Déchets sur une plage française de la côte atlantique
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L’omniprésence du plastique dans l’environnement, sous forme de macro déchets ou sous forme microscopique est dénoncée depuis des années en brandissant le fait que les déchets plastiques se décomposeraient en plusieurs centaines d’années. Mais qu’en est-il vraiment ?

Environ 10 millions de tonnes de déchets plastiques sont rejetés dans les océans chaque année, et ils contribuent notamment à la formation des fameux “continents de déchets“, cette soupe de plastique qui s’accumule au grès des courants marins sur des millions de km² et qui sont des pièges mortels pour les animaux marins.

Pour sensibiliser le grand public à ce problème environnemental majeur des infographies, posters, affiches… sont diffusés et relayés sur le web, lors d’évènements, dans les écoles, les aquariums, les journaux… Ils nous montrent que les sacs plastiques, les bouteilles et autres déchets en plastique mettent des centaines d’années – souvent 500 ans – à se décomposer. Mais comment pouvons-nous en être sûr ? En fait personne n’a vraiment vérifié cette assertion.

Le temps nécessaire au plastique pour se décomposer dans l’environnement n’est pas évident à déterminer explique Collin Ward, chimiste marin à la Woods Hole Oceanographic Institution et qui fait partie d’un programme de recherche sur le devenir des plastiques dans l’océan. “Les plastiques sont partout, mais l’une des questions les plus urgentes est la durée de vie des plastiques dans l’environnement“, dit-il. Et pour cause, “Les risques pour l’environnement et la santé humaine associés à quelque chose qui dure un an dans l’environnement, par rapport à la même chose qui dure 500 ans, sont complètement différents.

Autrement dit, connaître la durée de vie des plastiques est essentiel :

  • pour les consommateurs et les fabricants, pour prendre des décisions durables ;
  • pour les scientifiques pour comprendre le devenir des plastiques dans l’environnement et évaluer les risques sanitaires associés ;
  • pour le législateur afin d’éditer des lois et interdictions sensées.

C’est pourquoi, la Woods Hole Oceanographic Institution a étudié près de 60 infographies et documents provenant de sources variées (ONG, manuels scolaires, gouvernement, médias…) qui relaient des messages diffusés au grand public sur les durées de vie des pailles, tasses, sacs et autres déchets abandonnés dans la nature.Et à leur grande surprise, il y a peu de cohérence dans les chiffres avancés. “Les estimations communiquées au grand public et aux législateurs varient considérablement“, explique Ward, auteur principal d’un nouvel article publié dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences. “Dans certains cas, ils varient d’une année à des centaines d’années à toujours.“.
En outre, de nombreuses sources reprennent les mêmes chiffres comme la durée de vie de 600 ans d’une ligne de pêche dans l’océan, sans que cela ne repose sur aucune étude scientifique.

Personne ne sait vraiment en combien de temps le plastique se dégrade complètement

Les scientifiques ont bien cherché dans la littérature scientifique mais n’ont rien trouvé de sérieux qui permette d’étayer ces affirmations relayées partout, même si, au final, l’intention est bonne.

Dans l’une de leur propre étude évaluée par des pairs sur l’espérance de vie des plastiques publiée l’année dernière, Ward et son équipe ont constaté que le polystyrène – le premier type de plastique trouvé sur le littoral par les scientifiques de l’OMS il y a près de cinquante ans et maintenant l’un des plastiques les plus omniprésents au monde – peut se dégrader en quelques décennies lorsqu’il est exposé au soleil, plutôt qu’en milliers d’années comme on le pensait auparavant.

Le chimiste marin WHOI Chris Reddy pense que l’une des plus grandes idées fausses entourant le sort des plastiques dans l’environnement est qu’ils se décomposent simplement en morceaux plus petits qui perdurent pour l’éternité. “C’est l’histoire que nous voyons tout le temps dans la presse et sur les réseaux sociaux, et ce n’est pas une image complète“, explique Reddy. “Mais grâce à nos propres recherches et en collaborant avec d’autres, nous avons déterminé qu’en plus de se décomposer en fragments plus petits, les plastiques se dégradent également partiellement en différents produits chimiques, et finissent par se décomposer complètement en CO2.

Dans nos ramassages réguliers de déchets dans l’environnement, nous récupérons des emballages plastique alimentaires entièrement intacts, et ce, 20 ans après avoir été enfouis dans le sol (la date de péremption fait foi)

Ramassage bénévole de déchets sur les routes de campagne, le travail ne manque pas
© Christophe Magdelaine / www.notre-planete.info – Licence : CC BY-NC-SA

Chelsea Rochman, biologiste à l’Université de Toronto qui n’était pas impliquée dans l’étude, dit que la compréhension des différentes formes de dégradation du plastique sera la clé pour résoudre l’un des mystères persistants de la pollution plastique : plus de 99 % du plastique qui devrait être détecté dans l’océan est manquant.
Les chercheurs commencent à parler du cycle global du plastique“, explique Rochman. “Un élément clé sera de comprendre la persistance des plastiques dans la nature. Nous savons qu’ils se décomposent en morceaux de plus en plus petits, mais vraiment comprendre les mécanismes et les produits de transformation sont des éléments clés du puzzle.

Si les déchets flottants sont aujourd’hui très étudiés, leur masse cumulée représente moins de 1 % du plastique présent dans les océans du monde. Les scientifiques supposaient que les 99 % manquants se trouvaient dans les profondeurs de l’océan. Une étude récente montre qu’une partie est transportée par des courants de fond avant de se déposer sur des bancs de sédiments au pied des pentes sous-marines.

Au final, “il ne sera pas facile de répondre à la question de la persistance environnementale des plastiques“, explique Ward. “Mais en apportant de la transparence à ce problème environnemental, nous contribuerons à améliorer la qualité des informations disponibles pour toutes les parties prenantes – consommateurs, scientifiques et législateurs – afin de prendre des décisions informées et durables.

Le plastique ne perdurerait pas ad vitam æternam dans les milieux et c’est plutôt une très bonne nouvelle. Cela dit, pendant des décennies, il souille et constitue un piège, notamment pour les animaux marins, des poissons aux tortues en passant par les oiseaux.


Référence

Opinion: We need better data about the environmental persistence of plastic goods ; Collin P. Ward and Christopher M. Reddy – PNAS first published June 10, 2020

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