Co-bénéfices environnementaux et  sanitaires de l’action publique.
Par Patrice Geoffron, Université Paris-Dauphine,                                                                                                        et Benoît Leguet.

Histoire ou légende, le slogan « it’s the economy, stupid ! » aurait porté Bill Clinton au pouvoir en 1992, marquant le primat des urgences économiques dans le choix des électeurs en temps de crise. Au-delà du confinement imposé par le Covid-19, la tentation pourrait être forte, au moment d’élaborer et de mettre en œuvre la sortie de crise, de privilégier la prise en compte des effets économiques directement observables, sans autre considération, comme ce fut le cas après la crise de 2008. Nous montrons ici qu’une politique de sortie de crise doit être soumise à un cahier des charges élargi qui valorise les « co-bénéfices » économiques-environnementaux-sanitaires de l’action publique. Entre autres exemples, des mesures de transport décarboné (du vélo au fret ferroviaire) produiront des effets économiques directs (emplois, valeur ajoutée dans les filières impliquées), environnementaux (réduction de pollutions de l’air qui coûtent à la France environ 50 Milliards/an, atténuation des émissions de gaz à effet de serre) et sanitaires (ces mêmes pollutions tuent 50 000 personnes/an, et fragilisent certaines populations face à des pandémies).
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Ce faisant, il s’agira de répondre à une « demande sociale » : ainsi que le soulignait récemment Emmanuel Macron, au sortir de la crise sanitaire « les gens ne supporteront plus de respirer un air pollué »[1]. Et, comme entre le déclenchement de la crise des « subprimes » en 2008 et la sortie de la phase d’urgence de la crise Covid-19, la dette française aura augmenté de 50 % du PIB, réduisant les marges de manœuvre budgétaires des pouvoirs publics, valoriser tous les co-bénéfices de l’action n’est plus une simple option, mais un impératif : « It’s (also) the economy, stupid ! ».
FAIRE D’UNE PIERRE TROIS COUPS AVEC CHAQUE EURO PUBLIC ENGAGÉ DANS LA SORTIE DE CRISE
Nous sommes face à une crise sanitaire ouvrant sur un choc économique mondial. Ce choc échappe largement à la prévision économique, tant les inconnues sont nombreuses : la croissance, le chômage et la dette sont autant de variables assujetties à des trajectoires de santé publique encore incertaines pour les médecins, et par conséquent plus encore pour les économistes.
Une évidence s’impose dans le séquençage de l’action collective : au plus fort de l’urgence sanitaire, les priorités sont de circonscrire l’épidémie, d’assurer la continuité des services essentiels au fonctionnement de notre société et de mobiliser massivement des moyens au service du système de santé. Durant cette période, la sauvegarde économique des activités immobilisées passe par la prise en charge du chômage partiel et le soutien à la trésorerie des entreprises. Mais, au-delà de cette phase de « réanimation économique », une stratégie de sortie de crise devra être déployée pour répondre à la demande de résilience qui émergera dans les sociétés européennes, France incluse.
Dans un contexte où des contraintes pèseront sur les ressources publiques mobilisables, et où l’engagement de ces dernières réduira drastiquement les futures marges de manœuvre, l’optimisation de chaque euro engagé est la clé. Il est en effet impératif que chaque euro public investi produise le maximum d’effets positifs pour la société, ce qui suppose d’en analyser l’impact économique observable à court et moyen termes, certes, mais plus largement, d’intégrer à la sélection des mesures les bénéfices conjoints (c’est-à-dire les « co-bénéfices » dans le jargon des économistes) de l’action publique.
