Ainsi les élu.e.s présent.e.s lors de la dernière séance en date du Congrès* ont adopté une résolution visant à la création d’un nouvel article, 73-1, à insérer dans la Constitution afin, en substance, de pouvoir doter les collectivités dites ultramarines qui le souhaiteraient de pouvoirs et moyens d’action(s) plus étendus et adaptés à leurs réalités et problématiques. Aux fins d’explications à notre lectorat, retour sur l’argumentaire tel que décliné par l’exécutif et la majorité de la CTM dans l’un de leurs supports de communication. Extraits commentés par nos soins.

« Après avoir procédé à un certain nombre d’auditions d’experts – juristes, sociologues, politiques », débute ledit exécutif, « il semblerait que la plupart des avis convergent en faveur de la création d’un article 73-1 nouveau de la Constitution, prévoyant la possibilité pour les collectivités de l’article 73 de solliciter des transferts de compétences via l’attribution d’un pouvoir règlementaire autonome, tout en maintenant le principe d’identité législative. Ce pouvoir réglementaire autonome pourrait être exercé soit conjointement avec l’Etat, soit de manière exclusive, dans des domaines à définir. » Le cadre général de l’orientation est ainsi posé.

« Une solution pouvant apparaitre très intéressante pour la Martinique ne ferait pas nécessairement consensus… »

« Au moment du choix de la meilleure solution à présenter aux autorités nationales, des éléments, de nature plus politique, semblent là encore être entendus de façon consensuelle par les membres de la commission ad hoc », poursuivent exécutif et majorité, « ainsi en est-il de la nécessité de formuler une proposition acceptable par les autres collectivités ultramarines, ce qui signifie qu’une solution pouvant apparaitre très intéressante pour la Martinique ne ferait pas nécessairement consensus et ne constitue donc pas la meilleure solution politique. » De la nécessité du ‘’consensus politique’’ comme possible levier d’influence à l’endroit des autorités étatiques (et souvent décisionnaires). Et l’exécutif d’ajouter que « la prise en compte de l’évolution des discussions au niveau national a également fait l’objet d’échanges, le Président de la République ayant clairement repoussé l’éventualité d’une révision constitutionnelle relative à l’outre-mer à un horizon qui demeure à clarifier, en excluant la possibilité de mutualiser une telle réforme avec celle qui devra intervenir, probablement en 2024, pour la Nouvelle-Calédonie. » Un rappel important et opportun.

« Il semble peu probable que le Gouvernement prenne le risque de mettre en péril un accord durement acquis en Nouvelle-Calédonie, pour s’opposer à une réforme relative aux autres collectivités ultramarines »

Puis l’exécutif d’indiquer « l’éventualité que la réforme souhaitée par le Congrès (…) puisse être introduite devant le Sénat par un amendement parlementaire au projet de loi constitutionnelle relatif à la Nouvelle-Calédonie. » Une option explicitement qualifiée de ‘’plan B’’ par les tenants de cette possible orientation, notamment Didier Laguerre, le président de la commission ad hoc. L’exécutif de préciser alors sa stratégie (et probablement ses espoirs) quant à cette ‘’option parlementaire’’. « En effet, portant sur une collectivité territoriale ce projet de loi sera examiné en premier lieu par le Sénat. Si celui-ci amendait le projet de loi constitutionnelle, il deviendrait difficile pour le Gouvernement de demander à sa majorité parlementaire à l’Assemblée nationale de faire disparaitre cet amendement. L’article 89 de la Constitution, relatif à la révision de celle-ci, impose en effet que le texte soit adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées (Sénat et Assemblée nationale, ndr). Un rejet de l’amendement du Sénat par l’Assemblée nationale serait synonyme d’un rejet du projet, donc d’un échec de la révision constitutionnelle nécessaire à la mise en place du futur statut de la Nouvelle-Calédonie. Il semble peu probable que le Gouvernement prenne le risque de mettre en péril un accord durement acquis en Nouvelle-Calédonie, pour s’opposer à une réforme relative aux autres collectivités ultramarines. » C’est donc le pari (très risqué) fait par l’exécutif et la majorité de la CTM : s’en remettre à un amendement porté dans la ‘’Chambre haute’’ du Parlement ; Chambre à nette majorité, rappelons-le, droitière et centriste. La sénatrice Catherine Conconne et le sénateur Frédéric Buval seront-ils ‘’parties prenantes’’ de ce possible amendement ? A suivre. Puis l’exécutif de ‘’boucler la boucle’’ en somme : « Ces éléments de conjoncture politique rendent d’autant plus nécessaire un consensus entre Collectivités ultramarines, pour que la réforme ait une chance d’aboutir. » Nouvel appel à l’impératif d’un consensus : nouveau challenge. Et non des moindres.

