Veut-on nous vacciner contre… l’esprit critique ?

Par Pryska Ducoeurjoly, journaliste indépendante

Sur le site du gouvernement, une plateforme appelée Désinfox recense désormais certains articles de journaux jugés « sûrs et vérifiés ». « Plus que jamais, se fier ou partager des informations non vérifiées peut induire des erreurs et engendrer des comportements à risque. Pour se protéger et protéger les autres, il est nécessaire de se référer à des sources d’informations sûres et vérifiées. »

En tant que journaliste indépendante, cette initiative où le gouvernement fait copain–copain avec les médias qui vont dans son sens n’a pas manqué de me faire réagir.

Je ne suis pas la seule !

Macron : archange de la lutte contre les fake-news…

Ainsi, Arnaud Benedetti, professeur associé à l’Université Paris-Sorbonne, rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire, auteur de Le coup de com’ permanent (Cerf, 2018) déclarait dernièrement au FigaroVox [1]:

«  Cette initiative gouvernementale traduit la grande fébrilité d’un pouvoir exécutif qui, faute de pouvoir censurer, se transforme en certificateur de l’information. Il va de soi que ce n’est pas à l’État de procéder à ce travail. Les plus grands mensonges de l’histoire ont souvent été, au demeurant, propagés par des États. Depuis le début du mandat, Emmanuel Macron se veut l’archange de la lutte contre les fake-news. Il a fait légiférer de manière aléatoire et discutable à ce sujet. (…) Lorsque l’État prétend nous dire la vérité, il ne dit que « sa » vérité… ou ses mensonges. En d’autres termes, ce dispositif n’est rien d’autre qu’une tentative maladroite d’en revenir à une forme de ministère de l’information, voire d’un « bureau de l’esprit public » tel que les révolutionnaires le créèrent en 1792… »

Pensée unique, prêt-à-penser, veut-on nous vacciner en masse contre l’esprit critique ?

La nouvelle guerre de l’information

Cette plateforme témoigne de la guerre de l’information de plus en plus impitoyable entre les médias « officiels » (détenteur de la carte de presse) et les médias alternatifs ou citoyens qui ont émergé à l’ère du numérique.

Ces médias « mainstream » peuvent désormais s’appuyer sur la nouvelle loi contre la manipulation de l’information, couramment appelée « loi fake news » ou « loi infox », adoptée par le Parlement le 20 novembre et promulguée le 22 décembre 2018 [2].

Cette loi, très critiquée par de nombreuses associations qui défendent la liberté d’expression, complète un arsenal législatif existant et s’attaque plus particulièrement à la diffusion extrêmement rapide des fausses nouvelles sur Internet. Elle crée un devoir de coopération des plateformes qui doivent mettre en œuvre des mesures pour lutter contre la diffusion de fausses informations « susceptibles de troubler l’ordre public ».

C’est pourquoi les internautes voient aujourd’hui certaines de leurs publications masquées par le placard « fausse information », sans pouvoir contester.

De plus en plus de médias traditionnels ont désormais un service de décodeur ou facts checkers. Ce sont eux qui communiquent à Facebook ou autres plates-formes le fruit de leur réflexion qui sert ensuite à « censurer », plus ou moins ouvertement, certaines informations. De nombreux blogueurs sur YouTube ont ainsi témoigné du fait que leurs vidéos avaient été supprimées sans recours réel possible.

Cette loi, très critiquée par de nombreuses associations qui défendent la liberté d’expression, complète un arsenal législatif existant et s’attaque plus particulièrement à la diffusion extrêmement rapide des fausses nouvelles sur Internet. Elle crée un devoir de coopération des plateformes qui doivent mettre en œuvre des mesures pour lutter contre la diffusion de fausses informations « susceptibles de troubler l’ordre public ».

C’est pourquoi les internautes voient aujourd’hui certaines de leurs publications masquées par le placard « fausse information », sans pouvoir contester.

De plus en plus de médias traditionnels ont désormais un service de décodeur ou facts checkers. Ce sont eux qui communiquent à Facebook ou autres plates-formes le fruit de leur réflexion qui sert ensuite à « censurer », plus ou moins ouvertement, certaines informations. De nombreux blogueurs sur YouTube ont ainsi témoigné du fait que leurs vidéos avaient été supprimées sans recours réel possible.