[1] Interview au Financial Times, 16 avril 2020. Voir la vidéo ici : https://www.facebook.com/8860325749/posts/10158243484920750/
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Dans cet esprit, et à la différence de la sortie de crise de 2008, il est essentiel d’identifier les actions qui offrent des co-bénéfices dans trois domaines :
L’économie : en contribuant à la relance de l’activité dans des filières industrielles et de services essentiels, mais également en réduisant l’exposition à des crises futures (chocs de prix du pétrole comme en 2018 pour le plus récent, approvisionnement alimentaire et industriel…) ;
L’environnement : en réduisant à la fois les émissions de gaz à effet de serre et de polluants locaux, en gardant ainsi une crédibilité dans le Green Deal et dans l’action climatique internationale, en préservant le capital industriel des filières bas-carbone, en adaptant notre économie aux dérèglements climatiques…
La santé : en réduisant nos fragilités face à des menaces sanitaires désormais moins hypothétiques, notamment par l’amélioration de la qualité de l’air et la réduction de la précarité énergétique qui fragilise des ménages parmi les plus modestes…
Qu’entend-on par « It’s (also) the economy, stupid! » ? La stratégie de sortie de crise de 2008 et l’action publique durant les années suivantes n’ont pas permis d’améliorer la « résilience » de notre société aux chocs de la décennie. La dépendance au pétrole qui a conduit à la crise des Gilets jaunes depuis 2018 n’a pas été réduite. La faible qualité de l’air, qui continue à coûter à la collectivité environ 50 milliards d’euros et à tuer 50 000 personnes en France chaque année[2] – cela sans préjuger d’effets aggravants durant le Covid-19 – n’a pas été améliorée. L’habitat précaire où sont confinés plus de 3 millions de ménages – dont la santé est fragilisée par ces conditions de vie[3] – a été insuffisamment amélioré. Notre collectivité reste mal préparée à des dérèglements climatiques qui ont déjà coûté plus de 60 milliards durant les dernières décennies[4].
La montée de la dette publique, observée dans ce siècle, n’était donc pas inexorable. Quoi qu’il en soit, valoriser tous les co-bénéfices de l’action publique n’est plus une simple option, mais un impératif. Et c’est aussi se préoccuper de notre « economy ».
[2] Voir la synthèse de ces questions dans une note récente du Trésor : “Le rôle des instruments économiques dans la lutte contre la pollution de l’air”, Trésor-Eco, n° 256, Février 2020. Voir également les travaux réguliers du Sénat, dont : “Lutte contre la pollution de l’air : au-delà du risque contentieux, une urgence sanitaire”, Rapport d’information n° 412, 2018.
[3] Voir Elsa Bidault, Camille Bellois, Jennifer Daude, “Revue des approches existantes pour l’analyse des impacts de la précarité énergétique sur la santé des populations”, ONPE, 2019, ainsi que les travaux du
« Réseau Rappel » : https://www.precarite-energie.org/les-risques-sanitaires-de-la-precarite-energetique-etat-de- l-art-et-fiches/,
[4] Selon l’Agence Européenne de l’Environnement, la France a subi 62 milliards de dégâts liés au changement climatique entre 1980 et 2017, soit plus de 1 000 euros par personne ; seulement 50 % de ces dégâts étaient assurés, ce qui signifie que près de 30 milliards ont dû être assumés directement par les ménages, les entreprises et les collectivités publiques affectés. https://www.eea.europa.eu/data-and-maps/indicators/direct- losses-from-weather-disasters-3/assessment-2
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QUAND OCCULTER LES CO-BÉNÉFICES BIAISE L’ACTION PUBLIQUE
La recherche de co-bénéfices forme de longue date un des objectifs explicites des politiques climatiques, apparaissant dès le milieu des années 1990 dans les travaux du GIEC[5]. Pourtant, les attentions et les décisions sont surtout focalisées sur les coûts de mise en œuvre des politiques climatiques, les co-bénéfices gardant un caractère subsidiaire ; cela malgré les travaux macroéconomiques autour du concept de « double dividende », combinant une réduction de certaines taxes existantes – sur le travail, notamment – et une fiscalité carbone. S’il est essentiel de calculer les coûts d’atténuation pour orienter l’action publique et établir le partage de l’effort entre les Nations, tous les co-bénéfices doivent être analysés et pris en compte afin d’éviter les distorsions dans la décision et les échecs dans la réalisation des objectifs[6].
Un tel biais est d’autant plus préjudiciable que les co-bénéfices présentent une valeur toute spécifique pour guider l’action publique en période de crise : tandis que les bénéfices directs de la réduction des gaz à effet de serre sont globaux, certains co-bénéfices, comme la réduction de la pollution de l’air, sont directement observables à l’échelle régionale et à court terme, le tout étant propice à la mobilisation des moyens et à l’émergence de consensus locaux. C’est d’ailleurs non pas la crainte d’une sanction mais bien cette logique de prise en compte des co-bénéfices qui constitue, dans l’Accord de Paris, le moteur de l’action des Etats – mus par leur intérêt bien compris.
