COMMENT LE CORONAVIRUS VA RÉVOLUTIONNER LE TRAVAIL
Huit millions de Français travaillent aujourd’hui depuis chez eux en raison du confinement imposé par le Coronavirus, levant de nombreux obstacles qui existaient jusqu’alors. C’est l’occasion pour les entreprises de revoir leur modèle et de sortir d’une culture managériale du contrôle pour tendre vers plus d’autonomie, de confiance, de travail en équipe et d’apprentissage continu. Un modèle qui sera bien plus résilient face aux crises à venir.

Le confinement a imposé le télétravail dans les entreprises qui peuvent le proposer et qui étaient jusque-là assez frileuses.

Le télétravail s’est développé de façon exponentielle ces dernières semaines, confinement oblige. D’après le ministère du Travail, huit millions de salariés l’exercent désormais, contre 1,8 million en novembre dernier. Et ils ne sont pas les seuls. Le nombre de médecins proposant la télé-consultation sur Doctolib a explosé, passant de 3 500 à 35 000 en quinze jours. Les professeurs, y compris de sport, multiplient les cours en ligne. Et les experts du Giec, le groupe intergouvernemental sur le climat, expérimentent cette semaine une réunion de travail virtuelle : 250 personnes connectées à travers la planète sur différents fuseaux horaires.

“Après les petits chaos du début, le télétravail semble être entré dans les mœurs et le fossé générationnel qui existait se réduit considérablement. C’est d’autant plus remarquable que les conditions exceptionnelles que nous connaissons (isolement, garde d’enfants…) ne seront pas la norme demain, analyse Vinciane Beauchene, directrice associée chez le cabinet de conseil BCG. “Mais attention, sa généralisation suppose une révolution des pratiques managériales”, souligne-t-elle.

Nouvelle culture managériale

Il ne suffit donc pas d’avoir les bons outils pour espérer voir venir cette révolution. “Une bascule doit s’opérer du côté du management : passer moins de temps sur le contrôle mais plus de temps à donner la direction afin que tous les salariés soient alignés sur l’objectif de l’entreprise. Les managers devront également faire confiance, donner plus d’autonomie aux salariés et réinventer le travail en équipe à distance avec des routines et un cadre clair. En contrepartie, il faut une culture de la transparence de la part des collaborateurs partageant les progrès réalisés comme les obstacles auxquels ils font face”, détaille Vinciane Beauchene.

Le cabinet de conseil estime que quelque soit le secteur, favorisé ou pas, seuls 14 % des entreprises réussissent à tirer leur épingle du jeu et sortent plus fortes des crises. “Le coronavirus peut être l’occasion pour les entreprises de s’interroger sur leur capacité à s’adapter à ces changements brutaux et mettre en place une nouvelle organisation du travail plus résiliente alors que le monde de demain sera extrêmement instable”, estime Salima Benhamou économiste au département Travail, emploi, compétences à France Stratégie et experte sur les questions d’avenir du travail.

La chercheuse défend le modèle de l’organisation apprenante pour sortir de la crise. Dans ces structures, les salariés y sont polyvalents, participent activement à l’élaboration des objectifs avec la hiérarchie, apprennent en continu et disposent d’une forte autonomie et d’une aptitude à résoudre des problèmes complexes. “Notre manière de travailler et d’apprendre ensemble (de nos succès comme de nos erreurs), notre capacité à se remettre en question et à sortir des normes et des règles préétablies seront déterminants pour le futur. En ce sens, l’organisation apprenante apparaît comme la plus adaptée”, explique-t-elle.

La France à la traîne sur les organisations apprenantes

Face au Covid-19, certaines entreprises françaises ont démontré leur agilité. LVMH a converti trois de ses sites de production de parfum à la fabrication de gel hydroalcoolique pour fournir gracieusement les hôpitaux, PSA, Renault et Air Liquide se sont mis à la fabrication de respirateurs tandis que l’industrie textile a rebranché ses machines pour fabriquer en urgence des masques. Reste que la France, avec 43 % des salariés du privé travaillant dans une organisation apprenante (1), se situe encore bien loin des pays nordiques et du Pays-Bas où les taux montent entre 54 % et 62 %.

“Nous plaidons pour la mise en place d’un programme national ambitieux pour l’innovation organisationnelle et managériale au service du progrès économique, social et environnemental. Améliorer le système d’éducation, la formation professionnelle et la formation au management des dirigeants est aussi au cœur de nos recommandations et répond aux attentes de plus en plus fortes des salariés” conclut Salima Benhamou.

De quoi motiver cette armée de télétravailleurs qui devra reprendre le chemin du bureau après la crise. “Cela se fera moins par défaut que par nécessité, veut croire Vinciane Beauchene. La crise aura permis de revaloriser le bureau comme espace de lien social et de convivialité.”

Concepcion Alvarez, @conce1

(1) Voir l’étude de France Stratégie sur les organisation apprenantes

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