Des médias à la fois juge et partie

De toute évidence, les médias officiels sont à la fois juge et partie dans cette affaire. Les informations qu’ils qualifient de « fake » contredisent bien souvent « leur » version. Peut-on vraiment leur faire confiance pour décrypter objectivement les informations alternatives ?

Je vous rappelle que le traitement à l’hydroxychloroquine du Pr Raoult avait été classé comme une « fake news » par les Décodeurs du Monde… Cet article de décodage avait notamment été publié sur la plateforme du ministère, avant d’être retiré face à l’indignation sur les médias sociaux. Les internautes relayaient en effet de manière virale les vidéos de la chaîne Youtube de l’IHU Méditerranée Infections, dirigé par le Pr Raoult, qui n’a plus besoin des médias traditionnels pour exploser l’audimat via le net !

La grippe H1N1 : le début du contrôle de l’information

Cette évolution vers une information plus « contrôlée » date de l’affaire de la grippe H1N1, décrétée comme pandémie par l’OMS en 2009. Cette crise sanitaire, qui n’en était pas une, avait abouti au fiasco de l’achat de vaccins inutiles. Pour mémoire, le coût de la gestion de cette épidémie avait coûté quelque 2 milliards d’euros à la France…

Le discours gouvernemental et celui des médias « officiels » avaient généré bien des peurs et des angoisses chez les citoyens, comme c’est le cas aujourd’hui. Or en 2010, une commission d’enquête parlementaire dont on n’a pas vraiment entendu parler, avait été chargée d’étudier la gestion et la surévaluation de cet épisode grippal. Dans ses conclusions, la commission avait finalement dédouané la ministre Roselyne Bachelot et les pouvoirs publics « qui ont fait de leur mieux en fonction des connaissances dont ils disposaient ».

La crainte de l’émergence des réseaux sociaux

Mais elle s’inquiétait aussi du phénomène émergeant des réseaux sociaux : « Les autorités sanitaires, avec un message brouillé par des interventions multiples sur l’opportunité de la campagne de vaccination, débordées par un débat concurrent sur internet où elles n’ont pas su présenter leurs contre-arguments, ont-elles alors perdu la “bataille de la communication“ » ? »

Face aux « folles rumeurs sur Internet, les attaques violentes du lobby anti-vaccin ou encore les annonces spectaculaires de pseudo-experts en quête de gloire médiatique », ce rapport préconisait de « renforcer le pôle de veille multimédia au sein du service d’information du Gouvernement et prévoir une réponse adaptée sur internet et sur tous les réseaux sociaux ».

Dans les conclusions de la commission, il y avait aussi bien sûr de nombreuses recommandations pour mieux gérer une pandémie : « Après cet événement qui n’a pas causé de dommages d’une ampleur aussi grande que celle qu’on avait un temps prévue, nous avons aujourd’hui l’opportunité de réfléchir aux améliorations à apporter pour restaurer la confiance dans les politiques de santé publique et gérer au mieux les futures « crises ». Votre rapporteur espère que les travaux de la commission d’enquête auront contribué à cette réflexion collective. »

Au ministère de la Désinfox

Nous n’avons apparemment pas progressé dans la manière de déterminer et gérer correctement des épidémies ou des pandémies. Nous peinons également à utiliser des médicaments qui existent déjà sur le marché, qui sont efficaces et peu coûteux…

Enfin, nous avons échoué dans le financement et la gestion de l’hôpital public pour améliorer la prise en charge. Côté fake news, qui étaient déjà dans le collimateur il y a dix ans, tout le monde perçoit bien en revanche à quel point cette préconisation a retenu l’attention des pouvoirs publics.

De toute évidence, la plateforme Désinfox du ministère vise surtout à contrôler l’information sur des sujets sensibles, à commencer par les politiques sanitaires et notamment la vaccination.

Toute information plus ou moins alarmiste sur les dangers de la vaccination est en effet systématiquement qualifiée de « fake news » par les médias « partenaires ». Alors qu’on nous promet un vaccin salvateur, ce n’est pas le moment de laisser planer des doutes.

Mais le gouvernement peut-il compter sur le vernis informationnel pour pallier ses carences opérationnelles ?

L’avenir nous dira bientôt s’il a remporté ou perdu cette nouvelle bataille de la communication, dix ans après la crise médiatico-sanitaire du H1N1.[row][paragraph_left] Left Side Content [/paragraph_left][third_paragraph] Right Side Content [/third_paragraph][/row]

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