De nombreux travaux viennent confirmer que les modèles d’évaluation intégrée qui ne tiennent pas compte des co-bénéfices sous-estiment inévitablement les avantages réels de l’action climatique, ce qui est d’autant plus préjudiciable que ces co-bénéfices ne sont pas de second ordre. A titre d’exemple :
Les avantages en termes de santé sont évalués entre 40 à 198 dollars par tonne de CO2 évitée (variable selon les pays considérés)[7].
La réduction annuelle des morts prématurés pourrait être, respectivement, de 0,5 et 1,3 millions en 2030 et 2050, à l’échelle globale[8].
[5] Christophe Cassen, Céline Guivarch, Franck Lecocq, “Les co-bénéfices des politiques climatiques : un concept opérant pour les négociations climat ?”, Natures Sciences Sociétés, EDP Sciences, 2015. La littérature sur ces sujets est synthétisée dans un ouvrage collectif récent : Buchholz W. et al., Ancillary Benefits of Climate Policy. New Theoretical Developments and Empirical Findings, Springer Climate, 2020.
[6] Karlsson, M., Alfredsson, E., Westling, N., “Climate policy co-benefits: a review”, Climate Policy, 2020.
[7] Balbus, J. M., Greenblatt, J. B., Chari, R., Millstein, D., & Ebi, K. L., “A wedge-based approach to estimating
health co-benefits of climate change mitigation activities in the United States”, Climatic Change, 2014.
[8] West, J.J., Smith, S.J., Silva, R.A., Naik, V., Zhang, Y., Adelman, Z., Fry, M., Anenberg, S., Horowitz, L.W., Lamarque, J.-F., 2013, “Co-benefits of mitigating global greenhouse gas emissions for future air quality and human health”, Nature Climate Change, 3, 885-889..
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Le coût des dommages est réduit de 6,5 % du PIB mondial lorsque les combustibles fossiles sont remplacés par des énergies propres[9].
A l’échelle mondiale, les avantages connexes en termes de qualité de l’air représentent environ 75 % des coûts d’atténuation[10].
La conclusion de ces travaux est claire et particulièrement précieuse : intégrer ces co-bénéfices à l’orientation de l’action publique est crucial. Cela d’autant que toutes ces évaluations ont été opérées avant la survenue de la crise induite par le Covid-19, c’est-à-dire sans prendre en compte les effets d’évitement de prochaines pandémies (via la préservation de la biodiversité, dont la valeur devra être également débattue) ou la capacité à les affronter avec résilience (via la réduction de l’habitat précaire, le raccourcissement de certaines chaînes de valeur…). Les co- bénéfices de l’action climatique devront donc être réévalués au sortir de la crise du Covid-19. Gageons qu’il n’y a aucune raison logique – bien au contraire – pour que ces co-bénéfices soient minorés à l’issue de cette épreuve collective.
Encadré 1 : [11]
« À partir d’une revue de littérature de 2013, le Commissariat général au développement durable (CGDD) évaluait les coûts sanitaires de la pollution de l’air extérieur en France (à savoir les pertes de bien-être individuel, mais aussi les coûts financiers pour le système de soins) entre 20 et 30 milliards d’euros par an, comparables par exemple à ceux de l’obésité. En 2015, un rapport d’une commission d’enquête du Sénat sur le coût économique et financier de la pollution de l’air proposait une estimation significativement supérieure avec des coûts sanitaires compris entre 68 et 97 milliards d’euros de 2000 par an, soit jusqu’à plus de 5 % du produit intérieur brut. À ceux-là s’ajoutent les coûts non sanitaires évalués à plus de 4 milliards d’euros dans le rapport du Sénat et parmi lesquels on trouve les effets environnementaux, notamment sur la biodiversité et les rendements agricoles. L’estimation du coût socioéconomique global pour la collectivité reste soumise à de fortes incertitudes, avec une sensibilité importante à certaines hypothèses, en particulier la valorisation monétaire des années de vie perdues ».
Source : Trésor, Le rôle des instruments économiques dans la lutte contre la pollution de l’air, Trésor- Eco, n° 256, Février 2020
[9] Coady, D., Parry, I., Sears, L., Shang, B., May, “How large are global energy subsidies?”, IMF Working Paper WP/15/105, 2015.
[10] Andersen, M. S., “Co-benefits of climate mitigation: Counting statistical lives or life-years?”, Ecological Indicators, 201. Bollen, J., “The value of air pollution co-benefits of climate policies: Analysis with a global sector- trade CGE model called WorldScan”, Technological Forecasting and Social Change, 2015.
