Parmi les points du déroulé de la récente et quatrième séance du Congrès de nos élu.e.s, le 28 juillet dernier à l’hôtel de l’Assemblée de Martinique, figurait la présentation d’un « rapport d’analyse sur le cadre institutionnel martiniquais et ses possibles évolutions. » Une présentation qui fut déclinée à deux voix, celles de Didier Laguerre et Louis Boutrin, par ailleurs seul membre du groupe d’opposition « Gran Sanblé Pou Matinik » (GSPM) à avoir accepté d’être présent à cette nouvelle séance*. Focus sur certains éléments de ce rapport.

Faisant mention des « enjeux d’une réforme institutionnelle » relative à la Martinique, Louis Boutrin développa un propos sur des « freins identifiés au développement » ; freins déclinés selon trois grands sujets et autres réalités factuelles.

Tout d’abord les « modalités d’application des actes dans la Collectivité » : « La Martinique est régie par l’article 73 de la Constitution et par le principe d’identité législative, c’est-à-dire que les normes françaises s’y appliquent en principe de plein droit (à l’exception des actes adoptés avant 1946). Certaines règles particulières peuvent tout de même être édictées afin de compléter le droit commun, or ces adaptations sont difficilement appliquées dans les faits. C‘est-à-dire que des lois et décrets peinent à intégrer nos spécificités locales, ce qui débouche sur des normes qui ne prennent pas en compte, ou insuffisamment, les caractéristiques et contraintes particulières de nos pays. » En outre, des « outils d’adaptation dysfonctionnent et il y a une consultation purement formelle des collectivités par l’Etat, avec des délais très resserrés, ce qui n’entraine que rarement de réelles adaptations des textes. »

Deuxième sujet, le « pouvoir normatif de la Martinique » : Il existe à ce jour un « pouvoir règlementaire de gestion, équivalent à celui des collectivités hexagonales, avec la possibilité d’obtenir des habilitations depuis 2003. Cependant et du fait de l’encadrement de ce droit, les habilitations ne s’obtiennent qu’à l’issue de démarches fastidieuses et longues. Leur usage est donc limité dans les faits. »

Enfin troisième sujet inhérent à ces « freins identifiés », les « compétences financières de la Collectivité » : plus précisément « une autonomie financière restreinte ; des compétences très limitées en matière de politique fiscale ; et une fiscalité indirecte résiduelle avec l’octroi de mer, la taxe spéciale sur les carburant, etc. » Louis Boutrin de souligner alors, et à dessein, le contraste entre le budget de la CTM, qui est de 1,7 milliards d’euros, et une fiscalité « locale »de 285 millions d’euros. Puis ce fut à Didier Laguerre de présenter « différents scénarii envisageables », dans le cas et en absence d’une révision de la Constitution. Il s’agit là, plus précisément, de trois scenarii relevant d’une sorte de « plan A » (en cas de révision constitutionnelle) et d’un « plan B » (dans le cas contraire).

« Un ‘’plan A’’, mais aussi un ‘’plan B’’… »

Scénario 1 : la « fusion des articles 73 et 74 de la Constitution ».

A savoir une « solution juridique permettant le renvoi à une loi organique statutaire propre à chaque Collectivité (et territoire) ; un schéma institutionnel souple et adaptable ; des transferts de compétence déterminés en concertation avec la Collectivité ; l’établissement d’une liste de compétences non transférables (‘’de l’Etat vers les collectivités’’) ; une grande souplesse dans la différenciation des territoires ; une évolution du pouvoir normatif de la Collectivité vers une plus grande autonomie, donc vers une responsabilisation accrue des élus martiniquais. Cette solution permettrait un statut ‘’à la carte’’ pour chacun des territoires, avec la capacité de solliciter le consentement des populations sur un projet de statut. »

Scénario 2 : la « modification de l’article 73 ».

A savoir une « modification permettant d’ouvrir aux Collectivités régies par l’article 73 la possibilité de transférer des compétences à leur demande, dans les domaines privilégiés par celles-ci et au cas par cas ; une modification permettant l’octroi d’un pouvoir réglementaire autonome de la Collectivité ; la pérennisation de la distinction entre les articles 73 et 74 ; (et) le maintien du principe d’identité législative. »

Scénario 3 : Trois « voies constitutionnelles alternatives ».

1. Un article spécifique pour la “Martinique” : cette solution permettrait de définir un statut ‘’sur mesure’’. Mais il convient de souligner que des demandes similaires ont été rejetées.

2. Un nouvel article, le 73-1 : avec un « droit d’option ouvert aux Collectivités régies par l’article 73 de solliciter des transferts de compétences/un pouvoir règlementaire, tout en maintenant le principe d’identité législative. (Mais) cela risquerait de rendre plus floue la différence entre certaines Collectivités de l’article 74 et celles bénéficiant de ce nouvel article. »

3. Une modification totale de l’architecture constitutionnelle : « Consacrer un titre réservé aux Collectivités ultramarines. Avec une ‘’sortie’’ de la dichotomie entre les articles 73 et 74. »

Scénario 4 : « Possibilités en l’absence de révision de la Constitution ».

« 1. Le statu quo ; 2. Modifier les dispositions organiques relatives aux habilitations, afin notamment d’en faciliter l’obtention ; 3. Reconsidérer l’utilisation de l’article 72-4 de la Constitution, avec une possibilité de consulter les électeurs d’une Collectivité sur une question qui est relative à leur territoire et plus proche des attentes de la population ; 4. Le passage à l’article 74 avec un statut rédigé ‘’à la carte’’ (principe de spécialité législative, degré de compétence en coopération régionale, dispositifs de préférence locale, etc.). »

Pour rappel et en dernier lieu, la « déclaration solennelle » ayant émané de cette quatrième séance du Congrès stipule en sa conclusion que ces scenarii « devront être approfondis par un débat au sein de la population, engageant les acteurs économiques et sociaux, les syndicats et les associations, nourri par des analyses juridiques » et que « ce processus se conclura par une consultation du peuple, conformément aux dispositions de la Constitution. » Pédagogie avérée, consensus politique et participation populaire conséquente seront-elles réalité(s) durant les inévitables futures étapes de ce « processus » ? Autant d’interrogations pour l’heure en suspens… .

Mike Irasque (et source CTM)

*Lors de la dernière séance plénière de l’Assemblée de la CTM, le 27 juillet dernier, Daniel Marie-Sainte, chef de file du groupe GSPM, avait signifié à Lucien Saliber et Serge Letchimy que ledit groupe ne participerait pas à la séance du Congrès du 28 juillet (notamment pour un « manque de sérieux » dans les travaux, un « absentéisme » de certain.e.s élu.e.s, etc.). Ce 27 juillet dernier, lors de ladite plénière, Louis Boutrin avait indiqué que lui serait présent à cette séance du 28 juillet, arguant notamment de sa « responsabilité ». (MI)

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