Dans un rapport consacré à l’impact du budget européen sur le budget de l’État, la Cour des comptes invite à améliorer la mobilisation des fonds européens, en mettant en avant les risques qui pèsent sur les versements de la facilité de relance et de résilience ou le risque de sous-utilisation des autres fonds. Une mobilisation d’autant plus nécessaire que la contribution de la France au budget de l’Union européenne va croissant. Et elle pourrait encore augmenter si l’Union ne parvient pas à mobiliser de nouvelles ressources propres. Une hypothèse “possible”, juge la rue Cambon.

Dans un rapport consacré à l’impact du budget européen sur le budget de l’État, la Cour des comptes alerte une nouvelle fois sur la nécessité d’améliorer la mobilisation des fonds européens. Et ce, d’autant plus que “l’augmentation [de l’enveloppe] de 25% (3,9 milliards d’euros) par NextGenerationEU et ReactEU sans modifier la date de la fin de la programmation accroît le risque de moindre consommation des fonds européens”, souligne-t-elle (d’autant que la juxtaposition de ces dispositifs met à mal les capacités administratives, comme l’a souligné naguère la Cour des comptes européenne – voir notre article du 20 janvier). Un risque déjà palpable, puisque la rue Cambon observe que “fin 2022, la France accusait près de 10% de retard sur la moyenne européenne de consommation des fonds de cohésion intégrant les crédits ReactEU”. Il y a d’autant plus urgence qu’elle rappelle que “la période 2020-2023 est une période critique qui va déterminer la consommation finale des fonds 2014-2020 et conditionner en grande partie ceux de la période 2021-2027”, programmation dont la Cour redoute qu’elle ne “prenne du retard”.
Elle attire également l’attention sur les “risques de corrections financières à maîtriser”. Une menace qui s’accroît là encore avec la facilité pour la reprise et la résilience (FRR), compte tenu des “zones de recoupement” entre cette dernière et les fonds de la politique de cohésion, qui renforcent d’autant le risque de double financement proscrit par l’Union. La Cour invite en conséquence à “une coordination renforcée entre l’État, ses opérateurs et les collectivités concernées”.
La rue Cambon relève encore que “plusieurs risques pèsent sur le financement attendu de l’UE” via cette FRR. Pour la Cour, “certains résultent de la structure du plan [de relance, qui vient d’être révisé – voir notre article du 28 juin], avec une addition de mesures très diverses, mises en œuvre par de nombreux acteurs”, quand d’autres proviennent “de modalités de mise en œuvre qui peuvent se révéler complexes”.

Une mobilisation et un suivi des fonds à améliorer

La Cour constate toutefois que plusieurs de ses précédentes recommandations de 2019 (voir notre articledu 22 mai 2019) sont en cours de mise en œuvre par les régions et l’État, comme la réduction du nombre de programmes ou la simplification du Feader. Elle pointe des améliorations, comme la création d’une cellule chargée de la mobilisation des fonds européens au sein du secrétariat général des affaires européennes (voir notre article du 6 décembre 2022). Elle invite néanmoins l’État à finaliser “dans les meilleurs délais” les plans d’actions prévus pour la simplification et la sécurisation des dépenses des fonds en gestion partagée et la mobilisation des fonds en gestion directe (et à produire un bilan de leur mise en œuvre). Pour les programmes en gestion partagée, elle insiste notamment sur la poursuite des efforts de simplification des procédures d’instruction et de paiement. Pour ceux en gestion directe, elle observe qu’il “est de la responsabilité de l’État de déployer une stratégie plus efficace d’influence, de sensibilisation et de soutien des bénéficiaires”.
Par ailleurs, déplorant que le suivi des versements de la Commission et des moyens consacrés par l’État à la mobilisation et à la gestion de ces fonds soit “émietté”, elle recommande à la direction du budget d’en renforcer le suivi, “en intégrant à l’ordre du jour des conférences budgétaires annuelles une analyse des moyens mobilités et des flux financiers européens et nationales par période de programmation”.