[11] Voir également les travaux réguliers du Sénat, dont : “Lutte contre la pollution de l’air : au-delà du risque contentieux, une urgence sanitaire”, Rapport d’information n° 412, 2018.
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SORTIE DE CRISE EN 2008 : LA PERTE DU « MOMENTUM » ENVIRONNEMENTAL PAR NÉGLIGENCE DES CO-BÉNÉFICES
L’expérience de 2008 a montré qu’une sortie de crise conçue sans ambition climatique produisait un effet de traîne durable, expliquant en partie le retard accumulé en 2020 et pointé par le Haut Conseil pour le Climat[12]. Une analyse du plan de relance de 2008 – dans un contexte différent dans ses fondements, mais comparable par l’ampleur du choc – peut éclairer l’effet de la non prise en compte des co-bénéfices de l’action publique et éclairer les choix qu’implique la crise sanitaire de 2020.
Le plan de relance français, annoncé par le Président de la République le 4 décembre 2008, a consisté en un engagement initial de 26 Md€ étendu à 35 Md€ par des mesures rectificatives en avril 2009. Sur ces bases, le plan français a représenté 1,1 % du PIB – à l’avant-dernier rang des grands pays développés, devant l’Italie – avec un effort principalement concentré sur 2009 et un fort accent mis sur l’investissement (qu’il soit public ou privé), à hauteur de 50 % de l’engagement global.
Concernant spécifiquement la composante « investissements publics » (figure 1), 8,5 Md€ ont donc été au mieux neutres à court terme pour le climat, représentant cependant dans ce cas autant d’« opportunités manquées » de verdir l’économie ; et au pire défavorables au climat.
Figure 1 :
Source : calculs des auteurs, d’après Dossier de presse – Plan de relance de l’économie française Douai 4 décembre 2008
[12] I4CE, Panorama des financements climat, édition 2019. Terra Nova I4CE
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Ajoutons que d’autres évaluations viennent conforter un bilan mitigé du plan de relance français. Le cabinet Ecofys a conduit une analyse environnementale du plan de relance français, ainsi que des plans de cinq autres pays ou blocs régionaux. Pour la France, l’étude d’Ecofys aboutit aux conclusions suivantes :
Les incitations favorables représentent une proportion assez faible de l’ensemble (2,1 Md€, environ 8 % du total), à travers des incitations dans les renouvelables (photovoltaïque), l’efficacité énergétique des bâtiments, les transports et les réseaux électriques ;
Mais ce plan intégrait également des soutiens à des activités défavorables, à hauteur de 300 M€ (soit environ 1 % du total), avec la construction de routes et le soutien aux centrales électriques fonctionnant aux énergies fossiles.
Figure 2 :
Source : Ecofys, How climate friendly are the economic recovery packages?, Avril 2009.
Les conséquences de cette orientation ont été durables :
Le soutien public aux financements bas carbone a très faiblement progressé jusqu’en 2017, et les incitations/réglementation publiques n’ont pas contrarié un rebond des investissements carbonés en France à partir de 2015 – synchrone avec la chute du prix du pétrole[13] – phénomène qui aura des effets de long terme – notamment sur le parc automobile.
Notre collectivité aura été mal préparée à la remontée du prix du pétrole en 2018, facteur déclenchant de la crise des Gilets jaunes, avec les conséquences que l’on sait depuis lors.
[13] Haut Conseil pour le Climat, Rapport annuel Neutralité Carbone, Juin 2019. Terra Nova I4CE
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Par ailleurs, le retard pris dans le déploiement de formes de mobilité décarbonées aura limité la décrue de la pollution de l’air, dont le coût collectif est drastique – provoquant une mortalité « silencieuse » très supérieure à celle du Covid-2019 dans l’état actuel de nos connaissances[14].
La difficulté à tendre vers les ambitions en matière de rénovation des logements – soit atteindre le rythme de 500 000 par an – n’aura pas permis de réduire suffisamment la fragilité sanitaire des populations précaires – due à un inconfort thermique, à une humidité et des moisissures, à une mauvaise qualité de l’air intérieur… – et aura accru les difficultés du confinement et plausiblement ses conséquences.
