La tentative de sauvegarde des 400 000 emplois directs du secteur automobile a pris le dessus sur l’idée d’une relance exclusivement verte.
Par Olivier Ubertalli

Le Point.fr

La photo: Emmanuel Macron lors de la visite de l’usine Valeo, près du Touquet. © LUDOVIC MARIN / POOL / AFP

 

N’en déplaise aux écologistes de tout poil, le président de la République a cédé à la plupart des demandes des industriels pour relancer le marché automobile. Depuis l’usine Valeo d’Étaples (Pas-de-Calais), où 1 500 employés fabriquent des alternateurs et alterno-démarreurs principalement exportés partout dans le monde, Emmanuel Macron a détaillé un effort d’un milliard d’euros de l’État afin de soutenir la demande. Il a annoncé en particulier une mesure symbolique en faveur des véhicules à moteur thermique (diesel ou essence) : une prime à la conversion de 3 000 euros pour les ménages français qui acceptent de mettre à la casse leur vieille voiture et d’acheter une automobile à la motorisation thermique plus récente. « Les trois quarts des Français seront éligibles à cette prime, car il leur suffira d’avoir un revenu fiscal de référence inférieur à 18 000 euros nets », a promis le président. Cette prime prendra effet le 1er juin pour un maximum de 200 000 véhicules achetés.

 

Les autres initiatives consistent en un bonus écologique qui atteint 7 000 euros pour l’achat de véhicules électriques par les particuliers (5 000 euros pour les flottes d’entreprise) et une prime de 2 000 euros pour l’achat de véhicules hybrides rechargeables (essence-électrique). Pour le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, qui n’a cessé d’échanger avec les patrons de PSA, Renault, Valeo et Michelin, il s’agit de créer les conditions d’un fort rebond des achats de voitures neuves. « Le défi de l’automobile, c’est un défi pour l’identité française et l’emploi de notre pays », a martelé Emmanuel Macron. Le président promet que 100 000 bornes de recharge électrique seront disponibles en France dès 2021 (au lieu de 2022) et un million de véhicules propres doivent être produits d’ici à 2025. « Aucun autre pays d’Europe n’a d’objectifs aussi ambitieux », assure-t-il.

 

Lundi, plusieurs associations comme Greenpeace, la Fondation Nicolas Hulot ou Réseau action climat avaient tenté d’empêcher une telle mesure en faveur des véhicules thermiques en prenant à partie le gouvernement. En vain. « Les aides apportées par l’État doivent permettre de réorienter en profondeur l’industrie et le marché, mais ce n’est pas ce qui se profile. Si les aides publiques permettent d’encourager l’achat individuel de gros véhicules, type SUV, même électriques ou hybrides, c’est un non-sens climatique et social », estime Agathe Bounfour de Réseau action climat.

 

400 000 emplois directs concernés. 

En face, le président de la plateforme automobile, Luc Chatel, assure qu’il ne s’oppose pas à une relance verte. « Nous devons faire de la transition écologique un levier de sortie de crise. Il faut encourager l’achat de véhicules électriques avec un retour au bonus à 6 000 euros pour les flottes, qui a été divisé par deux en 2020 – c’était une erreur. Et créer enfin un bonus, de 2 000 euros par exemple, pour les hybrides rechargeables, des véhicules fabriqués en France », confiait-il récemment dans une interview au Point. Mais Luc Chatel souligne aussi que l’électrique ne concerne que « 7 % du marché français tout au plus » et que la « relance passe nécessairement par un mécanisme de stimulation plus large du marché, qui pourrait s’appuyer sur la prime à la conversion (PAC) pour l’achat de tout véhicule, neuf ou récent, qui ne fait pas l’objet d’un malus écologique. » D’où cette idée d’une aide aux moteurs thermiques qui a fait son chemin jusqu’à intégrer les annonces du président Macron, ce mardi.

 

La réalité a eu raison d’une relance 100 % verte. 

 

L’industrie automobile concerne environ 400 000 emplois directs en France. Difficile de ne pas en tenir compte. Et le marasme économique du secteur est réel. Le marché a notamment chuté de 88 % en avril. En outre, durant les deux mois de confinement, des milliers de concessionnaires n’ont pu écouler leurs stocks. Or, le stockage coûte cher. Il s’agit donc pour le gouvernement d’aider tous ces travailleurs à écouler leurs invendus et à retrouver un minimum d’activité. D’autant qu’il est coutume de dire qu’un concessionnaire réalise des marges très faibles, de 1 à 2 %.

 

Relancer les concessionnaires et les usines.

 

Environ 400 000 voitures neuves seraient encore à vendre dans les réseaux français. Cela représente une valeur totale de stock d’environ 10 milliards d’euros. « Fin juin, il y aura environ 500 000 véhicules invendus par rapport à l’année dernière », a précisé Emmanuel Macron. D’après le Centre national des professions automobiles (CNPA), les stocks sont constitués à 52 % de véhicules diesel, à 44 % de véhicules essence et 4 % de véhicules à batterie, qu’ils soient 100 % électriques ou hybrides rechargeables. « La situation des entreprises des services de l’automobile s’est profondément dégradée depuis deux mois (…). Entre 40 000 et 50 000 postes sont actuellement menacés de disparition si les mesures adéquates ne sont pas mises en place très rapidement », a averti Francis Bartholomé, président national du CNPA.

Sur le plan industriel, la France risque aussi de se retrouver avec des usines et des lignes de production trop peu utilisées. C’est déjà le cas, et l’on voit, avec le plan d’économies que s’apprête à dévoiler cette semaine Renault, que de nombreux sites sont menacés. Par exemple, pour éviter de fermer Flins, le constructeur au Losange devrait, selon nos informations, reconvertir l’usine. Fini l’assemblage de voitures, une activité qui s’est amenuisée au fil des ans. Le site pourrait récupérer certaines activités de rénovation de moteurs et boîtes de vitesses du site de Choisy-Le-Roi qui devrait fermer. En 2019, environ 160 000 voitures, des ZOE électriques de Renault et des Nissan Micra, ont été fabriquées à Flins, qui emploie environ 2 600 personnes.

 

Les mesures dévoilées ce mardi suffiront-elles à faire rebondir les ventes de voitures neuves ? On le saura à la fin du mois juin. Ce mois donne toujours la tendance pour l’industrie, car les Français et les entreprises ont l’habitude d’attendre ce moment pour renouveler leur flotte

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