Une contribution française à la hausse

Cette pleine mobilisation des fonds lui semble d’autant plus souhaitable que la Cour relève que la contribution de la France au budget de l’Union européenne va croissant, alors qu’elle est déjà l’un de ses principaux “contributeurs nets”. Elle estime que le prélèvement sur recettes pour le financement du budget de l’UE, qui constitue l’essentiel de la contribution (24,2 milliards d’euros sur 26,5 milliards d’euros au total en 2022), devrait atteindre 26,9 milliards d’euros en moyenne sur 2023-2027. Une hausse que la Cour explique principalement par l’impact du Brexit, en n’insistant en revanche guère sur les rabais dont bénéficient certains États membres depuis ce dernier (voir notre article du 16 novembre 2020). À son tour (voir notre article précité), la Cour alerte également sur le risque que ce prélèvement croisse davantage encore (de l’ordre de 2,5 milliards d’euros supplémentaire par an) du fait du nécessaire remboursement du plan de relance NextGenerationEU. Pour mémoire, les textes prévoient en effet que le remboursement de l’emprunt contracté pour ce plan par l’UE soit assuré par de nouvelles ressources propres de cette dernière, ou à défaut par une hausse des contributions nationales. Or, la rue Cambon estime que l’hypothèse selon laquelle ces ressources propres seraient insuffisantes “doit être tenue pour possible”. D’une part, elle relève en effet que les discussions sur ces nouvelles ressources “ne font que commencer” (évoquant celles du “premier panier” présenté par la Commission en décembre 2021, voir encadré). D’autre part, elle observe que le montant de ces ressources qui pourra être alloué au remboursement de la dette “reste à déterminer”, en rappelant que ces recettes doivent aussi financer d’autres dispositifs, comme le fonds social pour le climat (voir notre article du 15 décembre 2021) ou le fonds européen d’innovation. La Cour indique que la Commission “devrait faire au second semestre 2023 de nouvelles propositions”. On relèvera que la Commission a déjà rendu publique sa proposition le 20 juin dernier, qui n’est guère de nature à rassurer (voir encadré ci-dessous). On observera encore que la Cour insiste peu sur les impacts de la hausse des taux d’intérêt sur le budget de l’UE, qui n’est pourtant pas sans inquiéter le Parlement européen (voir notre articledu 12 mai) ou la Commission elle-même (voir notre articledu 23 juin).

  • La Commission propose un nouveau train de ressources propres (à un seul wagon)

La Commission européenne a présenté le 20 juin dernier sa nouvelle proposition de nouvelles ressources propres de l’Union, qui vient en complément de celles formulées le 14 décembre 2021 (voir notre article du 12 mai). Si le Parlement a récemment fait preuve d’inventivité, multipliant les propositions de nouvelles ressources, la Commission se borne à en proposer une seule : une contribution “statistique”, fondée – mais non ponctionnée – sur les bénéfices des entreprises. Égale à 0,5% de l’excédent brut d’exploitation des entreprises financières et non financières, elle ne serait en effet pas prélevée sur ces dernières, mais versée par les États membres. En fait, cette contribution nationale ne serait que “temporaire”, le temps que le projet d’impôt sur les sociétés en cours de négociation (initiative “Befit” pour les spécialistes) entre en application. La Commission attend de cette “ressource statistique” environ 16 milliards d’euros annuels (au prix de 2018) à compter de 2024.
Dans sa communication de juin, la Commission revoit en partie ses propositions initiales de 2021. D’abord celle relative au système d’échange de quotas d’émission (Seqe), afin de tenir compte de l’augmentation du prix du carbone. Relevant que les recettes des États membres ont doublé en deux ans pour atteindre près de 30 milliards d’euros en 2022, la Commission propose de porter à 30% (contre 25% dans sa précédente proposition) la part des recettes générées par le Seqe revenant à l’Union. La Commission estime que cela devrait générer de l’ordre de 7 milliards d’euros annuels (au prix de 2018) à partir de 2024. Un montant qui devrait même atteindre selon elle 19 milliards d’euros annuels à partir de 2028, une fois les recettes du nouveau Seqe (voir notre article du 16 mai) versées au budget de l’UE (avec une hypothèse de 80 euros la tonne de carbone).
Ensuite celle relative au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, afin d’aligner sa proposition formulée en 2021 sur le texte finalement adopté. Cette source de recettes devrait générer environ 1,5 milliard d’euros annuels pour le budget de l’UE à partir de 2028, estime la Commission.


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