Encadré 2 :
[15]
A la différence de 2008, la maturité des filières bas carbone permet de cibler de nombreuses pistes de mesures susceptibles de produire une diversité de co- bénéfices économiques-environnementaux–sanitaires. La liste ci-après constitue une simple “liste ouverte” destinée à stimuler la réflexion à travers les exemples fournis :
– accélérer la rénovation thermique du parc d’hôpitaux et d’Ehpad de façon à affronter des épisodes caniculaires dans de meilleures conditions et sans recours excessif à la climatisation ;
– prioriser la rénovation thermique des ménages souffrant de précarité énergétique, pour améliorer leur confort (face à des épisodes de froid ou de chaleur excessifs, de futurs chocs épidémiques…) et contenir les problèmes de santé dont ils pâtissent plus fréquemment ;
– renouveler les flottes de logistique urbaine et périurbaine en faveur des véhicules « bas carbone » (électriques, bioGNV) pour concourir à l’amélioration de la qualité de l’air (et à la réduction des nuisances sonores), favoriser des circuits courts peu nocifs ;
– encourager le report modal vers le fret ferroviaire pour concourir également à l’amélioration de la qualité de l’air et accroitre l’efficacité des chaînes logistiques (facteur d’attractivité dans le cadre d’une stratégie de relocalisation) ;
– favoriser les mécanismes d’économie circulaire en valorisant les déchets agricoles sous la forme de biométhane (susceptible d’alimenter une filière de bioGNV pour la mobilité), pour diversifier également le portefeuille d’activités des agriculteurs ;
– …
[14] Tout du moins au moment où nous écrivons, fin avril 2020, et où la mortalité du Covid-19 avoisine les 25 000 décès en France, soit la moitié du nombre de vies abrégées par la pollution de l’air en année « normale ».
[15] Voir Hainaut., H., Ledez M., Perrier., Q., Leguet., B., Geoffron, P., “Investir en faveur du climat contribuera à la sortie de crise”, I4CE, 2020.
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EN 2020, L’EUROPE EST UNE TERRE FERTILE EN CO-BÉNÉFICES
Cette évaluation ex-post de décisions prises lors du précédent grand choc subi par notre société a pour seul intérêt d’éclairer les décisions à prendre en 2020 et au-delà, et de répondre à la demande de résilience que ne manqueront pas d’exprimer nos concitoyens.
Intégrer les co-bénéfices à la décision publique est non seulement une nécessité, mais une source d’espérance pour les Européens. Des travaux ont établi de longue date la portée de l’action climatique pour l’Union dans son ensemble : selon Van Vuuren et al. (2006)[16], les seuls co-bénéfices de la qualité de l’air liés à la réalisation des objectifs européens du protocole de Kyoto représentaient environ 50 % des coûts de mise en œuvre de cette politique, tandis que Schucht et al. (2015)[17] réévaluent cette proportion à 85 %. Dechezleprêtre et al. (2019)[18], observe qu’une augmentation de la concentration de particules fines (PM2,5) de 1 μg/m3 (correspondant à une augmentation moyenne d’environ 10 % en Europe) induit une contraction du PIB de 0,8 %, et conclut que ces coûts économiques dépassent largement ceux engagés pour réduire ces pollutions.
L’ensemble de ces travaux font écho à des estimations réalisées sur une base nationale comme Krook Riekkola et al. (2011)[19], qui constatent que la politique climatique suédoise produit des effets bénéfiques pour la santé pouvant atteindre 32 euros par tonne de CO2 évitée. D’importants co-bénéfices sont également mis en évidence dans le cadre d’analyse conduites à l’échelle de villes européennes comme Rotterdam,[20] ou Barcelone, Malmö, Sofia et Fribourg[21].
[16] Van Vuuren, D. P., Cofala, J., Eerens, H. E., Oostenrijk, R., Heyes, C., Klimont, Z., Amann, M., “Exploring the ancillary benefits of the Kyoto Protocol for air pollution in Europe”, Energy Policy, 2006.
[17] Schucht, S., Colette, A., Rao, S., Holland, M., Schopp, W., Kolp, P., Rouil, L., “Moving towards ambitious climate policies: Monetised health benefits from improved air quality could offset mitigation costs in
Europe”, Environmental Science and Policy, 2015.
[18] Dechezleprêtre, A., Rivers, N., Stadler, B., “The economic cost of air pollution: Evidence from Europe”, OECD Economics Department Working Papers No. 1584, 2019.
