À l’occasion de la sortie du nouvel album de Gaston Lagaffe, « 20 Minutes » a demandé à trois professionnels du monde du travail ce que donnerait le héros le plus maladroit et flemmard de l’histoire de la bande dessinée dans une vraie boîte – Jean-Loup Delmas IN 20MINUTES.FR

  • Dix-sept ans après le dernier opus, le 22e album de la bande dessinée culte Gaston Lagaffe sort ce mercredi. L’occasion de relire les (més)aventures professionnelles de l’employé le plus paresseux et anticonformiste de l’histoire de la BD.
  • Hors du confort de ses planches et de ses bulles, Gaston Lagaffe survivrait-il dans le vrai monde professionnel de 2023 ?
  • Pour le savoir, 20 Minutes a fait appel à trois experts du monde du travail : une PDG, une RH et un syndicaliste.

C’est l’un des personnages les plus iconiques de la BD franco-belge : Gaston Lagaffe, ses siestes, ses inventions génialissimes pour faire le moins d’efforts possibles au travail, bref, son goût très prononcé pour la paresse. Des facéties qui reviennent dans les librairies ce mercredi, à l’occasion de la sortie du 22e album.

Mais tout salarié le sait, le vrai monde professionnel a sa part de cruauté et de loi de la jungle. Un Gaston Lagaffe y survirait-il, ou serait-il viré au bout d’une heure de période d’essai ? Comment gérer un tel cas collaborateur, à la fois créatif et totalement en dilettante, dans la vraie vie ? Pour le savoir, on a demandé à trois experts du monde du travail.

Dominique Primault, syndicaliste CFDT :

Gaston Lagaffe serait-il un bon syndicaliste ?
Gaston Lagaffe serait-il un bon syndicaliste ? – AFP

Ce que Gaston lui évoque :

« Une personnalité très sympathique et un gros travailleur, contrairement au cliché qu’on a de lui d’un être purement intéressé par la paresse. Il suffit de voir le nombre de machines et de gadgets qu’il fabrique. Il a beaucoup de valeurs – et pas que celle de la sieste. Il est notamment très empathique. Il n’est certes pas très apprécié de son patron, mais il me semble aimé des autres salariés. »

Comment le gérer ?

« Son imagination peut être mise à profit dans une organisation syndicale. Il serait capable de trouver des actions originales pour mobiliser les salariés et pour des idées d’organisations du travail un peu décalé. Il apporterait une autre dimension que le cliché du syndicaliste en colère qui beugle au micro de rejoindre la lutte, et cela peut permettre de toucher des salariés qu’on n’aurait pas eus normalement. Je ne dis pas qu’il ne faudrait que des Gaston Lagaffe au sein d’une organisation syndicale, ni dans une entreprise, mais une personnalité comme lui, c’est une plus-value.

Par ailleurs, il porte tout un discours sur le bien-être au travail et essaie toujours de trouver des solutions pour avoir de meilleures conditions de vie. Alors certes, il ne pense qu’à ses conditions à lui, mais au sein d’un syndicat, il pourrait essayer d’améliorer la condition de l’ensemble des salariés.

Je pense qu’il est tout à fait défendable syndicalement face à un patron qui voudrait le virer, car il a une grosse plus-value pour l’entreprise et pour ses collègues. Il suffirait de montrer les bons points – évidents – qu’il apporte et d’essayer de gommer les fois où il pousse le bouchon trop loin. »

Marie-Laure Martins, détectrice de talents/RH au sein du cabinet de recrutement Skillency

Gaston Lagaffe pourrait-il être géré par un.e DRH ?
Gaston Lagaffe pourrait-il être géré par un.e DRH ? – Gaston Lagaffe

Ce que Gaston lui évoque :

« Gaston Lagaffe incarne des thématiques très actuelles sur le monde professionnel : le bien-être au travail, l’importance de la vie privée et la liberté horaire et d’espace. On le voit aménager son bureau à sa manière, ramener des objets de chez lui, s’approprier son propre temps et son propre espace. Ce sont finalement des revendications très modernes chez les salariés, et donc à ce titre-là, il ne me semble pas critiquable.

Alors bien sûr, le trait est grossi et il faudrait clairement le limiter dans ses siestes et certaines de ses créations, mais ça n’empêche pas ses envies de bases d’être justes et légitimes. Tout le monde aspire aujourd’hui à un meilleur équilibre vie privée/travail. On peut voir dans sa démarche du quiet quitting, ce mouvement américain qui consiste à ne faire que le strict minimum au travail pour garder son énergie pour le reste. »

Comment le gérer ? :

« Quand je vois Gaston Lagaffe, je ne vois pas un mauvais employé, mais un employé qui n’est pas à sa place. Son travail n’est pas le bon, il s’ennuie terriblement et n’exploite pas ses capacités. C’est notre rôle de RH de lui trouver un métier qui lui convient mieux. Je le replacerais bien dans la Recherche & Developpement, ou comme Chief Happiness Officer. Je pense qu’il faut exploiter sa créativité et son imagination, soit pour en faire des produits, soit pour gérer le moral des employés.

En tant que RH, Gaston Lagaffe me semble plus la conséquence d’un mauvais management très pyramidal et autoritaire. C’est surtout ça que j’essaierai de gérer : un management trop toxique à mon sens, ce que dénonce d’ailleurs clairement la BD. N’oublions pas que Gaston est le héros. »


Virginie Faivet, PDG de la société StartHack, centre de formation dans le numérique

Gaston Lagaffe énerverait-il tous les PDG de France ?
Gaston Lagaffe énerverait-il tous les PDG de France ? – Gaston Lagaffe

Ce que Gaston lui évoque :

« Il a assurément un côté maladroit, mais il me semble porter des valeurs que tout PDG recherche : c’est quelqu’un d’entier et à qui on peut faire confiance. Ça ne me semble pas impossible d’avoir un Gaston Lagaffe dans une entreprise ; je pense qu’on rirait bien, qu’il a plein de bonnes idées – qu’il faut trier – et qu’il a un véritable don pour créer du lien, ce qui est essentiel. »

Comment le gérer ?

« Le rôle d’une PDG et d’une entreprise est d’accompagner ses employés pour gommer leurs erreurs, et non de les blâmer pour celles-ci. C’est d’ailleurs important pour une cheffe de rappeler qu’on fait tous des erreurs, qu’on a tous un côté gauche, que nous sommes humains. Et heureusement qu’on n’est pas parfait !

Pour Gaston, j’essaierai de comprendre les raisons de sa démotivation et de l’accompagner, avec beaucoup de précaution. Il ne faut pas brider sa créativité, mais la canaliser et booster sa confiance en lui, car c’est à mon sens l’une des grandes raisons de sa démotivation. Pour lui donner confiance, et canaliser son imagination, j’essaierai de lui créer des routines de travail, de mieux segmenter et organiser son temps, afin qu’il soit en confiance et qu’il ait un cadre. »

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