputation sur le marché du luxe, avec des infrastructures et un savoir-faire bien supérieurs. Sur place, les handicaps sont nombreux : déficits en équipements et en formation, pannes fréquentes d’eau et d’électricité, pollution, insécurité croissante, mauvaise maîtrise des langues étrangères. À cela s’ajoutent des éléments extérieurs aggravants comme le dérèglement climatique, les invasions de sargasses, la hausse des violences ou encore les incertitudes sur l’accessibilité aérienne. Ce contexte rend fragile toute tentative de repositionnement sur le très haut de gamme.
Une nécessité de refondation
Le constat est clair : le modèle d’un tourisme de luxe généralisé est difficilement tenable. Il s’agit donc de sortir d’une logique d’imitation et de penser une offre plus réaliste, plus résiliente, fondée sur les atouts spécifiques du territoire. Il faut réinventer un tourisme à taille humaine, centré sur la qualité de vie, l’innovation et la durabilité.
Explorer des alternatives : le tourisme de niche
Parmi les pistes les plus prometteuses figure le développement d’un tourisme médical et de bien-être. La Guadeloupe dispose d’atouts non négligeables : climat favorable, biodiversité, traditions médicinales locales, ouverture prochaine d’un centre hospitalier moderne, et un vivier de compétences formées sur place. Ce créneau, en forte croissance au niveau mondial, représente un marché estimé à plus de 60 milliards de dollars. Il permettrait de créer des emplois qualifiés, d’attirer une clientèle fidèle et d’ancrer le tourisme dans un projet de santé publique et de souveraineté territoriale.
Reprendre la main sur l’avenir
La Guadeloupe est à un carrefour. S’entêter dans une stratégie de luxe inaccessible pourrait se révéler contre-productif. En revanche, miser sur un modèle plus intégré, valorisant l’environnement, le bien-être et l’authenticité culturelle, offrirait une voie plus sûre et plus juste. Il est encore temps d’agir : “Anni pran douvan avan douvan pran’w” — prenons les devants avant qu’il ne soit trop tard.