[19] Krook Riekkola, A., Ahlgren, E. O., & Söderholm, P., “Ancillary benefits of climate policy in a small open economy: The case of Sweden”, Energy Policy, 2011.
[20] Tobollik, M., Keuken, M., Sabel, C., Cowie, H., Tuomisto, J., Sarigiannis, D., Mudu, P., “Health impact assessment of transport policies in Rotterdam: Decrease of total traffic and increase of electric car
use”, Environmental Research, 2016.
[21] Creutzig, F., Mühlhoff, R., Römer, J., “Decarbonizing urban transport in European cities: Four cases show possibly high co- benefits”, Environmental Research Letters, 2012.
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Pour apprécier la diversité des co-bénéfices, au-delà de la seule qualité de l’air, on pourra se référer à Sovacool et al. (2020) qui estiment une large gamme dans les domaines économiques, environnementaux, techniques, sociaux et politiques à partir d’un travail très « granulaire » et portant sur l’Allemagne, la France, la Norvège et la Grande-Bretagne[22].
C’est bien dans cette perspective que le Haut Conseil pour le Climat, dans un rapport spécial d’avril 2020[23], souligne pour la France le besoin de prendre en compte les co-bénéfices de l’action climatique : « [la relance] doit être verte, pas grise, maximiser les co-bénéfices pour le climat et les écosystèmes, et ne pas verrouiller des trajectoires carbonées. Les synergies entre climat, environnement et santé doivent être renforcées – lutte renforcée contre les pollutions, contre la déforestation importée, amélioration nutritionnelle des régimes alimentaires, évolution des modes de transport. ». D’où ces préconisations dans l’orientation d’une stratégie d’urgence en fonction de quelques critères simples : « Elle doit contribuer directement à une transition bas-carbone juste – atténuation, adaptation, réduction des vulnérabilités et renforcement des capacités de résilience ; si elle est principalement affectée à un autre objet de dépense (notamment santé ou biodiversité), elle a un co-bénéfice climat en faveur de l’atténuation ou de l’adaptation ; elle ne doit pas nuire et ne pas être incompatible avec les objectifs de l’accord de Paris, en écartant notamment tout effet de verrouillage carbone ».
Spécifiquement pour la France, on pourra également se référer à un travail en cours d’I4CE (2020)[24] qui a sélectionné sept secteurs susceptibles de produire des co-bénéfices économiques-environnementaux-sanitaires en faisant l’objet d’une impulsion publique en sortie de crise : la rénovation des logements privés, la rénovation des bâtiments tertiaires (publics et privés), le déploiement des voitures bas-carbone, les infrastructures de transport en commun, les infrastructures ferroviaires, les aménagements cyclables, et la production d’électricité renouvelable[25].
Soulignons enfin les conclusions d’une étude récente de l’IRENA[26] qui estime les effets d’une transition bas carbone à des gains cumulés du PIB mondial de l’ordre de 100 000 milliards de dollars d’ici 2050, soit près de 400 dollars par habitant de la planète chaque année.
[22] Sovacool, B.K. , Martiskainen, M., Hook, A., Baker L., “Beyond cost and carbon: The multidimensional co- benefits of low carbon transitions in Europe”, Ecological Economics, 2020
[23] Haut Conseil pour le Climat, “Climat, santé : mieux prévenir, mieux guérir”, avril 2020.
[24] Hainaut., H., Ledez M., Perrier., Q., Leguet., B., Geoffron, P., “Investir en faveur du climat contribuera à la sortie de crise”, I4CE, 2020.
[25] Travail prochainement étendu à d’autres domaines d’activité.
[26] Source : IRENA, “Global Renewables Outlook : Energy transformation 2050”, 2020.
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Figure 3 :
Source : IRENA, Global Renewables Outlook : Energy transformation 2050, 2020.
Si la répartition de ces gains est inégale entre les régions, elle pourrait représenter pour l’Union européenne jusqu’à 3 000 USD par habitant et par an, à la condition de faire preuve de discernement dans les stratégies de sortie de crise, au début de la décennie 2020.
Le débat collectif sur le Green Deal est donc, plus encore qu’avant la pandémie, crucial pour l’Union européenne. Et, si la France veut concourir à rehausser les ambitions de ce pacte, elle devra faire la preuve de sa cohérence, en élaborant une stratégie nationale optimisant les co-bénéfices de l’action publique.
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