« Il est apparu préférable que la possibilité d’émancipation normative soit proposée dans un article séparé » 

Dans son argumentaire, l’exécutif tient également à expliquer les raisons de son ‘’abandon’’ d’autres options d’évolution(s), présentées lors de séances précédentes du Congrès. Ainsi il est, par exemple, indiqué ceci : « Le contexte politique ultramarin comme national condamne à ce stade la solution d’une fusion des articles 73 et 74 de la Constitution », est-il argué en effet, « des collectivités de l’article 73 (La Réunion, Mayotte) comme de l’article 74 (Saint-Pierre-et-Miquelon, voire la Polynésie française) n’y semblent pas favorables pour des raisons qui leur sont propres. Ainsi en est-il également d’une réécriture complète des dispositions constitutionnelles relatives à l’outre-mer, qui ne peuvent pas s’inscrire dans la conjoncture politique actuelle. » Puis l’exécutif de souligner  que « le choix de l’introduction d’un article 73-1 de la Constitution est apparu comme une solution plus satisfaisante, afin de prendre en compte la frilosité de La Réunion et de Mayotte à l’égard d’une évolution des dispositions constitutionnelles les concernant allant vers plus d’autonomie. » Et d’expliquer : « A notamment été évoqué l’épisode de ‘’l’amendement Virapoullé’’ (de son prénom Jean-Paul, ancien parlementaire de La Réunion, ndr) lors de la révision constitutionnelle de 2003 sur l’organisation décentralisée de la République, les députés réunionnais ne souhaitant pas se voir proposer la possibilité de solliciter des habilitations dans le domaine de la loi ou du règlement. » L’exécutif de lancer alors : « Dans ce cadre, il est apparu préférable que la possibilité d’émancipation normative soit proposée dans un article séparé (donc ce 73-1, ndr). » Au rayon des certitudes, nul doute que cette association -‘’émancipation normative’’ – connaîtra une occurrence croissante dans les futures communications de Serge Letchimy.

« Il conviendra d’étudier la possibilité d’octroyer des dérogations au cadre des collectivités de l’article 73… » 

Puis la majorité de résumer ses options en ces termes, choisis et soupesés. « L’évolution ainsi demandée ne concerne donc que la possibilité de disposer d’un pouvoir réglementaire autonome, exercé seul ou conjointement avec l’Etat, pour les seules collectivités régies par l’article 73 qui le souhaiteraient, dans des matières à déterminer », est-il d’abord rappelé, « elle (l’évolution demandée, ndr) ne remet nullement en cause le régime d’identité législative dans le cadre duquel les actes relevant des compétences de l’Etat sont, sauf mention expresse contraire, applicables de plein droit dans la collectivité, permettant de trouver un équilibre entre différenciation et principe d’égalité. » Et d’ajouter : « Ceci est renforcé par le fait que les adaptations dont peuvent bénéficier les Collectivités régies par l’article 73 (‘’contraintes et caractéristiques particulières’’) restent plus limitées que pour les Collectivités régies par l’article 74 (‘’intérêts propres’’). »  Un possible nouvel article 73-1 qui serait donc le ‘’meilleur des deux mondes’’ inhérents aux articles 73 et 74 ? Nous verrons.

Et l’exécutif d’esquisser alors des volontés non anodines. Pour le moins. « Aussi, il conviendra d’étudier la possibilité d’octroyer des dérogations au cadre des collectivités de l’article 73 », est-il ainsi indiqué. Exemples de ‘’dérogations’’ ? « Mesures de préférence locale (en matière d’emploi ou foncière), contrôle juridictionnel spécifique des actes intervenant dans le domaine de la loi par le Conseil d’Etat en premier et dernier ressort, option pour le principe de spécialité législative dans certains domaines, bénéfice des ordonnances de l’article 74-1 de la Constitution », énumère l’exécutif de la CTM. ‘’Mesures de préférence locale en matière d’emploi ou foncière’’, ‘’option pour le principe de spécialité législative dans certains domaines’’ : la question des évolutions est donc très loin d’avoir fini de susciter a minima des réactions et débats, a maxima des polémiques et autres controverses sous nos Alizés. Prochaine étape relative à cette ‘’résolution 73-1’’ adoptée par les élu.e.s présent.e.s à la séance du 29 novembre dernier ? Une prochaine réunion plénière de l’Assemblée de la CTM. Les absents du 29 affûtent-ils déjà leurs argumentaires et divers éléments de langage ? La suite au prochain épisode.

Mike Irasque

*Une quarantaine sur les 81 élu.e.s composant le Congrès ; les groupes ‘’Gran Sanblé Pou Matinik’’ (à la récurrente exception de Louis Boutrin, président de Martinique Ecologie) et ‘’La Martinique Ensemble’’ ayant, entre autres absents, choisi de ne pas être présents à cette séance du 29 novembre. Ceci sans compter, en effet, les absences de très nombreux maires, de parlementaires et de membres du groupe majoritaire Alians Matinik. (MI)

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